Le lundi 12 juin, dès 9h du matin et jusqu’à 16h, élus, syndicalistes et citoyens se sont réunis devant l’Hôtel de Région à Bordeaux pour dire non au projet de mise en concurrence des TER en Nouvelle-Aquitaine. Nous avons interrogé les acteurs de la mobilisation à ce sujet.
Faisant suite aux directives de l’Union européenne et à la loi “pour un nouveau pacte ferroviaire” du 27 juin 2018, la région Nouvelle-Aquitaine souhaite ouvrir à la concurrence l’ensemble du service des TER. La privatisation du transport régional de voyageurs se fera progressivement à partir de 2027.
La mise en concurrence correspond à l’ouverture des services à des opérateurs différents de l’opérateur historique. Dans le cas des TER, la SNCF ne deviendrait plus la seule entreprise du réseau, et serait concurrencée par des structures privées.
L’ouverture à la concurrence a été votée le 12 juin par la région, en signant une convention de sept ans seulement, avec la SNCF. Le président socialiste a fait un choix différent de Carole Delga, autre socialiste qui dirige la Région Occitanie. Le 23 mars, cette dernière a fait passer une nouvelle convention de 10 ans avec la SNCF, pour éviter la mise en concurrence des transports régionaux.
Après le vote de la nouvelle convention, comment le combat sera-t-il mené ? Pourquoi les élus se battent-ils pour une convention de 10 ans, et non de 7 ans ?
D’après Frédéric Mellier, conseiller régional girondin, membre du groupe communiste, maintenant que la convention a été votée, “les organisations politiques et syndicales vont analyser la situation pour voir quels gestes elles pourront produire, afin de relancer la bataille pour une autre convention TER”. Le conseiller régional alerte : “à partir du 23 décembre 2023, les régions ne pourront plus signer de conventions avec la SNCF comme la loi le permet, et seront obligées d’ouvrir à la concurrence”. Les élus du groupe communiste à la région Nouvelle-Aquitaine se battent pour une convention de 10 ans plutôt que de 7 ans qui, d’après le Fred Mellier, “permettra de mettre les trains à l’abri de toute logique de concurrence, qui tend à faire rentrer les logiques de profit dans la gestion du service public”. Il faut ainsi “mener la bataille politique dans la société pour changer les directives européennes ou changer la loi de 2019”.
Pour les organisations syndicales, quel impact aura cette convention sur les salariés et les services ?
Pour Jessica, présidente CGT du CSE des cheminots et à l’initiative du rassemblement, la mise en concurrence aura plusieurs conséquences. Pour les salariés, “la SNCF pourra faire appel à des filiales, ce qui amènera à des pertes d’emploi, voire à du dumping social”. Les filiales ne seront “plus soumises aux accords de branche des cheminots”. Pour les usagers, la syndicaliste montre qu’ils devront passer par plusieurs opérateurs. Donc, plusieurs billets différents : “s’il y a un retard sur une ligne, il peut y avoir une rupture de correspondance non prise en charge par l’autre opérateur”. Pour les structures, “on nous a assuré que le matériel et le réseau ferré resteraient à la SNCF, mais il est possible que les petites lignes puissent être récupérées [par les opérateurs privés]. Donc, une ligne comme Bordeaux-Le Verdon pourra être totalement sous-traitée pour l’entretien.”
S’agissant des étudiants, quels moyens ont été utilisés pour faire entendre les difficultés qu’ils risquent de rencontrer ?
Les sections de l’UNEF Bordeaux, La Rochelle, Poitiers, Limoges et Pau dénoncent, dans un communiqué de presse, la mise en concurrence des TER et sont également en faveur d’une convention de 10 ans avec la SNCF. Lors de la dernière séance du Conseil économique, social et environnemental régional (CESER), le syndicat étudiant a alerté sur la situation des étudiants qui, “du fait de la sélection à l’entrée de l’université, habitent parfois loin de leur lieu d’étude et doivent prendre les transports régionaux régulièrement”. L’UNEF alerte sur “les dangers pour le niveau de service, pour les tarifs et pour la desserte, qui auront des conséquences sur le déplacement des étudiants”.
Les transports régionaux sont un levier de préservation de la planète et de l’action sociale. S’il reste directement géré par la collectivité publique et qu’il est suffisamment financé, le train permet aux usagers de limiter leurs déplacements en voiture et de voyager à moindre coût. À titre de comparaison, en raison des exigences de concurrence européenne, le fret est aussi dans le viseur de Bruxelles : le service public des transports de marchandises est progressivement démantelé, présentant un risque important sur le plan social et environnemental.