Le 9 décembre dernier, l’Union des étudiants communistes a organisé un colloque au Sénat pour dresser des perspectives de sortie de la crise du logement. Sur deux tables rondes, bailleurs sociaux, associatifs, syndicalistes et élus communistes se sont entendus sur un objectif : il faut une vraie politique publique du logement.
Agir face à la pénurie de logement
La première table ronde réunissait Jacques Baudrier, adjoint communiste au logement de Paris, Maëlle Nizan, présidente de la FAGE, Thierry de Monterno, directeur d’exploitation de Héneo et Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine.
Le constat ahurissant qu’il n’y a qu’une seule place en cité U pour 17 étudiants est, selon Jacques Baudrier, “le résultat d’une absence de volonté politique”. En effet, quand il s’agit de trouver de l’argent pour faire des cadeaux fiscaux aux grands patrons, on en trouve. Par contre, rien n’est fait pour aider les plus précaires. Grâce aux communistes, la ville de Paris est particulièrement volontariste en la matière. Ce sont ainsi plus de 600 logements étudiants qui sont construits ou achetés par la mairie, plus de 10 % de la construction annuelle en France. La mairie de la capitale a également un coup à jouer sur la préemption de bureaux, dont énormément sont vides et convertibles en logements. Il faut enfin agir contre les meublés touristiques et les logements vacants si l’on ne veut pas que Paris devienne “une ville pied-à-terre pour gens aisés”. Les leviers sont financiers. On peut drastiquement augmenter les taxes sur ces logements vacants pour qu’ils soient mis en location ou vendus. La mesure permettrait, selon l’adjoint PCF, de gagner 100 000 logements à Paris, un million en France.
Maëlle Nizan abonde dans ce sens. Aujourd’hui, la FAGE est contrainte de bricoler pour trouver des logements aux étudiants qui s’adressent à eux, faute d’acteur institutionnel. La crise du logement vient, selon elle, de la concentration massive des lieux d’enseignements supérieurs dans des métropoles déjà saturées. Le problème de fond est donc que le logement étudiant n’est jamais pensé en termes d’aménagement du territoire. Il faut en effet penser l’inscription des logements dans un territoire, avec tout ce que cela nécessite de transports, commerces et lieux de sociabilité.
Thierry de Monterno inscrit cette crise dans un contexte de hausse massive de la précarité étudiante. Héneo reçoit plus d’une centaine de candidatures spontanées d’étudiants alors même que le bailleur ne gère pas que des logements étudiants. Il note également une forte hausse du salariat étudiant. Enfin, il est important de rendre accessibles des structures d’accompagnement dans les logements collectifs, notamment en matière de santé mentale.
Comment penser le service public du logement ?
La seconde table ronde réunissait Aurélie Billaud, directrice territoriale de l’Association pour le logement des jeunes travailleurs (ALJT), Tommy Veyrat, directeur de l’union régionale Habitat Jeunes d’Île-de-France (URHAJ), et Léna Raud, secrétaire nationale de l’UEC.
Aujourd’hui, il y a 1,1 million de jeunes entre 18 et 24 ans en Île-de-France, dont 783 000 étudiants, logés majoritairement dans le privé. Or le parc privé est plus cher et de moins bonne qualité que l’alternative publique. Cela vient d’un manque cruel d’offre publique. 2024 est ainsi la pire année en termes de constructions, avec seulement 25 % de l’objectif atteint et à peine ⅓ pour le logement étudiant. Tommy Veyrat souligne ainsi que l’URHAJ ne parvient à loger que 8 % des jeunes qui les sollicitent. Or c’est un public extrêmement précaire, dont les revenus sont bien souvent égaux au SMIC, voire inférieurs, et qui mettent de plus en plus de temps à s’insérer professionnellement. Ils restent ainsi de plus en plus longtemps dans les foyers, ce qui entretient la dynamique de manque. La construction de logements ne peut pas être la seule réponse à la crise à cause de l’artificialisation des sols que cela entraîne. Le fond du problème, c’est la répartition des ressources. Il note que ces difficultés d’accès au logement sont encore pires pour les étudiants extra-européens car à la précarité économique s’ajoute celle inhérente à leur situation. Le renouvellement de leur titre de séjour est en effet une grande source de préoccupation pour ces étudiants.
Aurélie Billaud abonde dans ce sens : l’ALJT gère 9 000 logements, mais reçoit 60 000 demandes de logement par an. À l’origine, les foyers de jeunes travailleurs servaient à héberger temporairement les jeunes venus dans les grandes villes pour chercher du travail dans un contexte où les besoins de main-d’œuvre étaient forts. Ces foyers proposent ainsi des services d’insertion sociale, quasi absents des logements étudiants. Or la différence de classe entre jeunes travailleurs et étudiants tend à s’amenuiser avec la massification de l’enseignement supérieur et du phénomène de salariat étudiant. Au manque de logements s’ajoute donc un manque de structures sociales. La question des transports est un enjeu majeur de la politique de logement. Il faut rapprocher logements et infrastructures de transports publics.
Selon Léna Raud, le service public du logement permet de répondre à trois enjeux majeurs : sociaux, économiques et écologiques.
Par la construction d’universités dans des villes plus petites accompagnées de logements étudiants à proximité, on diminue le temps passé dans les transports. Ce gain de temps favorise la réussite des études et l’insertion sociale. Aujourd’hui, les universités sont majoritairement dans les centres des grandes villes qui sont inaccessibles aux étudiants. La politique publique du logement doit prendre ce fait en compte ces éléments pour favoriser l’accès aux études. Là se trouve la réponse aux enjeux sociaux.
Économiquement, le logement est le premier budget des étudiants. Créer massivement du logement à bas coût leur permettrait de se cultiver, de faire du sport voire tout simplement de mieux manger. Cela permet également de massifier l’accès aux études supérieures, formant autant de travailleurs qualifiés nécessaires au bon fonctionnement des services publics et à la transition écologique.
Quant aux aspects écologiques, la gestion publique du logement permet leur rénovation thermique. Cette rénovation est nécessaire car toute l’énergie qui part par les fenêtres des logements mal isolés augmente d’autant les émissions de gaz à effets de serre. Cette gestion publique permettra également de rénover les réseaux d’eaux, souvent vétustes.
Bref, il faut construire plus de logements. La question, c’est où et comment. Il faut insérer le logement étudiant dans une politique cohérente d’aménagement du territoire, et donc adapter l’offre de transports en commun avec la réouverture des petites lignes et des petites gares. Le ferroviaire est en effet le mode de transport le plus écologique. Il faut le massifier car chaque rame qui circule, c’est autant de voitures rendues caduques. Cela redynamiserait également des territoires aujourd’hui désertés.
De ce colloque émerge un consensus tant sur les constats que sur les propositions portées par les communistes. Nous avons besoin d’une politique publique du logement ambitieuse pour faire face à la crise. Cette politique doit s’inscrire dans des logiques d’aménagement du territoire et de développement durable. L’intégralité de ce colloque sera disponible sur la chaîne Youtube du MJCF.