Jammu-et-Cachemire : une question brûlante en Inde

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Jammu-et-Cachemire : une question brûlante en Inde

Traduction d’un article de la All India Youth Federation (fédération de la jeunesse de toute l’Inde) paru dans le bulletin de la Fédération mondiale des jeunesses démocratiques

L’Inde est un État fédéral, dont le Jammu-et-Cachemire est un État fédéré. Décrivant les frontières de chaque État fédéré, la première annexe de la Constitution indienne note que le territoire du Jammu-et-Cachemire inclut « le territoire qui immédiatement avant l’introduction de cette constitution était compris dans l’État indien du Jammu-et-Cachemire ». Ainsi, quand nous disons que le Jammu-et-Cachemire (J&C) est une partie intégrante de l’Inde, cela signifie que la partie de l’État sous occupations pakistanaise, connue sous le nom de « Cachemire occupé par le Pakistan » est également un territoire indien. Il ne peut y avoir de confusion sur ce point.

Quelques faits historiques

Il faut comprendre quelques faits historiques. Quand l’Inde s’est libérée du joug britannique le 15 août 1947, elle a été divisée en deux pays — l’Inde et le Pakistan. Cependant, dans cette période turbulente et difficile, le chef de l’État de l’époque, Maharaja Hari Singh, mettait en avant l’idée d’un État indépendant du Jammu-et-Cachemire, alors que le peuple de la région se prononçait pour le rattachement à l’Inde. Alors que le chef de l’État vacillait sur la question de l’unification avec l’Inde, les « commandos tribaux » (en fait des soldats entraînés et soutenus par les Pakistanais et les Britanniques) firent irruption dans l’État et atteignirent presque l’aéroport de Srinagar. Le Maharaja a alors fui vers le Jammu et signé l’accord de rattachement à l’Inde le 26 octobre 1947, ce pour quoi le peuple de l’État avait insisté tout au long de la période, sous la direction du légendaire Sheikh Abdullah.

Statut spécial du Jammu-et-Cachemire, et autonomie

Le J&C fait partie intégrante de l’Inde depuis son accession à l’indépendance. Cependant, plusieurs problèmes ont continué à hanter cet État. Le plus important d’entre eux est qu’une partie du territoire reste occupé par le Pakistan, ce qui est la principale raison des tensions entre l’Inde et le Pakistan. Un autre problème réside dans la question de l’autonomie de l’État.

L’accession à l’État fédéral indien s’est concentrée sur trois sujets : la défense, les affaires étrangères et la communication, les autres sujets sont administrés par l’État fédéré. C’est l’accord initial pour l’autonomie du J&C dans l’état fédéral indien. Cela a été confirmé constitutionnellement par l’article 370 de la Constitution indienne. Cela a été renforcé par l’accord de Delhi de 1952 entre le Premier ministre Nehru et Sheikh Abdullah. L’accord a été ratifié par le parlement de New Delhi et l’Assemblée du J&C à Srinagar. L’Assemblée de J&C est également devenue une assemblée constituante, afin d’écrire une constitution de l’État fédéré. La première partie, la plus essentielle, de l’accord de Delhi stipule que l’entrée dans l’État fédéral est complète et définitive. L’accord de 1952 a donc une validité constitutionnelle. Puis, il y a eu un autre accord en 1975, connu sous le nom d’accord du Cachemire-1975, entre le gouvernement indien et Sheikh Abdullah. L’accord stipulait que, quelles que soient les érosions de l’autonomie qui avait eu lieu entre 1952 et 1975, elles devaient être annulées.

Le statut spécial du J&C assuré à son peuple à l’époque de l’accession à l’Inde en octobre 1947 (qui est la base initiale l’autonomie de l’État vis-à-vis de l’Inde, ce qui a été confirmé par l’article 370 de la constitution), l’accord de Delhi en 1952, et l’accord de Cachemire en 1975 sont des facteurs historiques majeurs du problème du J&C et des assurances solennelles fournies au peuple de l’État. La solution aux problèmes internes de l’État doit se construire dans le cadre de ces accords et de ces assurances. Parmi ces facteurs, l’article 370 est le plus important. Les accords de 1952 et de 1975 sont fondés sur cet article.

Abrogation de l’article 370

Le J&C a perdu son statut spécial. Le 5 août 2019, le gouvernement indien a abrogé l’article 370, faisant ainsi disparaître le statut spécial du J&C. Dans le même temps, le gouvernement a fait passer une loi abolissant le J&C comme État fédéré de l’Inde et le remplaçant par deux Unions Territoriales, l’Union Territoriale du Jammu-et-Cachemire avec un organe législatif, et l’Union Territoriale du Laddakh sans organe législatif. Ils l’ont fait sans informer le peuple de l’État fédéré. Ils l’ont fait sans discussion préalable au Parlement. Ce faisant, ils ont ignoré et méprisé les pratiques, les procédures et la préséance parlementaires. Ils ont adopté des mesures régressives et anticonstitutionnelles qui amènent à détruire la structure fédérale et les principes du pays.

D’un coup d’un seul, ils ont réécrit la politique et l’histoire de l’Inde de façon à coller à l’idéologie fasciste du RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh, parti nationaliste hindou ndlr). Ils fêtent cela comme une victoire en oubliant que, ce qu’ils ont supprimé (l’article 370), était le cordon ombilical qui maintenait le J&C comme partie intégrante de la grande nation indienne.

Le principal parti d’opposition (Indian National Congress), la gauche, et la majorité des forces d’opposition se sont opposés à cette action du gouvernement et l’ont dénoncée comme anticonstitutionnelle. Le gouvernement n’en a eu que faire et a utilisé sa majorité absolue au parlement pour faire passer des dispositions anticonstitutionnelles.

Des millions de personnes en quasi-détention

Plus de sept millions de personnes dans la vallée du Cachemire sont en quasi-détention à cause du couvre-feu très strict et d’autres restrictions sévères imposées depuis la nuit du 4 août 2019. Des responsables politiques, et des militants en grand nombre sont arrêtés. Nombre d’entre eux ont été transférés vers d’autres États. Quasiment toute la population de l’État, particulièrement dans la vallée, a été privée de ses droits humains et constitutionnels. Le téléphone, internet et les autres moyens de communication sont restés suspendus pendant plus de deux mois, et ne sont pas encore totalement restaurés. La population entière de la vallée et en quasi-détention.

Les partis d’opposition ont demandé au gouvernement de cesser ces mesures répressives. Ils ont demandé que les droits constitutionnels et humains soient restaurés et que les militants et responsables politiques soient libérés. Mais les gouvernements ne les ont pas écoutés.

Le peuple du J&C s’était soulevé contre le non-respect des assurances qui lui avaient été données à l’époque de l’accession à l’Inde. Ces revendications ont été ignorées pendant des décennies, ce n’était donc pas étonnant que l’aliénation augmente. Les forces anti-Inde et anti-fédérales ont exploité cette aliénation, jusqu’à soutenir des slogans séparatistes, pro-pakistanais, et même demander l’indépendance.

Il est clair qu’avec la suppression de l’article 370, le virage à droite de l’État, le couvre-feu continu, la quasi-détention de millions de personnes à leur domicile, les restrictions de mouvement et sur les communications, le gouvernement a renforcé l’aliénation du peuple.

L’aliénation du peuple atteint désormais des proportions dangereuses. Et les mésaventures du gouvernement n’ont fait que compliquer à nouveau l’imbroglio du Jammu-et-Cachemire.


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