La concentration des médias, un danger réel pour la démocratie

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La concentration des médias, un danger réel pour la démocratie

Geoffroy Lejeune accède ce vendredi à la tête du Journal du dimanche, une semaine après avoir été licencié de Valeurs actuelles.

La rédaction de l’hebdomadaire n’a pas l’intention de cautionner la nomination de ce militant réactionnaire, soutien indéfectible d’Éric Zemmour, et a voté la poursuite d’une grève massivement suivie (à près de 97%).

Derrière la montée de Lejeune : le milliardaire d’extrême-droite Vincent Bolloré, propriétaire du journal via le groupe Lagardère dont il est le principal actionnaire.

La concentration des médias

L’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), concrétisant le monopole de l’État sur les principaux médias, n’a disparu qu’en 1975. Ces derniers n’en restent pas moins, aujourd’hui, concentrés entre une poignée de mains. Celles d’acteurs privés, comme Vincent Bolloré.

Seulement 11 milliardaires détiennent 80% de la presse quotidienne, 60% de la part d’audience télévisuelle et la moitié des audiences de la radio.

Le groupe Canal + (C8, Canal, CNews, CStar), Europe 1, RFM, Télé-loisirs, Géo, Gala, Voici, Femme Actuelle, Capital, Paris Match, Le JDD… Autant de médias sur lesquels l’industriel d’extrême-droite Vincent Bolloré à la mainmise.

Dans un communiqué commun, les rédactions, aux lignes éditoriales pourtant diverses, de L’Humanité, de l’AFP, de Libération, du Figaro et des Échos avaient dénoncé « des tentatives inacceptables de Vincent Bolloré » pour les « faire taire en essayant de ruiner financièrement les journalistes ».

Un autre nom notable est celui de Xavier Niel. Le multimillionnaire fondateur de Free est copropriétaire du groupe Le Monde et a donc la main sur le quotidien homonyme, L’Obs, le Courrier International, Le Monde Diplomatique, Télérama et La Vie.

La première fortune mondiale, Bernard Arnault, détient entre autres Les Échos, Le Parisien, Radio Classique tandis que Patrick Drahi (Altice) possède BFMTV, RMC et est actionnaire majoritaire de L’Express.

Une objectivité éditoriale remise en cause

Alors qu’ils étaient jadis sous l’influence du pouvoir politique, les médias sont aujourd’hui sous la coupe du pouvoir économique, et cela ne génère absolument pas moins de questionnement concernant l’objectivité de leurs lignes éditoriales.

Acheter la presse, c’est acheter de l’influence. L’un des premiers à le comprendre est l’ancien collaborationniste et député UDF Robert Hersant, alias « le papivore », qui racheta Le Figaro au cours des années 1970.

Les ambitions d’influence politique de Vincent Bolloré ne sont aujourd’hui plus à démontrer. C’est celui-là même qui a propulsé Éric Zemmour, ancien candidat à l’élection présidentielle condamné à de multiples reprises pour incitation à la haine et discrimination raciale, par le biais du groupe Canal, en lui offrant notamment le poste d’éditorialiste dans Face à l’info sur CNews de 2019 à 2021.

Une stratégie pensée 

Tout cela n’est pas anodin. Vincent Bolloré déroule le tapis rouge à l’extrême droite partout où il le peut, comme le démontre la nomination vendredi de Lejeune au JDD. Le choix des sujets traités par sa chaîne d’information en continu CNews (faits divers anxiogènes en continu, mise en avant systématique et disproportionnée de la délinquance et de l’islamisme) s’inscrit pleinement dans un agenda politique : jouer sur la peur et renforcer le sentiment d’insécurité des Français afin de les rediriger vers le vote réactionnaire.

La chaîne va même jusqu’à désinformer et travestir la réalité. Comme ce fut le cas récemment lorsque des journalistes, sur le plateau, ont tenté d’atténuer l’infamie du meurtre du jeune Naël à Nanterre ce mardi en stipulant que l’adolescent était « très connu des services de police » et qu’il avait un « long » casier judiciaire. Le jeune homme de 17 ans abattu par les forces de l’ordre après un refus d’obtempérer n’avait pourtant aucune condamnation judiciaire et disposait d’un casier vierge.

Nous nous rappelons également l’altercation brutale entre l’animateur de Touche pas à mon poste sur C8 (groupe Canal, contrôlé par Bolloré), Cyril Hanouna, et un député en direct le 10 novembre 2022, après que ce dernier ait mis en cause l’implantation néocoloniale du milliardaire en Afrique.

La mainmise de la bourgeoisie sur les médias lui permet d’assurer ses intérêts, d’agir sur l’opinion publique et d’endiguer toute prise de conscience des masses. Face au réel danger démocratique que cela représente, il reste tout de même quelques médias indépendants : L’Humanité, Le Canard enchaîné ou encore, bien sûr, l’Avant-Garde.


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