Laurence Patrice : “la Commune de 1871 c’est l’aspiration à une véritable révolution sociale au service du peuple”

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Laurence Patrice : “la Commune de 1871 c’est l’aspiration à une véritable révolution sociale au service du peuple”

Pour les 150 ans de la Commune de Paris de 1871, nous avons rencontré Laurence Patrice, adjointe communiste à la maire de Paris en charge de la mémoire et du monde combattant

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Pourquoi les Parisiens et les Parisiennes ont débuté une révolution sociale il y a 150 ans ?

Je dirais que c’est forts –paradoxalement- de l’énergie de leur désespoir. À ce moment précis, en mars 1871 le peuple de Paris est exsangue à la fois par l’exploitation, l’asservissement qu’ils subissaient dont la fin de la guerre et le siège de la Capitale par les prussiens furent le catalyseur. Les conséquences de ce siège qui a affamé, meurtri les parisien·ne·s et tout particulièrement les plus démunis, les ouvriers, le monde du travail, associé à l’affront que constitue une représentation nationale à l’Assemblée en majorité monarchiste et donc si peu représentative, ont déclenché l’insurrection populaire,  et l’élan d’une prise en main collective de son destin par leur peuple de Paris. Le point de départ est donc l’exigence d’une démocratie directe, participative, avec une représentation d’élus légitimes pour mettre en œuvre une République égalitaire et sociale, une République du peuple par le peuple.

Quels sont les principes et changements majeurs apportés par la Commune dont nous héritons aujourd’hui ?

Ce projet politique organisé et collectif s’avère en effet d’une grande modernité et a beaucoup de résonances avec les principes et valeurs que nous voulons pousser encore aujourd’hui pour transformer la société. D’abord il s’agissait d’améliorer les conditions de vie des travailleurs ET des travailleuses, une valorisation de leur travail avec des expériences d’autogestion et de mise en commun des moyens de production. J’insiste sur le ET des travailleuses car le projet de société des communardes et communards en s’appuyant sur l’aspiration à une démocratie directe sociale visait à l’inclusion totale des femmes tant dans la représentativité, la prise de responsabilité que dans l’égalité réelle des salaires aussi. Les femmes furent d’ailleurs très impliquées dans la Commune de Paris – Louise Michel bien sûr mais de nombreuses autres que cet anniversaire un peu partout mettra à l’honneur. À la reconnaissance du droit des femmes s’ajoutent des évolutions aussi plus sociétales comme la reconnaissance de l’Union libre, la reconnaissance des enfants hors mariages etc des choses qui réduisent le pouvoir patriarcal. La Commune de 1871 c’est aussi, dans l’aspiration à une véritable révolution sociale au service du peuple avec l’accès aux soins pour toutes et tous, l’accès au logement avec modération des loyers et réquisitions des logements vacants pour les plus démunis, l’école gratuite et laïque s’inscrivant dans le cadre du décret d’une séparation de l’Église et de l’Etat, et aussi la reconnaissance de la citoyenneté des tous les étrangers, exilés vivant à Paris. On voit donc en germe la mise en place de beaucoup de ce qui constitue pour nous communistes le préalable d’une nouvelle société réellement égalitaire.

La mémoire de la Commune de Paris est l’objet d’un intense combat de classe depuis des générations… Aujourd’hui encore elle suscite des passions réactionnaires ?

Oui les conservateurs, la droite parisienne si réactionnaire d’aujourd’hui feignent de s’offusquer, de s’émouvoir nous accusant de glorifier des épisodes violents, les édifices brûlés, des membres du clergé tués etc mais ils omettent surtout de spécifier que s’il a existé des violences et exactions – on fait rarement une prise de pouvoir insurrectionnelle dans un champ de douceur, celles-ci  furent de toute part et plus encore dans la répression du mouvement. On le sait, les communardes et communards, les meneuses et meneurs comme les anonymes, ont payé très cher, au terme des 72 jours, avec les exécutions de la semaine sanglante, sans compter toutes celles et ceux arrêtés et déportées.

