L’origine des Jeunes Communistes remonte au 1er novembre 1920 lorsqu’une majorité des Jeunesses Socialistes de l’époque décide d’adhérer à l’Internationale Communiste des Jeunes. Cet événement fondateur, survenu deux mois avant le congrès de Tours, pose la question de la participation des jeunes au mouvement communiste naissant mais aussi celle du rôle d’une organisation politique de jeunesse.
Le tournant de l’après-guerre
La fin de la première guerre mondiale place le mouvement ouvrier à un tournant de son histoire. La Deuxième internationale a faillit : en dépit des mots d’ordres pacifistes d’avant-guerre, la plupart des dirigeants socialistes se sont ralliés à l’Union sacrée. Ce soutien aux gouvernements ayant mené la guerre est vécu par beaucoup comme une trahison.
Un autre événement d’importance secoue le mouvement ouvrier : en Russie, la révolution d’Octobre a mené les bolcheviks au pouvoir. Il s’agit de la première révolution ouvrière victorieuse. Les bolcheviks, conduits par Lénine, avaient été l’une des rares factions du mouvement ouvrier à s’opposer à la guerre. Pour beaucoup d’observateurs, la réussite de la révolution d’Octobre apparaissait alors comme une validation de la ligne politique et des méthodes d’organisation préconisées par Lénine. En mars 1919, Lénine impulse la création de l’Internationale Communiste, appelée aussi « Troisième Internationale ».
Faisant le constat de l’échec de la Deuxième internationale, il appelle tous les révolutionnaires à rompre avec la social-démocratie opportuniste et à créer dans leurs propres pays des partis communistes sur le modèle bolchevik.
La question de l’adhésion à la troisième internationale et de la création de partis communistes divise le mouvement ouvrier. Faut-il rester dans la « vieille maison » socialiste ou suivre la voie révolutionnaire prescrite par Lénine ?
Les organisations de jeunesse des différents partis socialistes sont aussi traversées par cette question. Ayant payé un lourd tribut au conflit qui vient de s’achever, les jeunes sont de plus fortement impactés par le chômage qui accompagne la fin de l’économie de guerre. Dès lors, la volonté de rompre avec les partis socialistes traditionnels et de créer de nouvelles organisations est forte. Sans attendre que leurs organisations mères ne se prononcent sur la question, plusieurs organisations socialistes de jeunesse rejoignent le mouvement communiste naissant.
Le 20 novembre 1919, l’Union Internationale des Organisations de Jeunesse Socialiste organise une conférence clandestine à Berlin à l’issue de laquelle est décidée de créer l’Internationale des Jeunes Communistes. Aucun délégué français n’assiste cependant à cette conférence.
Les jeunes français face à l’option communiste
Dès le mois de janvier 1920, l’Internationale Communiste des Jeunes (ICJ) et ses organisations membres (notamment les Suisses) multiplient les messages à l’attention de la Fédération des Jeunesses Socialistes de France. L’ICJ propose aux jeunes socialistes français de se joindre à elle et les incite à prendre leur autonomie vis-à-vis du Parti Socialiste-SFIO.
Les Français font alors, avec les Belges, figure d’exception parmi les organisations de jeunesses socialistes en Europe. La plupart se sont en effet déjà prononcées pour l’adhésion à l’ICJ. Les puissantes organisations de jeunesse allemande et autrichienne ont à l’inverse manifesté le souhait de rester dans le giron socialiste, amenant les partisans de l’ICJ à scissionner. Les Français quant à eux ne se prononcent clairement pour aucune des deux options.
La direction des Jeunesses Socialistes, emmenée par Pierre Lainé, reste en effet sur des positions attentistes : elle refuse la scission avec la SFIO et choisit de réserver sa réponse quant à une éventuelle adhésion à l’ICJ.
Le débat est pourtant vif au sein des jeunes socialistes français comme en témoigne la conférence de Troyes des 4 et 5 avril 1920. Trois tendances se dégagent :
– Une courte majorité (3 168 mandats) conduite par Pierre Lainé affirme accepter l’adhésion à l’ICJ sous réserve de ne pas avoir à rompre avec la social-démocratie. Sachant que cette condition est inacceptable pour l’ICJ, la tendance de Pierre Lainé compte ainsi faire porter la responsabilité de la non adhésion sur l’ICJ.
– Une première minorité (2 350 mandats) s’est constituée en « Comité pour l’autonomie et l’adhésion à l’Internationale Communiste des Jeunes » et est animée par Maurice Laporte. Refusant « la soumission aveugle » à la SFIO, cette minorité plaide pour une adhésion à l’ICJ sans réserve.
– Une seconde minorité (1 800 mandats) menée par Emile Auclair se dit en accord avec l’ICJ mais estime que l’adhésion est pour le moment impossible.
Cette division chez les jeunes socialistes a propos de l’adhésion à l’ICJ fait écho à la division qui règne au même moment à la SFIO au sujet de l’adhésion à la Troisième Internationale. Une spécificité se dégage néanmoins : au-delà de la question de la pertinence de rejoindre ou non le mouvement communiste, les débats portent aussi sur l’attitude à avoir vis-à-vis du parti Socialiste-SFIO et sur l’autonomie dont peut disposer une organisation de jeunesse pour prendre ses propres décisions.
La victoire de la tendance Lainé est cependant de courte durée. Dans un contexte social marqué par les grandes grèves de 1920, les partisans de l’option communiste s’organisent.
Dès le 12 juillet 1920, un groupe étudiant scissione pour former les Étudiants Collectivistes Révolutionnaires qui s’empressent d’adhérer à la Fédération internationale des étudiants communistes, une branche de l’ICJ.
Plus significative est l’action du « Comité pour l’autonomie et l’adhésion à l’Internationale Communiste des Jeunes ». Disposant de ses propres statuts et distribuant ses propres cartes, le Comité, qui entretient des liens étroits avec le secrétariat de l’ICJ, fonctionne déjà comme une organisation quasi-autonome. Le 25 juillet, le Comité organise un congrès à Puteaux avec la tendance d’Emile Auclair. Ainsi réunies, ces tendances pèsent désormais d’avantage dans l’organisation que le groupe conduit par Pierre Lainé. Elles forment alors le « Comité de l’Internationale Communiste des Jeunes » et exigent la tenue d’un nouveau congrès qui doit aboutir à la formation d’une organisation de jeunesse communiste.
Le congrès de « la Bellevilloise »
Le nouveau congrès des Jeunesses Socialistes se tient les 31 octobre et 1er novembre 1920 à « la Bellevilloise » (Paris XXème, rue Boyer). Le rapport de force s’est inversé depuis la conférence de Troyes : la direction conduite par Pierre Lainé est désormais minoritaire. Le « Comité de l’Internationale Communiste des Jeunes » s’est quant à lui renforcé, s’est doté d’un programme et mène désormais ses propres campagnes. Depuis le 25 septembre, il dispose même de son propre journal : « l’Avant-garde ouvrière et communiste » animé notamment par un certain Gabriel Péri.
Deux tendances s’affrontent durant ce congrès :
– Le groupe de Pierre Lainé refuse l’adhésion à l’ICJ et affirme que cette question relève de l’autorité du Parti Socialiste-SFIO. Pour ce groupe, une organisation de jeunesse n’a pas à se positionner sur ce type de question : son rôle doit se limiter à faire de la propagande et à recruter et former de nouveaux adhérents pour le parti.
– Le « Comité de l’Internationale Communiste des Jeunes » refuse cette conception et considère qu’il faut une organisation révolutionnaire de la jeunesse capable de lutter aux côtés de ses aînés.
Comme lors de la conférence Troyes, le débat porte ainsi aussi sur la conception du rôle d’une organisation politique de jeunesse.
Les positions du Comité sont largement majoritaires : 5443 mandants pour, 1958 contre et 350 abstentions. Les Jeunesses Socialistes se transforment alors en « Fédération nationales des Jeunesses Socialistes Communistes de France» et votent l’adhésion à l’ICJ.
Pierre Lainé refuse ce vote et en appelle à la direction de la SFIO qui décide de prononcer la dissolution du nouveau Comité National issu de ce congrès. En réponse, les toutes nouvelles Jeunesses Socialistes Communistes décident d’exclure Pierre Lainé et ses partisans. La rupture avec la SFIO est ainsi actée et l’autonomie de la nouvelle organisation est entérinée.
Rapidement (congrès des 15 et 16 mai 1921), les Jeunesses Socialistes Communistes décident de se renommer « Fédération nationale des Jeunesses Communistes ».
Les effectifs de départ sont modestes : 7000 membres revendiqués, plus sûrement 5000 en réalité. L’histoire des Jeunesses Communistes, communément appelé « JC », peut cependant commencer.