Lorsque que les femmes sont sans-abris 

publié le dans
Lorsque que les femmes sont sans-abris 

Dans son rapport annuel 2023, la Fondation Abbé Pierre révélait que 330 000 personnes sont sans-abris en France, un chiffre probablement sous-estimé et qui connaît depuis plusieurs années un rajeunissement. Le même rapport en comptait 143 000 en 2012. Entre janvier 2023 et janvier 2024 à Paris, le nombre de personnes sans domicile fixe a augmenté de 17 %. On estime que les femmes représentent 38 % de cette population et qu’elles sont 52 % à avoir un enfant, bien qu’elles soient difficiles à dénombrer. Pourtant, elles sont souvent moins visibles que les hommes et leur expérience de la rue est souvent bien différente de celle de leurs homologues masculins. 

Le cercle de la violence

En arrivant dans la rue, la grande majorité des femmes ont déjà subi des violences. Elles sont en moyenne 36 % à avoir été victime de violences physiques ou sexuelles dès leur enfance. Un grand nombre de femmes se retrouve aussi sans-abris après avoir fui des violences conjugales. La plupart des associations s’accordent donc pour dire que la violence subie par les femmes en raison de leur genre est le premier facteur de sans-abritisme. De façon presque systématique, cette violence se poursuit dans la rue. On parle alors de cercle de la violence. 

Des violences qui se poursuivent dans la rue

En effet, les femmes sont particulièrement vulnérables dans la rue. Des hommes qui leur proposent un toit pour une nuit en échange de leur corps aux violences directement subies dans la rue, environ une femme SDF sur trois sera violée en étant sans-abris. Pour se protéger, beaucoup d’entre elles se masculinisent, se rasent la tête et négligent volontairement leur hygiène. À la différence des hommes, qui vivent souvent en groupe, elles sont plus isolées et tentent de passer inaperçues, ce qui rend difficile leur identification par les associations. Ces femmes vivent loin des regards, mais aussi des soins. Quand elles tombent enceinte, elles sont bien souvent contraintes d’accoucher dans la rue ou dans des squats. Des associations ou des femmes, comme Anne Lorient, qui est devenue mère de deux enfants au cours des 17 ans qu’elle a vécu dans la rue, se mobilisent pour leur venir en aide. 

Quelles solutions ?

Face au nombre sans cesse croissant de personnes sans domicile fixe, l’hébergement d’urgence est saturé. À Paris, seuls 21 % des femmes qui demandent une place dans l’un de ces établissements trouvent une place. En plus d’être saturés, ces hébergements ne sont pas pensés pour les femmes qui subissent des violences sexuelles jusque dans ces accueils. Sur Paris, seuls 15 % des centres d’urgences sont non-mixtes.

Pour faire reculer le sans-abritisme, les associations revendiquent l’ouverture d’un grand nombre de structures d’hébergements d’urgences et de logements sociaux, la régularisation administrative des personnes sans-papiers.

En avril dernier, quatre chercheuses et expertes du sans-abritisme ont été reçues par la délégation du droit des femmes du Sénat pour proposer des solutions adaptées. Elles estiment notamment qu’il est nécessaire de repenser la formation des travailleurs sociaux pour “intégrer une meilleure considération des femmes, pas uniquement sous le prisme de la maternité”.

De nombreuses mesures et des moyens importants qu’il est urgent de mettre en place pour offrir une réelle prise en charge des personnes qui vivent à la rue. 


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques