Jour du dépassement 2023 : encore un coup des consommateurs ?

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Jour du dépassement 2023 : encore un coup des consommateurs ?

Le mercredi 2 août marque le jour du dépassement pour 2023. L’humanité a consommé l’ensemble des ressources que la Terre est en mesure de régénérer en une année. Petite consolation, nous avons repoussé de cinq jours cette date par rapport à 2022.

“Petite” consolation, car la date de dépassement n’a en réalité reculé que d’un jour. Global Footprint Network, l’organisation qui annonce chaque année l’échéance, a revu sa méthode de calcul et a finalement fixé le jour du dépassement 2022 au 1ᵉʳ août. Notre déficit écologique n’a ainsi été que faiblement réduit.

“Vivre à crédit”, ou comment mettre la faute sur chaque être humain

Certaines ONG, militants écolos, ou encore le Gouvernement nous le rappellent tout le temps : nous consommons trop ! La preuve, la France a connu son jour du dépassement le 5 mai, trois mois avant celui de la planète entière. Si tout le monde avait notre train de vie, il faudrait 2,9 terres pour répondre à nos besoins. Qu’est-ce qui ne va pas chez nous ?

Gros consommateurs de viande et de produits électroniques, gaspilleurs d’eau et d’énergie… c’est le portrait-robot du Français moyen. Et l’Ademe ne se prive pas de nous le rappeler : pour repousser le jour du dépassement, il est possible d’agir en tant que citoyens sur nos habitudes du quotidien.

Voilà la rhétorique qui accompagne le jour du dépassement. Nous vivons à crédit, notre modèle de consommation n’est plus adapté à ce que la Terre est en mesure de nous fournir. Tout le traitement médiatique autour de la date du 2 août le démontre. Certains journaux affirment en effet que des solutions existent : la réduction par deux des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation de viande permettrait de faire reculer le jour du dépassement de trois mois et demi.

Toutefois, quelle pertinence y a-t-il à confondre les solutions et les objectifs ? Les premières doivent conduire aux seconds et, pour ce faire, elles doivent nécessairement être structurelles. Ce n’est qu’en agissant à l’échelle d’une société entière que les comportements individuels évolueront naturellement.

Se donner l’ambition du dépassement

C’est là que le bât blesse. Faire pipi sous la douche, débrancher sa box quand on part en vacances, ne pas chauffer au-dessus de 19 °C en hiver : certains voient dans ces pratiques les bases d’un futur écoresponsable. La question du modèle productif est laissée dans un quasi-abandon, comme si, après tout, les racines de nos modes de vie ne s’y trouvaient pas.

Se donner l’ambition du dépassement, c’est d’abord identifier les causes de notre empreinte écologique. L’une découle, et c’est heureux, de la hausse du niveau de développement pour des centaines de millions de personnes, qui sortent progressivement de la pauvreté. L’essor de la consommation et la multiplication des infrastructures exercent évidemment une pression sur les ressources écologiques disponibles.

L’autre cause se trouve dans les choix économiques qui accompagnent ce développement partout dans le monde. Dans la revue Progressistes, Amar Bellal l’explique bien : la recherche de profits par les capitalistes les rend incapables d’établir un modèle raisonné de gestion des ressources, d’efficacité énergétique, d’économie circulaire.

Se donner l’ambition du dépassement, c’est donc réaliser qu’au fur et à mesure que les frontières du développement humain avancent dans un système capitaliste, celles de la biocapacité reculent. La conclusion s’impose : ce ne sont pas nos habitudes de consommation que nous devons bouleverser, mais notre modèle productif tout entier.

Les limites environnementales en constante évolution

Dans le même article pour la revue Progressistes, nous lisons également que les limites de la Terre ne sont pas les mêmes à tous les stades de notre développement. Bois, charbon, ressources alimentaires… à chaque époque son lot d’inquiétudes quant à la soutenabilité des modes de vie.

Au fur et à mesure que nos techniques ont évolué et que la population mondiale a grandi, l’humanité a été en mesure de repousser les limites du dépassement. Il est dès lors indispensable de croire et d’investir dans l’amélioration de nos moyens technologiques, à l’ère où le pétrole semble encore tout-puissant.

Cette source d’énergie, qui représente 32 % du mix mondial, est aussi une source de profits sans pareil dans le système productif d’aujourd’hui. Dans l’état actuel des choses, il est difficile de croire que les capitalistes investiront dans la transition énergétique, pourtant indispensable à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Ainsi, à l’avenir, l’évolution des limites de notre planète est encore incertaine, et paraît même inquiétante. Ce qui est néanmoins sûr, c’est que sans dépassement du système économique actuel, aucun progrès technologique ne sera efficacement soutenu pour faire reculer le jour du dépassement.


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