Plan Etudiants : trouver la faille
Lundi devant les caméras, pas moins de deux ministres et un Premier ministre étaient mobilisés pour la présentation du Plan Etudiants. Pleinement investi sur ce dossier depuis son entrée en fonctions, Edouard Philippe semble avoir pris conscience de l’enjeu majeur que représente aujourd’hui le monde étudiant dans la configuration politique et sociale du pays. Quand au Président de la République s’il reste prudemment en retrait, il a sans aucun doute imprimé sa marque sur le projet.
A la lecture des vingt mesures de ce plan, on peut tout au moins reconnaître la grande qualité politique de nos adversaires. Comme sur d’autres réformes, Macron et ses amis semblent disposer d’un talent inégalé pour travestir les régressions en progrès et répondre aux attentes sociales les plus progressistes par les mesures les plus libérales.
En effet, qui pourrait se scandaliser de la casse de la Sécurité sociale (via la suppression des cotisations sociales) lorsque sont annoncés le rattachement des étudiant.e.s au régime général incluant un important gain de pouvoir d’achat ? Qui s’offusquerait de la légalisation de la sélection à l’université, puisque la méthode du tirage au sort est définitivement abandonnée ? Qui dénoncerait l’austérité, alors que l’on nous promet plus d’accompagnement, de réussite et d’insertion professionnelle ? Décidément, quelle juste intuition que celle de Machiavel dans Le Prince : « gouverner, c’est faire croire ».
Alors que le texte de loi incluant une bonne partie des mesures sera présenté le 22 novembre en Conseil des ministres, la gauche universitaire est au pied du mur. Face à cette attaque d’ampleur contre les étudiant.e.s, chacun.e doit comprendre que prononcer de vagues formules ne suffira pas à susciter la mobilisation. Si réciter des slogans éculés suffisait, nos campus se seraient déjà soulevés en septembre, contre la Loi Travail XXL. Le travail d’argumentation, de décryptage et de conviction opéré par les organisations, dont l’UEC, est donc indispensable.
Attention, il ne doit pas s’agir d’un travail de communication, visant à faire passer les mêmes fausses idées qu’hier avec un vernis nouveau ; mais d’un travail politique d’identification du juste mot d’ordre d’action immédiate, celui qui permettra de transformer le mécontentement latent en mouvement collectif et offensif.
Comme je l’écrivais la semaine dernière, au-delà des positions de principe, le combat réel et concret contre la sélection à l’université, c’est le combat pour le réinvestissement public dans l’enseignement supérieur. Une opinion confirmée à mon sens, par le projet présenté lundi : c’est sur le plan budgétaire que le gouvernement apparaît le plus inconséquent. La rigueur budgétaire est la contradiction majeure du gouvernement, celle qui le renvoie dans les faits aux piteux échecs de Sarkozy, de Hollande. Celle qui permet d’unir contre lui de larges pans de la communauté universitaire.
Alors d’ici le 16 novembre contre le Plan Etudiants, méditons dans l’action ces quelques mots de Lénine, justement écrits il y a tout juste 100 ans :
« Il est arrivé trop souvent, aux tournants brusques de l’histoire, que des partis même avancés ne puissent, pendant plus ou moins longtemps, s’assimiler la nouvelle situation et répètent des mots d’ordre justes la veille, mais qui ont perdu tout sens aujourd’hui, qui ont perdu leur sens tout aussi soudainement que l’histoire a soudainement tourné. »