Les femmes trans dans le sport

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Les femmes trans dans le sport

La question de l’inclusion des femmes transgenres dans le sport féminin fait couler beaucoup d’encre. Entre mensonges et clichés, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver tant la propagande réactionnaire est forte. Pourtant, matériellement, il n’y a aucune raison de la remettre en question.

Régulièrement, à l’occasion de reportages, d’articles, d’émissions télévisuelles, les personnes transgenres sont mises en lumière, pour le meilleur comme pour le pire. Les politiques s’emparent doucement du sujet et tout le monde y va de son avis. Au cœur des débats, certaines questions émergent. L’une d’entre elles est celle de la place des personnes trans dans le sport de haut niveau, et plus particulièrement de celle des femmes trans.

Partir du réel 

Une personne transgenre est une personne qui effectue une transition, de femme à homme pour les hommes trans et d’homme à femme pour les femmes trans.

Ces dernières sont celles qui font le plus débat dans le rapport au sport. En effet, le fait qu’un “homme devenu femme” participe à des compétitions sportives féminines peut réveiller certains clichés et aprioris, et cela entraîne forcément des réactions, allant du simple questionnement au rejet total. Parce que cette femme, ayant  été un homme dans le passé, pourrait être avantagée, que ce soit par son niveau de testostérone, par sa masse musculaire, sa force… Sa présence dans le sport féminin serait donc une injustice.

Mais, évidemment, nous ne pouvons pas nous attacher à de simples ressentis ou impressions. Pour nous forger un avis sur la question, nous devons nous concentrer sur les faits.

Les fédérations s’expriment

Du côté des réglementations, le Comité International Olympique a demandé, en novembre 2021, aux fédérations sportives d’établir leurs propres critères pour permettre aux personnes transgenres et intersexes de concourir à un haut niveau.

La Fédération d’athlétisme, par exemple, a décidé d’exclure les athlètes transgenres des compétitions féminines, estimant que “Pour beaucoup, les preuves que les femmes trans ne conservent pas un avantage sur les femmes biologiques sont insuffisantes. Ils veulent plus de preuves avant de prendre en considération l’option d’une inclusion dans la catégorie féminine”. En revanche, ils précisent qu’il n’y a actuellement “aucune athlète transgenre de haut niveau”.

D’autres fédérations et disciplines sportives acceptent la participation des femmes trans dans les catégories féminines, mais sous conditions. Certaines, comme la Fédération internationale de triathlon, souhaitent que les sportives concernées aient transitionné médicalement depuis un certain temps, exigeant des taux de testostérone inférieurs à 2,5 nmol/l depuis au moins 24 mois. D’autres imposent qu’elles aient subi une opération de réassignation sexuelle.

Les différences biologiques

On pourrait croire que, ayant été auparavant des hommes, les femmes transgenres auraient des taux de testostérone plus élevés que la moyenne des femmes. Ce qui leur donnerait, par conséquent, une masse musculaire plus importante et plus de force.

Pourtant, dans les faits, la transition médicale, consistant en la prise d’un traitement hormonal à base d’œstrogènes, de progestérone, et, en général, d’un anti-androgène, entraîne de gros changements, à commencer par une énorme baisse du taux de testostérone, qui, après quelques mois, se retrouve dans la moyenne de celui des autres femmes. L’opération de réassignation sexuelle, elle, fait chuter ce taux quasiment à zéro. Les effets de cette diminution, voire suppression, des hormones dites “masculines” et de la prise de traitements hormonaux “féminisants” sont radicaux.

Pour ce qui touche aux capacités sportives, nous pouvons constater une importante diminution de la masse musculaire, la redistribution des graisses et une perte de force conséquente. Si bien que, comme nous l’indique l’analyse menée par le Centre de recherche pour l’équité des genres+ en sport, après 12 mois, on remarque que les femmes trans n’ont plus d’avantage conséquent sur les autres femmes et qu’il ne subsiste aucun effet résiduel sur ces caractéristiques.

Sur le papier, il semble donc que les sportives transgenres soient à égalité face à leurs concurrentes féminines. Et, les résultats confirment. Les femmes trans ne dominent aucune catégorie, ne raflent aucune médaille, n’explosent aucun record mondial. Elles sont toutes dans la moyenne de leur catégorie.

La pression transphobe

Si les femmes trans ne profitent d’aucun réel avantage, il est un point que nous n’avons pas encore abordé et qui a son importance, celui des désavantages que ces sportives peuvent subir. Car oui, intuitivement, on pense rarement aux côtés qui compliquent de façon certaine leurs vies et qui peuvent affecter leurs résultats.

La transition est une étape qui peut être difficile, pour certaines cela provoque un rejet de la part de leur famille, de leurs proches, de leurs connaissances, de leur staff, des autres athlètes… Ce qui peut participer à les éloigner du monde du sport.

La pression qu’elles subissent est une autre donnée à prendre en compte. En effet, chaque petite victoire entraîne son lot d’indignation de la part des franges les plus réactionnaires qui, aveuglées par leurs aprioris, croyances, et leurs idées rétrogrades, entraînent avec elles celles et ceux qui, ne connaissant pas vraiment le sujet, se laissent séduire par leurs discours. La transphobie est une donnée que nous ne pouvons pas ignorer tant elle est forte et peut donc impacter ces sportives et leurs résultats. 

Alana Mclaughlin, combattante de MMA transgenre, a par exemple, été accusée d’avoir transitionné “juste pour combattre des femmes” et que sa participation était “de la triche” après sa victoire contre Céline Provost. Elle témoigne aussi avoir reçu des milliers de menaces de mort depuis ses débuts et avoir du mal à trouver des endroits acceptant les combattantes trans pour s’entraîner.

S’appuyer sur les faits 

Nous manquons encore de données sur le sujet, il y a très peu de sportives de haut niveau qui soient trans. Cela s’explique premièrement par le fait que les personnes trans sont une infime minorité dans la population mondiale, entre 0,1 et 2% selon les différentes études. Et, deuxièmement, par des facteurs sociaux, leur situation souvent précaire, le rejet et la transphobie sont autant d’obstacles sur le chemin de l’accès au sport.

Néanmoins, les femmes trans restent dans la moyenne des autres femmes. Ne jouissant d’aucun avantage conséquent et subissant transphobie et pression, elles sont plus désavantagées qu’autre chose. 

Les femmes trans doivent pouvoir participer aux compétitions sportives de haut niveau dans les catégories féminines, rien ne justifie leur expulsion. De plus, c’est en les laissant participer que nous pourrons faire avancer la recherche en étudiant leurs résultats. Nous ne pouvons céder à quelconque panique morale, au contraire, nous nous devons de tordre le cou à toutes les croyances et idées reçues qui ne tiennent pas compte des réalités matérielles.


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