Macron, le langage de l’arrogance

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Macron, le langage de l’arrogance

Le Président de la République, déjà frappé par l’affaire Benalla, est confronté à un désenchantement qui a conduit déjà deux de ses principaux ministres à la démission. Ses tentatives de se donner une nouvelle image se heurtent à ses propres dérapages verbaux.

L’arrogance d’Emmanuel Macron

L’ex-ministre de l’intérieur Gérard Collomb dénonçait à la rentrée un “manque d’humilité” dans la pratique du pouvoir du Président. Difficile de ne pas lui donner raison, tant les sorties du fondateur d’En Marche ont transpiré systématiquement le mépris et ce depuis qu’il est devenu un personnage public en devenant ministre de l’économie. Il continue pourtant de défendre un “parler vrai” dont la dénonciation ne serait que calcul politicien et incapacité à affronter la “réalité”.

Son goût pour les formules chocs semble cependant prendre le pas sur sa capacité à incarner un renouvellement rassembleur. L’augmentation de la fréquence de ces sorties probablement moins incontrôlées qu’elles n’y paraissent conduit à une impression de fébrilité dans l’exercice du pouvoir. Les tentatives de reprendre la main sur le tempo et l’image par le Président à travers des déplacements ont systématiquement été parasitées par les déclaration intempestives du même Président.

Aucune de ses sorties n’est particulièrement choquante, on est loin des emportées colériques d’un Nicolas Sarkozy. Elles ne s’éloignent même pas réellement du personnage que le Président entend incarner. Elles apparaissent cependant en décalage avec le caractère prétendument rassembleur d’Emmanuel Macron. Elles diffusent également un sentiment de perte de maîtrise alors que le locataire de l’Elysée s’est employé à contrôler très précisément le temps depuis son élection et même avant.

Des écarts de langage, pas de pensée

Pourtant les dérapages verbaux présidentiels ne rompent pas réellement avec le récit déployé par Emmanuel Macron. Quand il parle de “gaulois réfractaires”, c’est un écho direct avec l’opposition qu’il entend déployé entre un camp “progressiste” qu’il incarnerait face à un autre “nationaliste”. Le “progrès” qu’il propose est nécessairement le futur, quand l’opposition à ce “progrès” est le passé. Il continue de se revendiquer d’un nouveau monde face à un ancien.

De même quand il invite un jeune horticulteur privé d’emploi “à traverser la rue” pour se faire embaucher dans la restauration, ce n’est pas vraiment une entorse au discours présidentiel. Le “plan pauvreté” est tout entier tourné vers l’incitation à la reprise d’emploi, tout comme le cadrage des négociations de l’assurance chômage. Dans le monde de Macron, le chômage est un choix permis par des politiques sociales inadaptées. Ces dernières freinent en plus le marché et la mise en adéquation de l’offre à la demande.

C’est une vision idéologique qui consacre la logique de marché et voit dans les dysfonctionnements actuels la faute de politiques qui empêchent le marché de s’équilibrer. Le progrès va donc nécessairement vers plus de marché, un marché international, et l’opposition à ce développement est nécessairement une expression d’un ancien monde “nationaliste” ou “conservateur” qui appartient au passé.

Macron, président pas“parfait”

Les institutions de la Ve république dont les 60 ans sont actuellement célébrés exposent la fonction présidentielle aux attentes des français. Ce phénomène s’est même particulièrement accentué depuis la révision constitutionnelle du quinquennat qui a aligné l’élection présidentielle sur le calendrier des élections législatives. François Hollande, propose même aujourd’hui la suppression du poste de premier ministre. Le mauvais feuilleton de la démission du ministre de l’intérieur a d’ailleur cruellement illustré le faible rôle d’Edouard Philippe dans la formation du gouvernement.

L’image de la présidence est donc primordiale. En son temps Sarkozy était accusé “d’hyperprésidence”, en réaction Hollande avait souhaité incarner une présidence “normale”, Macron avait promis “la parole rare”. Impossible en réalité de tout décider au Palais de l’Elysée tout en faisant parler Matignon ! Le Président de la République face aux critiques de son gouvernement a dû sortir de sa réserve et s’exposer. Après une année marquée par une expression essentiellement tournée vers l’action internationale, il est depuis quelques mois au premier plan de la politique nationale. La curieuse séquence sur le prélèvement à la source, le changement de ministre de l’environnement, puis la démission de Collomb ont été autant de moments qui ont mis le Président et son fonctionnement à nu.

Ses différentes petites phrases et sa pratique du pouvoir lui ont construit une image d’un Président particulièrement détaché du peuple. Sa pose avec deux habitants de Saint-Martin est ainsi apparu particulièrement fausse, le doigt d’honneur dressé par un des deux n’étant finalement même pas l’élément le plus absurde de ce cliché. Emmanuel Macron se sent fort et sûr de lui et ne conçoit sa nouvelle impopularité que comme une incapacité des français à comprendre sa politique. Il les a d’ailleurs invité à arrêter de “se plaindre”. S’il a reconnu devant des journalistes du Monde ne pas être “parfait” c’était pour immédiatement ajouter : “Quand il y a des choses que les gens ne comprennent pas, c’est qu’on explique mal.” Et si “les gens” avaient compris mais n’étaient pas d’accord ?


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