L’obtention de papiers pour un immigré guinéen livreur de repas, c’est le graal. Mais pour y accéder, c’est loin d’être aisé puisque Souleymane ne sait ni où il se trouvera la nuit prochaine, ni s’il pourra manger et dormir correctement ; en somme, répondre à ses besoins primaires.
Cette fiction de Boris Lojkine, aux airs de documentaire, met en exergue les conditions d’accueil des immigrés et les contradictions du système français.
Quand le cinéma devient témoin
La réalisation est quasi-documentaire avec une immersion totale par les bruits ambiants de la capitale, des foyers d’accueil, des transports bondés. Boris Lojkine, ancien réalisateur de documentaires, connaît son sujet : les parcours migratoires, les demandes d’asile. Il sait être juste et ne pas ajouter de drame superflu aux situations déjà critiques. Le film nous projette au cœur de quotidiens invisibles ou ignorés.
Abou Sangare, quant à lui, nous impressionne par l’authenticité de son jeu, le jeune acteur sans-papiers, présente davantage un témoignage qu’un texte appris par cœur. Il ne nous quitte pas des yeux, comme une envie que l’on soit spectateur et surtout témoin de la réalité qu’il nous offre à voir. Il atteint d’ailleurs un sommet par la dernière séquence du film, un monologue devant l’agent de l’OFPRA, qui se révèle aussi brutal que sincère.
Le cinéma engagé pour éveiller les consciences
Là où le long-métrage aurait pu tourner au mélodrame en ne suscitant qu’une pléiade d’émotions, il fait davantage, en faisant prendre conscience au spectateur d’une réalité peu connue.
Souleymane incarne le visage de milliers de personnes en France qui doivent choisir le meilleur récit à raconter pour émouvoir suffisamment et avoir accès aux illustres papiers. En attendant le fameux entretien, c’est un quotidien de galères, de dangers, d’arnaques permanentes et d’incertitude qui pèse sur ces personnes.
Contre la montée de l’extrême droite en Europe, il est nécessaire de partager ces récits, de dénicher l’humanité là où les discours politiques les instrumentalisent.
Le film devient objet de lutte et une façon de montrer les violences de la société capitaliste qui exploite ces personnes en même temps qu’elle les renie.
Même si ce n’est pas une révolution en soi, le cinéma est une étape pour dénoncer des conditions sociales déplorables, à la manière d’un Camarades de Marin Karmitz ou d’un Tangerine de Sean Baker.