Mais la Commune, aussi brève soit-elle, et laminée au final par la revanche meurtrière des réactionnaires tous unis contre le Peuple de Paris, a néanmoins donné à espérer pour des générations le possible d’un collectif révolutionnaire. Elle a nourri et nourrit encore l’imaginaire du mouvement ouvrier en France et bien au-delà…

La ville de Paris va célébrer la Commune pendant 72 jours : qu’est-ce qui est prévu ?

Fêter cet anniversaire, c’est déjà tout simplement  inviter les Parisiennes et les Parisiens à mieux connaître ou même pour certains découvrir un épisode essentiel, constitutif de l’Histoire de la Ville de Paris et de sa mémoire. J’ai souhaité que cette programmation spécifique initiée par ma délégation pour la Ville de Paris, soit conçue en lien avec les arrondissements et le tissu associatif local et elle se déroulera au fil des 72 jours, avec une cinquantaine d’événements prévus donc pour quelques-uns sur le site de l’Hôtel de Ville et l’essentiel dans les arrondissements où la commune fut le plus pleinement vécue. Pour que cette évocation de la Commune de Paris soit largement partagée avec les Parisiens et particulièrement les plus jeunes, nous avons travaillé à des initiatives culturelles et mémorielles accessibles à toutes et tous et que nous pourrons adapter aux conditions sanitaires, qu’évidemment nous respecterons et pour beaucoup en extérieur. Certaines si elles ne pouvaient être ouvertes à un public large seront accessibles en ligne.

En ouverture de cette programmation et pour marquer le début de la Commune de Paris, le 18 mars en présence de la Maire de Paris sera dévoilée la création de Dugudus, Nous la Commune.

Ce sont 5O silhouettes de communardes et communards à échelle humaine qui seront déployés dans le respect des règles sanitaires, dans le square Louise Michel, chacune portée par une ou un Parisien d’aujourd’hui. Ensuite ces silhouettes constitueront une exposition itinérante, à partir du 2 avril, elles seront ainsi accrochées sur les grilles de l’hôtel de ville Coté Rivoli et sur la Mairie de Paris-Centre.

Puis à partir du 20 avril sur les grilles de la Gare de l’Est, dans le 10e et à partir du 10 mai sur celle des Buttes-Chaumont coté mairie du 19e .

Une autre exposition conçue pour le Comité d’histoire de la Ville de Paris dont Roger Martelli a assuré le Commissariat.  Elle permettra de découvrir le sens et les grandes différentes étapes de la Commune offrant un éclairage historique, de révision ou de découverte, accessible à toutes et tous. Elle aussi itinérante. À partir du 18 mars, sur les grilles des Buttes-Chaumont côté Botzaris, à partir du 26 mars à la bibliothèque de la Sorbonne qui a souhaité participer, à partir du 20 avril on retrouvera cette expo sur les grilles du Jardin Villemin. Et à partir du 27 mai à la Mairie du 11e.

Autre exemple d’exposition, organisée celle-là dans un arrondissement une exposition en extérieur, initiée par la mairie du 13e avec une visée très pédagogique. Elle se déploiera du 17 mars au 2 mai. 

Devant 20 écoles de cet arrondissement l’initiative originale de la Mairie du 13 qui  proposera des affiches sur les origines, les protagonistes, l’œuvre et la mémoire de la Commune de Paris, une large place aux figures oubliées et aux conquêtes sociales sur les panneaux électoraux disposés devant les 20 écoles de l’arrondissement ce qui permettra de toucher enfants et parents.

Il y en a d’autres. Et aussi dans cette programmation beaucoup d’expérience de théâtre immersif ou participatif : Évocation du procès de Louise Michel à l’Hôtel de Ville, des tableaux mêlant histoire et fiction abordant des épisodes différents de la Commune selon les arrondissements, c’est le projet Fausse Commune, ou encore le Pari de la Commune, rue de la Fontaine au Roi (11e) une expérience théâtrale sur le lieu même de la dernière barricade. Et bien sûr des débats, tables rondes, conférences et projections de film, des balades guidées sur sites ou encore numériques avec une cartographie passionnante créée par le Maitron , dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier.

Pour tout savoir en détail de ce programme :

https://quefaire.paris.fr/communedeparis


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