« Ne fais pas que jouer avec ton smartphone, programme-le ». C’est par cette citation de Barak Hussein Obama, que débute l’entretien avec Thierry Viéville, chercheur à l’Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique, Inria.
Cet énoncé est le préalable qui a conduit à la mise en place de Class’Code, un programme de formation qui s’adresse aux professionnel-les de l’éducation, tout en donnant également une place aux parents. Lancé depuis la rentrée 2016, l’objectif est de former à initier les filles et les garçons de 8 à 14 ans à la pensée informatique.
Par ailleurs, une extension concernant la formation des lycéen-nes de toutes sections est accessible via l’option ICN, Informatique et Création Numérique. Le besoin de former les professeur-es de lycée s’est imposé très rapidement afin que les futur-es citoyen-nes ne soient plus seulement de simples consommateurs mais des créateurs du numérique.
Une expérimentation concluante, déployée en Isère à la rentrée 2017
Environ 15000 professionnel-les des territoires pilotes se sont inscrit-es aux formations sur l’année 2016-2017 et, pour celles et ceux qui ont déjà réalisé l’ensemble du programme, des retours qualitativement très positifs. En effet, cette formation, dispensée sous la forme de cours en ligne ouvert à tou-tes (MOOC, en anglais), enrichie de temps de rencontre multiple, s’appuie sur des ressources éducatives libres et réutilisables, contribuant ainsi à ces bons résultats.
De plus, elle reflète aussi l’évolution du rôle du professeur par rapport à l’élève : il se retrouve dans une posture d’apprentissage et de recherche au même titre que son élève. L’adulte ne détient pas nécessairement le savoir, son rôle, en tant qu’acteur du système éducatif, est de contribuer à forger l’esprit critique de ses élèves en les positionnant au centre de leur développement.
Class’Code, un tiers lieu qui rassemble les actrices et acteurs de l’éducation
D’ailleurs, la réponse encourageante de l’Éducation nationale à la poursuite de ce programme à l’échelle nationale, démontre la nécessité de formation avec l’introduction de l’initiation au code dans les programmes scolaires ainsi que dans les activités périscolaires. Ceci implique d’adapter la formation des professionnel-les de tout horizon à cette mission fondamentale – au niveau du plan annuel de formation de l’éducation nationale, PAF, des école de formation des futurs professeur-es, ESPE, des formations d’animateurs…
De fait, parmi les premiers constats effectués, il apparaît nettement qu’associer le monde scolaire, péri-scolaire et extra-scolaire soit un facteur incontournable de réussite. Ainsi, la formation laisse une large place aux rencontres et incite fortement à élever des ponts entre les différents acteurs de l’éducation.
Un horizon à atteindre avec des perspectives concrètes
Pour bien cerner les objectifs, il faut préciser ce que Class’Code n’est pas : ce n’est pas un programme pour former de futur-es informaticien-nes ou apprendre à faire classe à l’aide d’un support numérique. En réalité, il s’agit de construire une pensée critique par rapport aux évolutions numériques en s’appuyant sur un levier fondamental, celui de l’éducation, et par extension, les professionnel-les qui exercent ce métier.
S’inscrire dans une démarche de recherche, c’est renoncer aux évidences, aux visions simplistes et édulcorées : c’est, par exemple, démystifier l’intelligence artificielle, voire lutter contre l’emprise des GAFAM (Google-Apple-Facebook-Amazon-Microsoft). Pour cause, ces géants du web n’ont pas seulement pour vocation à gagner des parts de marché, mais également à scléroser notre rapport au monde, notamment numérique, en nous imposant leur vision utilitaire et consumériste comme la seule possible.
Précisément, Class’Code s’est donné comme mission sous-jacente d’aider à former des citoyen-nes éclairé-es en les familiarisant à la pensée informatique.
Ce que revêt justement le concept de « pensée informatique »
La pensée informatique désigne en premier lieu le code, cette succession de 0 et de 1 qui, selon leur combinaison, codent l’information et forment des algorithmes. On parle aussi de langage informatique et ce terme n’est pas choisi par hasard : il s’agit bien d’apprendre une langue, mais également son histoire et les protagonistes qui la jalonnent. Grâce ce langage, on peut converser, ou plutôt programmer, des robots, des objets intelligents, des interfaces… Il est difficile de trouver un domaine qui échappe à ce langage, de fait, l’informatique est une compétence pluri-disciplinaire et doit être considérée comme telle dans le cursus scolaire.
Les algorithmes, un gros mot ?
Le temps des algorithmes (2017), écrit par Serge Abiteboul et Gilles Dowek, chercheurs à l’INRIA, apporte un éclairage salutaire face à la prépondérance des algorithmes dans notre quotidien. Ainsi, expliquent-ils : « Ils transforment les sciences, l’industrie, la société. Ils bouleversent les notions de travail, de propriété, de gouvernement, de vie privée et d’humanité. […] Les algorithmes sont probablement les outils les plus sophistiqués que les hommes aient eu à leur disposition depuis les commencements de l’histoire de l’humanité. […] Ils seront ce que nous voulons qu’ils soient : à nous de choisir le monde que nous voulons construire. »
Des pionnier-es dans l’Académie de Grenoble… à Évian-les-Bains
Des actrices et acteurs de l’éducation, situé-es en Savoie, ont également pris conscience de l’urgence de produire des outils afin d’apprivoiser la numérisation progressive de notre environnement par l’enseignement de la pensée informatique. Ils sont parvenus à développer un projet nommé PLAIRE, soit, Pensée Logique Algorithmes et Informatique des Robots d’Évian. L’expérimentation a débuté en 2015 avec une trentaine de robots Thymio, prêtés par la Maison pour la science en Alpes Dauphiné, l’École Polytechnique de Lausanne EPFL et Inria. Le principe est bien de s’adresser aux enseignant-es, apprenant et découvrant avec leurs élèves des notions de programmation informatique, et cherchant des solutions aux défis qui se posent en coopérant les un-es avec les autres, ici, en manipulant des robots ludiques. Car, ce que cet apprentissage nous apporte aussi, finalement, c’est à faire ensemble, à avancer collectivement pour aller plus loin.
Un nouveau campus dédié au numérique pour la rentrée 2017
Intitulé « Campus Région », la Région Auvergne Rhône-Alpes proposera dès la rentrée prochaine de suivre des formations au sein de 7 écoles, débouchant sur des métiers tels que développeur web et mobile, administrateur de systèmes et réseaux, gestionnaire d’infrastructures , webdesigner, expert en transformation numérique etc. Parmi ces écoles, une nouvelle verra le jour, Le 101, en partenariat avec l’école 42 fondée par Xavier Niel, le fondateur de Free. Cette école sera dédiée au codage, gratuite, et s’adressera aux jeunes adultes, avec ou sans diplôme. Installé à Lyon, ce campus doit incarner, pour Laurent Wauquiez, Président de la Région « le cœur d’une future Silicon vallée européenne »…