“Je ne veux plus, d’ici à la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois, ou perdus” affirmait le président de la République Emmanuel Macron, alors qu’il était fraîchement élu en juillet 2017. Pourtant, le nombre de Sans Domiciles Fixes explose en France depuis la crise sanitaire, et franchit de nouveaux paliers chaque année. En 2023, 656 sans-abris sont décédés dans la rue.
À l’occasion de la Nuit de la solidarité en janvier, c’est près de 3 500 personnes dormant dans les rues qui ont été recensées à Paris. Un chiffre en hausse de 16% par rapport à l’année dernière. Le nombre de SDF est pourtant probablement encore amplement sous-estimé, car beaucoup de sans-abri ont baissé les bras à l’idée d’appeler le 115, numéro d’urgence social, complètement saturé.
Pire encore : plus de 2 000 enfants, parmi lesquels 500 de moins de 3 ans, n’avaient pas de solution d’hébergement à la veille de la rentrée scolaire en septembre, portant à 120% l’augmentation du nombre de mineurs dans les rues en quatre ans. Pour Adeline Hazan, présidente de l’UNICEF France, “Cette augmentation incessante du nombre d’enfants sans-abri est une tragédie en violation flagrante des principes de la Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a ratifiée.”
Le droit au logement convenable figure également à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. En 2019, l’ONU avait déjà accablé la France comme étant “coupable de violations du droit au logement”.
Spéculation immobilière, inégalités et abandon
Alors qu’il avait diminué pendant la crise sanitaire (car l’effondrement du tourisme avait conduit à la libération de places en hôtels), le nombre de sans-abris monte en flèche depuis quatre ans, et atteint un nouveau pic cette année. Comment l’expliquer ?
Tout d’abord, l’accroissement des expulsions locatives et le transfert des SDF de Paris vers la province à l’occasion des Jeux olympiques ne sont pas étrangers au palier atteint cette année. Également, l’inflation enfonce les familles dans une très grande pauvreté depuis le printemps 2022. Les salaires n’augmentent pas, mais le coût de la vie s’envole, et notamment celui des loyers et de l’énergie. Et cela combiné aux politiques austéritaires, qui réduisent les budgets sociaux et les services publics essentiels, et qui précarisent en finalité toujours davantage les Françaises et les Français. Pendant ce temps, le nombre de places en hébergement d’urgence n’augmente pas, stagnant autour de 200 000.
En janvier 2024, suite à un épisode de froid inédit, le gouvernement s’était pourtant engagé en faveur de la création de 10 000 places supplémentaires (120 millions d’euros de crédits en plus pour les centres). Les associations attendent encore la concrétisation de cette promesse. Le budget alloué à l’hébergement d’urgence par le Projet de loi de finances pour 2025 semble rester stable (diminue donc avec l’inflation), laissant entendre que cette ambition est définitivement passée aux oubliettes.
Plus généralement, la crise humanitaire propre à l’explosion du nombre de sans-abris est l’un des symptômes de l’échec du système capitaliste. C’est la spéculation immobilière et l’inaction face au besoin de logements sociaux qui en sont les premières causes. Une société ne devrait pas s’accommoder du fait que certains de ses citoyens dorment sous les ponts. Pour les 3 500 SDF qui y ont été dénombrés cette année, on comptait en 2020… 262 000 logements inoccupés et 86 500 résidences secondaires sur la capitale… À quand l’expropriation ?