L’aggravation des conditions de vie sociales et sécuritaires tout comme les fraudes lors des dernières élections et une répression meurtrière du pouvoir du président IBK ont produit un mécontentement populaire qui s’est exprimé à de nombreuses reprises et que le mouvement M5-MFP, coalition de représentants politiques, de la société civile et de religieux tente de capter.
C’est dans ce contexte malien qu’intervient l’actuel coup d’État du 18 août dernier. Il se déroule également au moment où les forces criminalo-djihadistes, qui se nourrissent de la faillite des États, sont particulièrement actives dans toute la sous-région.
Le coup de force conduit par des officiers supérieurs de l’armée malienne marque une nouvelle étape dans le délitement total de la situation du pays. Le président de la République, Ibrahim Boubakar Keïta, qui a été arrêté, a annoncé sa démission, celle du gouvernement et la dissolution du Parlement. Quant aux militaires, qui ont procédé également à la neutralisation de la presque totalité de l’état-major et à l’incarcération de personnalités civiles, ils annoncent une transition civile censée conduire à des élections, ce qui prendrait selon eux 3 ans au minimum.
Ils ont reçu le soutien d’une partie de l’opposition organisée autour du mouvement M5-MFP, coalition d’hommes politiques, de représentants de la société civile et de religieux, mais ils disposent également du soutien d’une partie de la population, ayant subi depuis 2012 les conséquences d’un régime autoritaire et d’une répression toujours plus violente.
Depuis des décennies, le peuple malien subit des politiques libérales et d’ajustements structurels entravant toutes politiques publiques de développement, aggravant les inégalités et la misère. La corruption généralisée nourrit le ressentiment et la colère sociale face à l’enrichissement éhonté de la classe dirigeante. Les droits humains y sont constamment bafoués par des régimes autoritaires soutenus à bout de bras par des puissances étrangères et notamment la France. Rien n’est fait pour traiter les causes de ce désastre alors que la situation sociale ne cesse de s’aggraver.
Par ailleurs, le pouvoir en place, totalement discrédité, était largement contesté depuis les dernières législatives. L’opposition avait dénoncé les fraudes massives donnant lieu à des manifestations pacifiques d’ampleur. Celles-ci ont été durement réprimées dans le sang, faisant plus d’une vingtaine de morts parmi les protestataires sans que cela n’émeuve les protecteurs du régime.
Ces impasses s’exacerbent avec la déstabilisation conduite par des entreprises de violence liées au banditisme et aux groupes armés djihadistes. Ces organisations continuent à gagner en influence, montent en puissance, en effectifs et étendent leur implantation. De toute évidence, l’hyper-militarisation avec notamment la présence croissante des forces armées françaises ne produisent pas l’effet escompté et marque ses limites en raison de l’absence de perspectives politiques.
Les attaques se multiplient, éprouvant massivement l’armée malienne. En son sein, la grogne monte face aux revers, à la pression des combats, aux problèmes de solde alors que les fonds alloués aux forces armées ont accéléré une corruption devenue insupportable.
Ainsi, les solutions promues par la communauté internationale et plus particulièrement Paris, avec ses ingérences multiples, ses politiques d’austérité et la militarisation exclusive conduisent à l’échec et au chaos politique.
Comme le réclament les Maliens, il n’y a pas d’autres alternatives que le dialogue entre les forces sociales et politiques pour trouver une issue à la crise. L’absence de développement génère le désespoir et nourrit les forces réactionnaires et régressives qui se positionnent à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Enfin, la présence militaire française, dans le cadre de l’opération Barkhane de lutte contre le terrorisme, pourrait à son tour jouer un rôle dans cette transition. Entre les objectifs encore obscurs des militaires qui sont à la différence du coup d’Etat de 2012 des hauts gradés, proches de l’ancien pouvoir, les ingérences internationales, les pressions de la Cédéao (Commission économique Des Etats d’Afrique de l’Ouest), l’activité des forces islamistes et enfin la libération possible du libéral Soumaou Cissé, principal opposant à IBK, le peuple malien aura de nombreux obstacles devant lui avant d’arriver à une réelle transition démocratique.