L’inscription de l’IVG dans la constitution, une victoire symbolique pour un droit menacé

publié le dans
L’inscription de l’IVG dans la constitution, une victoire symbolique pour un droit menacé

Le vote du 4 mars 2024 au Congrès de Versailles était un événement important pour le droit des femmes. Il marquait une avancée historique puisque c’est la première fois que ce droit est inscrit en tant que tel dans la constitution d’un État ; mais quelle est la réalité de ce droit en France ? 

La loi relative à l’interruption volontaire de grossesse fut d’abord promulguée pour 5 ans, le 17 janvier 1975, puis inscrite définitivement le 31 décembre 1979 grâce au combat acharné de nombreuses femmes – et de pas assez d’hommes. Le combat pour le droit à l’IVG fut dès les années 70 soutenu par des figures telles que Simone Veil, Jacques Monod (prix Nobel de médecine), l’avocate et militante Gisèle Halimi ou Marie-Claire Chevalier qui en furent un symbole malgré elles, pour ne citer qu’elles.

Pourtant, 49 ans plus tard, ce droit est menacé en France sur l’ensemble de son territoire, particulièrement l’ultramarin.

Un droit bel et bien menacé 

L’IVG est d’abord menacée par la progression des réactionnaires, de l’extrême droite politique aux forces religieuses s’associant contre le droit des femmes à disposer de leurs corps. Les forces religieuses, au nom d’une vision conservatrice et traditionnelle de la société qui sanctifie la vie, menacent ce droit par une propagande sur les réseaux sociaux sous couvert parfois de « conseils pour être en accord avec sa foi », en attaquant les centres hospitaliers qui pratiquent l’IVG ou en manifestant aux côtés de l’extrême droite dans des manifestations dites « pro-vies ».

Partout où l’extrême droite et/ou la religion n’est pas séparée du pouvoir, le droit des femmes à disposer de leur choix reproductif est menacé comme c’est le cas en Pologne qui a récemment interdit l’avortement ou en Arabie Saoudite où la peine de mort est appliquée pour celles qui avortent. 

Si la menace religieuse d’une part et de l’extrême droite d’une autre part pèsent sur la France, le droit des femmes à disposer librement de leurs corps et choisir ou non de donner la vie est d’ores et déjà menacé.

Pas de droit sans moyens 

Cette menace est directement due à la casse de notre système de santé publique, à la multiplication des déserts médicaux, ainsi qu’à la fermeture des maternités et des plannings familiaux qui pratiquent l’IVG. 

Lors du confinement, de nombreux médecins ont alerté sur le fait qu’ils se voyaient obligés de pratiquer des IVG médicamenteuses ou chirurgicales en dehors des délais légaux, car ils manquaient de personnel pour assurer ces interventions. De nombreuses filles et femmes se sont retrouvées contraintes à avorter dans des conditions parfois dangereuses faute de lits disponibles, de médecin ou de moyens pour aller dans les hôpitaux.

L’IVG est aujourd’hui menacée par les coupes budgétaires répétitives qui obligent les centres hospitaliers à se séparer d’une part toujours plus grande de leur personnel soignant, obligeant ceux qui restent à compenser ce manque de personnel par des soins de moins bonne qualité ou en refusant des patients faute de place pour les prendre en charge. Si aujourd’hui l’IVG est un acte médical parfaitement connu par les professionnels de santé, cela reste un acte médical qui n’est pas anodin et qui peut présenter des risques (hémorragie, malaises, douleurs extrêmes…). 

Dans certaines régions françaises, faute de médecin pratiquant l’IVG, il faut parfois faire plus de 100 km pour interrompre sa grossesse.

En 2022, ce sont 243 000 femmes (majeures et mineures) qui ont recours à l’IVG, selon la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques). Il faut attendre 1993 pour que le délit d’entrave à l’IVG entre dans la loi et que l’auto-avortement ne soit plus pénalisé et 2012 pour que l’IVG soit gratuite et 100 % pris en charge par l’Assurance Maladie, qu’il soit pratiqué dans un centre de soin public ou privé.

Une clause de conscience ? 

L’un des plus grands dangers pour les femmes qui souhaitent interrompre leur grossesse se trouve dans la rédaction même de la loi :

“Un médecin ou une sage-femme n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse, mais il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens ou de sages-femmes susceptibles de réaliser cette intervention” Article L2212-8 du Code de la Santé publique.

Cet article est connu comme étant celui de la “clause de conscience” qui permet au corps médical de refuser de pratiquer un avortement. Cette clause est à elle seule l’un des plus grands obstacles du droit à l’IVG. Un praticien peut, grâce à cette loi, refuser pour des motifs religieux ou de conscience à une femme le droit d’interrompre sa grossesse. Ainsi, de nombreux médecins, au motif de leurs croyances religieuses, refusent encore aujourd’hui cette pratique ou pire : punissent les femmes en leur faisant la morale, en les obligeant à regarder l’échographie de l’embryon, en faisant écouter le cœur lorsque celui-ci est formé. 

L’utilisation de termes comme “avortement de confort” ou d’arguments comme “c’est utilisé comme une contraception” montrent que le combat ne s’arrête jamais. Simone Veil l’avait pourtant si bien dit lors de son discours de présentation du projet de loi devant l’Assemblée nationale le 26 novembre 1974 : “Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes.”


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques