Depuis le mois de juillet, la tension escalade entre la Grèce et la Turquie suite au déploiement par Erdogan d’un bateau de recherche sismique dans les eaux territoriales grecques escorté par des bâtiments militaires turcs. Tandis que ces deux pays se lancent des menaces de guerre, Athènes a réclamé une réaction de la part de l’Union Européenne pour sanctionner les agissements du gouvernement d’Erdogan.
Le 21 juillet, l’Oruc Reis, bâtiment de recherche sismique utilisé pour la détection d’hydrocarbures entrait dans les eaux grecques, au large de l’île de Kastellorizo. En réaction, la Grèce a mobilisé sa flotte militaire et la tension n’a eu de cesse d’escalader, notamment au mois d’août, lorsqu’une frégate grecque est entrée en collision avec un navire militaire turc. Depuis rien ne s’est calmé et les deux pays réagissent par exercices militaires interposées. La Grèce a bénéficié d’un appui de la marine française qui a dépêché plusieurs navires dans la zone, ce qui aboutit à une inquiétante concentration de forces militaires dans cette zone de la méditerranée.
Enjeux énergétiques et territoriaux
Cette recherche d’hydrocarbures représente un enjeu énergétique important pour les deux pays puisque les réserves sont estimées à 3000 milliards de mètres cube de gaz dans les gisements découverts. Mais le seul enjeu énergétique n’explique pas cette situation. En effet, l’origine de ces tensions est due à un conflit territorial de longue date : la Turquie conteste la délimitation de sa zone économique établie par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et souhaite un autre tracé de l’espace maritime. Cependant, ce tracé inclut de nombreuses îles grecques de la mer Egée dans le territoire turc.
L’Union Européenne absente face à la Turquie
La réaction de l’Union Européenne en soutien à l’un de ses états membres se fait très lente puisqu’il a fallu attendre près d’un mois pour un simple appel à la désescalade et une solidarité de principe avec la Grèce. Suite à une réunion des ministres des affaires étrangères de l’Union Européenne, des menaces de sanctions ont été évoquées mais laissées sans suite. Josep Borell, chef de la politique étrangère de l’UE proposait d’attaquer les secteurs « dans lesquelles l’économie turque est le plus étroitement liée à l’économie européenne ». Le prochain Conseil Européen du 24 et 25 septembre pourrait apporter de nouveaux éléments quant à la mise en place de sanctions.
Si Macron est à l’origine de ces propositions, tous les Etats membres ne sont pas d’accord, notamment l’Allemagne. Angela Merkel tente une approche plus diplomatique et a notamment exhorté les deux Etats à reprendre le dialogue. En effet, la Turquie reste un partenaire économique important pour l’Allemagne et Merkel compte sauvegarder les intérêts allemands en priorité et souhaite à tout prix éviter un conflit diplomatique.
De son côté, Emmanuel Macron n’est cependant pas en reste puisque lui aussi défend le projet d’une zone d’influence grandissante de la France en Méditerranée, en particulier au large de la Libye où des gisements d’hydrocarbures sont présents.
Exaltation du nationalisme
Dans ce contexte guerrier provoqué par le Président Erdogan, les atermoiements nationalistes ne sont jamais loin et les manœuvres politiciennes non plus. Il s’agit pour le président Turc de s’attirer les faveurs de ses alliés politiques mais aussi de détourner l’attention d’une situation économique et sociale préoccupante. Erdogan veut se présenter en tant que leader du Moyen Orient et adopte donc une position de dominant dans la méditerranée et de protecteur face à “l’occident”. L’instrumentalisation de ces tensions est donc pour lui l’occasion de tenter de ressouder la population turque autour de lui.
Depuis le début de la semaine, l’Oruç Reis a quitté les eaux grecques, ce qui a contribué à diminuer les tensions. Un geste salué par le premier ministre Mitsotakis. Au milieu de cette crise, la Grèce a pu finaliser la commande d’avions Rafale à la France mais a également lancée une campagne de recrutement de 15000 militaires, ce qui ne préfigure pas d’un parfait apaisement de la situation. De l’autre côté, le ministre de la défense a déclaré vouloir des relations “de bon voisinage” sans exclure un éventuel retour de l’Oruç Reis en zone grecque.