Une enquête interroge le rapport des 18-25 ans aux élections municipales à venir. Au désintérêt pour le scrutin s’ajoute une difficulté à s’identifier à l’offre politique actuelle.
Un sondage pour 35 000 scrutins
Les élections municipales sont uniques. C’est l’empilement de plus de 35 000 scrutins, avec deux modes d’élections selon la taille de la commune auxquels il faut rajouter l’originalité des fonctionnements à Paris, Marseille et Lyon. L’exercice de sondages nationaux sur un tel archipel d’élections est toujours difficile et le résultat souvent peu convaincant ou même franchement hasardeux. Pourtant, au-delà des enjeux propres à chacune commune, il existe un enjeu à chercher des tendances dans le processus de désignations des milliers d’élus municipaux et de maires. La figure du maire est d’ailleurs l’une des rares figures élues à bénéficier d’un taux de confiance élevé parmi les Français. En ces temps où la politique représentative est parfois contestée et balayée par un vent « dégagiste », le maire bénéficie souvent lui d’une « prime au sortant » favorisant des stabilités aux longévités parfois exceptionnelles.
Les élections municipales verront donc certainement leurs résultats servir de fondement à des commentaires divers sur l’état du pays, la politique gouvernementale et des projections plus ou moins fantaisistes sur les futurs rendez-vous électoraux. Les sondages nationaux dans ce contexte peuvent venir alimenter l’exercice en fournissant des données plus ou moins exploitables. C’est à cet exercice que s’est livré l’Anacej en partenariat avec le FFJ et l’IFOP en ciblant plus particulièrement les jeunes, ici définis sur l’intervalle 18-25 ans.
L’abstention
Le premier enseignement de l’enquête menée est l’abstention massive des jeunes. Les deux tiers d’entre eux ne prévoyaient pas d’aller voter. Pourtant, 9 jeunes sur 10 se déclarent au courant de l’élection à venir. Les trois quarts déclarent également être inscrits sur les listes électorales et en très grande majorité sur leur commune de résidence. Un décalage difficile à expliquer autrement que par la constante d’une participation systématiquement inférieure de la part des plus jeunes par rapport à leurs aînés. Les jeunes femmes seraient encore moins nombreuses à se rendre aux urnes, 26 % seulement envisageraient contre 38 % de jeunes hommes. Il faut toutefois noter que les déclarations de participation de jeunes aux différents scrutins sont souvent inférieures aux participations réelles, toutefois une majorité de jeunes devraient rester loin des isoloirs le dimanche 15 mars.
Parmi les raisons de cette désertion massive, aucune ne se dégage réellement. Le motif le plus fréquemment cité est un déplacement le jour du vote pour un quart des interrogés. Plusieurs réponses indiquent aussi une perception « inutile » du vote, ainsi pour un jeune sur cinq, ces élections ne changeront pas leur situation. Pour 15 %, elles « ne changeront rien dans la société », pour un jeune sur dix « le maire n’a pas le pouvoir » de changer les choses. Enfin, près d’un quart invoque une autre raison témoignant ainsi des difficultés à identifier les ressorts de la non-participation des jeunes à cette échéance électorale.
Des jeunes indifférents ?
L’enquête s’intéresse également au-delà des municipales à l’état d’esprit des jeunes « face à la société française actuelle ». La question est critiquable tant elle peut être soumise à des interprétations différentes. Son intérêt réside dans les évolutions observables par rapport à la première fois qu’elle avait été posée en 2016. Les réponses proposées sont limitées et il a fallu pour les interrogés répondre par « indifférent », « résigné », « révolté », « enthousiaste » et « confiant ». En 2020, 30 % se déclarent « indifférent », 29 % « résigné » et 23 % « révolté ». En 2016, ils étaient 48 % à avoir répondu révoltés et 27 % « résigné ». Il semble donc que les bouleversements politiques de 2017, les politiques et les mouvements sociaux menés depuis, aient plongé dans une certaine léthargie les jeunes. Le taux de réponse « enthousiaste » a lui doublé sur la même période passant de 5 % à 10 % contrastant avec le reste des réponses. Les variations sur ces réponses en fonction de l’âge, le niveau d’étude ou la profession du « chef de ménage » ne permettent pas de tirer réellement d’enseignements si ce n’est que 26 % des répondants se déclarant proche de LREM sont « enthousiastes » et 29 % « confiant ». Il est toutefois probable que les variations temporelles observées sont principalement dues au format de la question qui laisse une part d’interprétation très importante.
La question suivante sur la satisfaction vis-à-vis de sa place dans la société montre qu’une majorité (55 %) des jeunes se déclarent satisfaits contre une majorité inverse en 2016 (57 %). Assez logiquement, les jeunes en recherche d’emploi ne sont que 36 % à être « satisfait » de leur place dans la société, une insatisfaction également importante chez jeunes n’ayant pas le baccalauréat à 68 % des répondants. L’évolution temporelle peine là aussi à trouver une explication satisfaisante. Le taux de chômage chez les jeunes recule depuis plusieurs mois ce qui peut partiellement fournir un premier élément d’explication. Cependant, les difficultés matérielles restent au cœur de leurs préoccupations.
Pouvoir d’achat et environnement en tête des préoccupations des jeunes
Le sondage s’est également intéressé aux éléments programmatiques qui peuvent susciter le vote des jeunes. Une série de mesure a été soumise aux personnes interrogées afin de déterminer lesquelles seraient susceptibles de les convaincre de voter pour une liste. Les jeunes mettent la gratuité des transports publics en tête de leurs préoccupations (cités par 81 % d’entre eux). La mesure présente dans un grand nombre de programmes électoraux allie ce qui semble être les deux préoccupations majeures des jeunes : leur pouvoir d’achat et l’environnement. La mesure est davantage plébiscitée par les plus jeunes et les étudiants, ces populations sont en général plus pauvres ce qui peut expliquer ce plus grand soutien.
On trouve ainsi en deuxième position la limitation de l’utilisation des pesticides à 80 suivis par la réservation de logements aidés pour les moins de 30 ans. Le développement d’une offre biologique et locale dans la restauration collective est également mentionné par 72 % des interrogés, ce qui montre une nouvelle fois l’importance des enjeux environnementaux pour les jeunes.
Cependant, ces préoccupations se traduisent finalement qu’assez peu dans une perspective électorale. Interrogées sur l’étiquette de la liste qu’ils souhaiteraient voir l’emporter dans leur ville, les jeunes montrent une certaine perte de repère face à l’éclatement de l’offre politique. 30 % ne se reconnaissent dans aucun des choix proposés auxquels il faut probablement ajouter les 12 % qui ont répondu souhaiter la victoire d’une liste citoyenne. EELV arrive en tête des forces politiques proposées avec 16 % suivie par la RN à 10 choisis par 10 % des répondants. Vient ensuite LR à 7 % puis LREM à 6 % suivi du PS et de la FI à 5 % chacun, le PCF n’est cité que par 2 %.
Cette approche toutefois gomme les situations d’alliances à géométrie variable qui sont le propre des scrutins municipaux. Le fait que près d’un tiers ne trouve pas dans l’offre politique une destination pour son bulletin de vote explique peut-être l’abstention constatée. Alors que le vote leur paraît vain, les jeunes semblent également perdues par la recomposition politique à l’œuvre et l’atomisation des forces politiques en présence. Il reste toutefois quelques jours encore pour les candidats aux élections municipales pour s’adresser à eux.