Le verdict du procès des attentats de janvier 2015

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Le verdict du procès des attentats de janvier 2015

Trois mois et demi après son début, le procès des attentats de janvier 2015 a enfin touché son but. Son lancement avait été reporté par l’épidémie de coronavirus au printemps dernier, son aboutissement a également été contrarié par la pandémie. Presque six ans après les quatre jours de tueries qui ont marqué la France, la justice a parlé.

Les condamnations des absents

Mehdi Belhoucine est considéré comme mort par la cour d’assises spéciale.

Hayat Boumediene, veuve d’Amedy Coulibaly, a été reconnue coupable d’association de malfaiteurs terroriste et condamnée à 30 de prison, elle est en fuite probablement en Syrie. 

Mohamed Belhoucine a été condamné pour complicité de crimes terroristes et condamné à la perpétuité. Officiellement disparu en Syrie, il y est très probablement mort.

Les condamnations pour terrorisme

Ali Riza Polat a été reconnu coupable de complicité de crimes terroristes et condamné à 30 ans de prison. Il lui était reproché d’avoir été en contact avec Amedy Coulibaly à toutes les étapes préparatoires de l’attentat, de l’avoir même accompagné à plusieurs reprises. Il a également cherché à fuir la France après les attentats, se rendant en Thaïlande, mais également au Liban où il a cherché à rejoindre, sans succès, la Syrie.

Amar Ramdani a lui écopé de 20 ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste. Il lui est reproché ses contacts nombreux avec Amedy Coulibaly qu’il a rencontré en prison. Plus précisément, il a accompagné le tueur de l’hyper cacher lors d’une vente de voiture qui a servi à financer l’arsenal. Il a également effectué plusieurs voyages à Lille, c’est par lui que les armes seraient finalement arrivées en possession du terroriste.

Mickaël Nezar Pastor Alwatik a été condamné à 18 ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste. C’est un autre ami de prison d’Amedy Coulibaly. Ce dernier lui a même présenté une éphémère épouse dans le cadre d’un mariage arrangé religieux. Il est en contact régulier avec le terroriste jusqu’à son passage à l’acte, il passe notamment les jours précédents les attaques avec Coulibaly sans parvenir à expliquer précisément ce qu’il faisait. Son ADN est retrouvé sur des armes et un gant du terroriste. 

Willy Prévost hérite d’une peine de 13 ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste. Il était l’ami et le souffre-douleur de Coulibaly. Il lui est reproché d’avoir procédé à plusieurs achats dans des armureries d’équipements utilisés par le terroriste. Il lui a par ailleurs mis à disposition le logement de sa sœur pour y faire livrer du matériel. Il a également retiré le tracker d’une moto utilisée par Coulibaly pour se rendre à Montrouge où il a assassiné la policière municipale Clarissa Jean-Philippe.

Les condamnations pour crime de droit commun

Abdelaziz Abbad a reçu une peine de 10 ans de prison pour association de malfaiteurs. Il est l’un des deux protagonistes de la « filière ardennaise » qui aurait participé au transport des armes fournies par Metin Karasular en échange de drogue. Il était déjà en prison pour une condamnation de complicité d’assassinat. .

Metin Karasular devra purger 8 ans de prison pour association de malfaiteurs. Propriétaire d’un garage fictif de la région bruxelloise, il y organisait divers trafics. Il aurait d’abord servi d’intermédiaire pour racheter une voiture achetée à crédit par Amedy Coulibaly avant de lui fournir des armes qui se seraient finalement avérées en trop mauvais état.

Mohamed Farès a également été condamné à 8 ans de prison pour association de malfaiteurs. Trafiquant de cocaïne et d’héroïne dans la région lilloise, il aurait servi d’intermédiaire entre Amar Ramdani et Christophe D., un homme de main de Claude Hermant.

Saïd Maklhouf devra lui aussi passer 8 ans en prison pour association de malfaiteurs. Il est le cousin d’Amar Ramdani, qu’il a accompagné dans ses voyages à Lille. Il ne connaissait cependant pas directement Amedy Coulibaly.

Miguel Martinez a été condamné à 7 ans de prison pour association de malfaiteurs. Il est le second protagoniste de la « filière ardennaise ». Il aurait récupéré un sac d’armes refusé par Amedy Coulibaly chez Ali Riza Polat pour le ramener dans les Ardennes où les armes auraient été détruites.

Michel Catino a été condamné à 5 ans de prison pour association de malfaiteurs. C’est l’acolyte de Metin Karasular. Joueur, il aurait transporté les armes fournies par son compatriote belge pour de l’argent. 

Christophe Raumel a reçu la peine la plus faible, 4 ans de prison, également pour association de malfaiteurs. Il était le seul contre lequel l’accusation n’avait pas demandé de retenir la qualification terroriste. Il est accusé d’avoir accompagné Willy Prévost pour procéder à des achats dans une armurerie.

Un procès historique

Le commentaire des peines n’a pas grand intérêt. Les juges ont pris leur décision, la contestation appartient aux avocats généraux et aux accusés. L’avocat de Charlie Hebdo, Richard Malka a d’ailleurs parfaitement résumé la situation

Le verdict est ce qu’il est et je m’abstiendrai bien de commenter cette décision de justice. Il y a cependant des peines sévères, allant de quatre à trente ans de réclusion. Pour certains accusés, les juges ont estimé qu’ils manquaient des preuves pour qualifier les faits de complicité d’attentat terroriste. Ces magistrats ont fait leur travail.

Ce procès peut toutefois, quelles que soient ses suites, être qualifié d’historique. Il a permis de dresser très précisément le récit de ce qui est connu de la préparation des attentats grâce au travail des enquêteurs de la sous-direction antiterroriste. Le récit précis à la minute près des attaques a également été dressé publiquement par ce procès.

Il a également permis de recueillir les témoignages de la plupart des victimes et de leurs proches dans la solennité d’une cour d’assises. Ces témoignages intégralement filmés devraient devenir des pièces historiques de la plus haute importance. 

La conclusion de ce procès est paradoxale. La cour d’assises a normalement pour sujet principal l’accusé. Il semble cependant que les accusés, leurs récits fluctuants, leurs mensonges et même leurs condamnations n’ont été qu’un élément très secondaire de ce procès. Le récit des attentats, les témoignages des survivants et certaines plaidoiries resteront peut-être davantage dans l’histoire.


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