Le fret ferroviaire, autrefois moteur de l’économie européenne, représente aujourd’hui moins de 10 % du transport de marchandises en France. Cet effondrement résulte de choix politiques et économiques visant à libéraliser le secteur, dans la lignée des directives européennes, avec un désengagement progressif de l’État et une quête de rentabilité incompatible avec les enjeux sociaux et environnementaux.
Une libéralisation aux lourdes conséquences
Depuis les années 1990, les réformes successives ont transformé la SNCF en une entreprise éclatée et soumise aux lois du marché. La séparation en cinq entités en 2020 a notamment ouvert la voie à une concurrence exacerbée, favorisant les acteurs privés tout en imposant à la SNCF des charges financières spécifiques, comme le fonds de concours (1,7 milliard d’euros en 2023). Parallèlement, les investissements dans les infrastructures ferroviaires, essentielles à l’entretien des gares de triage et des petites lignes, ont drastiquement diminué. Ce sous-financement public a creusé la dette grise de SNCF Réseau, estimée à 60 milliards d’euros.
Le déclin du wagon isolé, outil crucial pour desservir les territoires, symbolise l’abandon progressif de la logique de service public. Jugé non rentable, il a été supplanté par les trains massifs, adaptés aux grandes lignes, mais inadaptés aux besoins variés des entreprises et des territoires.
Une alternative stratégique et environnementale
Relancer le fret ferroviaire est pourtant une nécessité. Avec l’urgence climatique et la nécessité de relocaliser la production industrielle en France, le train constitue une solution clé. Il émet jusqu’à dix fois moins de gaz à effet de serre que le transport routier, son principal concurrent, qui profite d’un dumping économique grâce à l’absence de redevance pour l’utilisation des infrastructures routières.
Plusieurs solutions sont avancées pour inverser la tendance. La CGT des cheminots propose d’obliger les chargeurs à déplacer 25 % de leurs marchandises par voie ferrée, en les incitant à développer des embranchements ferroviaires vers les dépôts logistiques et les sites industriels. Parallèlement, l’État doit jouer un rôle central de stratège et planificateur, en finançant le renouvellement des infrastructures, en rouvrant des gares de triage et des petites lignes, et en développant les connexions intermodales entre rail, route et maritime.
Enfin, la revalorisation des métiers de cheminots s’impose. L’abandon du statut pour les nouveaux entrants et la précarisation croissante des postes entraînent un taux de démission élevé, fragilisant un secteur exigeant des compétences pointues. Restaurer des conditions attractives et des perspectives de carrière est indispensable pour pérenniser le savoir-faire ferroviaire.