Depuis le 7 octobre 2023 et l’attaque terroriste du Hamas, le sujet de l’antisémitisme est devenu un sujet majeur de l’actualité politique française. Sur les réseaux sociaux, les mots « antisémites » et « antisémitisme » ont été cités plus d’un million de fois en 2023. 53 % de ces mentions ont été recensées après le 7 octobre, soit sur une période de moins de trois mois.
Certes, des accusations en antisémitisme ont été instrumentalisées, notamment par le Rassemblement national. Aussi, les accusations en antisémitisme constituent une arme dont ne se prive pas le gouvernement d’extrême droite israélien pour discréditer toute dénonciation des crimes commis dans les territoires palestiniens. Malgré tout cela, affirmer, comme certains s’y sont risqués, que « l’antisémitisme reste résiduel en France » relève au mieux de la bêtise, au pire, de la cécité volontaire.
Que disent les chiffres ?
Chaque année depuis 2014, l’institut de sondage IFOP publie sa radiographie de l’antisémitisme. Cette dernière était particulièrement attendue dans une année 2023 où la question de la lutte contre l’antisémitisme a été aussi prégnante. Dans une année où le nombre d’actes antisémites a explosé de plus de 1000 % à la suite du 7 octobre, passant d’une moyenne d’une quarantaine par mois à 563 en octobre, 504 en novembre et 175 en décembre 2023.
Les résultats de l’enquête montrent que la recrudescence des actes antisémites dans le contexte de la situation au Proche-Orient ne s’accompagne pas d’une diffusion significative des idées antisémites dans la population française. L’expression assumée d’une antipathie pour les Juifs reste sensiblement équivalente aux dernières années, passant de 5 à 6 %. En revanche, la part de la population qui souscrit à des préjugés antisémites est, elle, de 34 %.
Chez les moins de 25 ans, cette propension à souscrire à des préjugés antisémites est sensiblement équivalente à celle du reste de la population s’élevant à 37 %. Toutefois, la tolérance à l’égard des actes de violences antisémites est disproportionnée chez les jeunes, passant de 10 % au sein de l’ensemble de la population à 24 % chez les moins de 25 ans. La tolérance à la violence est certes, de manière générale, plus grande chez les populations les plus jeunes (cf. Olivier Galland et Marc Lazar « Une jeunesse plurielle »).
Mais cela ne suffit pas totalement à expliquer des écarts aussi impressionnants. Ils traduisent aussi une différence générationnelle profonde quant au rapport à l’État d’Israël, ainsi qu’à l’essentialisation que subissent les populations juives. Cette situation nourrit une zone d’ambiguïté entre les expressions d’un antisionisme dit “radical”, et le glissement vers des attitudes qui revêtent une dimension excluante, voire violente à l’égard des personnes juives.
Cette tendance à développer une tolérance envers les violences antisémites est, elle aussi, plus développée au sein des populations religieuses pratiquantes. Et cela à la fois au sein des populations musulmanes que catholique.