Homosexualités masculines et féminines : une vision différente dans la société.

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Homosexualités masculines et féminines : une vision différente dans la société.

Il est intéressant de noter que si la reconnaissance sociale de l’homosexualité masculine comme orientation sexuelle à part entière fait son chemin principalement durant la première moitié du XXe siècle, le lesbianisme n’est lui pas reconnu socialement en tant que tel avant la seconde partie du XXe siècle, car considéré jusqu’alors comme acte isolé de quelques femmes « égarées » n’ayant pas encore su trouver réconfort et plaisir dans les bras d’hommes.

Lesbienne, homosexuel.le, bisexuel.le?

Cette vision est toujours entretenue aujourd’hui de manière caricaturale dans la majorité des vidéos pornographiques disponibles sur internet, où la « lesbienne » se trouve la plupart du temps être bisexuelle et où l’homosexuel est toujours uniquement homosexuel (on lira ainsi toujours « lesbienne » pour une femme bisexuelle, et « bisexuel » pour un homme bisexuel). La quasi-totalité de la production pornographique « lesbienne » étant en réalité destinée aux fantasmes d’un public masculin hétérosexuel. D’une vision fantasmée de la femme dévouée au service de son mari et de sa famille au XXe siècle, on reste aujourd’hui à une vision de la femme égarée dans une orientation sexuelle qui ne lui correspond pas et qui trouve malgré tout « naturellement » du plaisir avec l’homme. Cette différence d’appréhension des homosexualités masculine et féminine est directement liée aux normes engendrées par la nature patriarcale de notre société. Celle-ci minimise toujours en quelque sorte la capacité des femmes à comprendre et à assumer elle-mêmes leur sexualité. De plus, la sexualité lesbienne est souvent considérée comme « secondaire », car privée de référence à la pénétration phallique, symbole viril de la domination masculine.

La domination masculine au cœur des perceptions

L’homosexualité masculine semble toujours jouir d’une plus grande reconnaissance sociale aujourd’hui (télévision, cinéma, marche des fiertés, etc.). Ainsi, s’il est peu concevable d’imaginer une femme trouvant du plaisir uniquement avec d’autres femmes ; il est cependant plus concevable d’imaginer un homme trouvant du plaisir uniquement avec d’autres hommes. Cependant cette reconnaissance est toujours couplée avec une remise en cause de l’homme dans sa virilité, se traduisant par une dévalorisation de sa personne par les autres hommes. La plupart du temps, celui-ci s’en trouvera d’ailleurs d’autant plus dévalorisée en « quittant » symboliquement ce rôle de dominant par la pratique de la sodomie de manière passive par exemple (« enculé » restant une des insultes les plus en vogue aujourd’hui, jusque dans les coures d’écoles).

L’homosexualité masculine minimisant ainsi la virilité aux yeux de la société, le stéréotype de l’homosexuel « efféminé » se voit donc très répandu, et l’acceptation sociale d’un homme gay dans un groupe d’hommes hétéros se fait la plus part du temps plus facilement quand celui-ci ne « fait pas gay ». A l’inverse, l’acceptation à tendance à être plus forte dans un groupe de femmes, car considéré comme « proche d’elles ». Quel homme homosexuel n’a jamais entendu l’expression type du « meilleur ami gay » ? Les normes sociales brouillent ainsi les codes de l’orientation sexuelle avec ceux de l’identité de genre, sans raisons apparentes, si ce n’est qu’un homme attiré par les hommes ne peut aujourd’hui encore être perçu comme étant un homme « à part entière ». De la même manière, quand il ne s’agit pas du stéréotype de la « camionneuse » masculine, les femmes lesbiennes sont souvent perçues comme ultra féminines et sexualisées : vision entretenue encore une fois principalement par la pornographie, le cinéma, la télévision et la publicité.  A l’inverse, il arrive qu’on assigne telle ou telle sexualité à une personne en fonction de son apparence, de son comportement, ou de son travail.

Pressions sociales et répressions

Cette pression sociale subie par les gays et lesbiennes est d’autant plus équivoque que depuis les débats publics sur le genre ayant suivis les polémiques liées au mariage pour tous en 2013, la droite réactionnaire ne fait qu’exacerber son idéal de société hétéronormée, et d’identités de genre conformes aux normes dominantes. Celle-ci s’exprime par exemple à travers les propos phallocrates d’Eric Zemmour, ou encore de Christine Boutin, présidente du parti Chrétien démocrate, qui déclarait à Sud radio le 28 février dernier que :

« Les femmes ont besoin de vrais hommes, pas de guimauves féminisées, […] d’hommes puissants ».

Des déclarations qui se multiplient et n’ont pour conséquence que d’augmenter les actes de violences et les pressions psychologiques homophobes et transphobes.

Cette plus grande reconnaissance sociale de l’homosexualité masculine et sa plus grande visibilité n’implique pas pour autant un plus grand respect. En effet, la plupart des textes législatifs des Etats réprimant l’homosexualité visent en priorité les hommes. Aucune législation répressive n’a visé spécifiquement les femmes homosexuelles dans la période contemporaine. Ainsi, si les législations répressives ne répriment pas  les actes d’homosexualité en général, elles les répriment de manière asymétrique au détriment des hommes (ex : En Ouganda l’homosexualité est passible de 14 ans de prison pour un homme, contre 7 ans pour une femme), ou répriment l’homosexualité masculine uniquement. C’est le cas de 17 Etats, dont le Ghana, le Soudan, la Jamaïque, le Koweït ou Singapour par exemple. Ce fut le cas de l’Afrique du sud, ou de beaucoup d’Etats européens, comme l’Allemagne.

La répression légale moindre ou la plupart du temps inexistante à l’égard des femmes lesbiennes est liée au caractère homophobe ET sexiste qui caractérise la lesbophobie. En effet, il s’agit toujours ici de nier l’homosexualité féminine comme orientation sexuelle et donc la capacité des femmes à se définir sexuellement. Les femmes la revendiquant s’exposent donc dans certains pays à des violences extrêmes de la part des éléments les plus phallocrates et réactionnaires de la société. Ainsi, le phénomène des « viols correctifs » en Afrique du sud en est un parfait exemple : des hommes agressent sexuellement des femmes homosexuelles afin de les « guérir » en leur faisant découvrir les rapports hétérosexuels de manière forcée et violente.

L’enjeu du modèle familial hétérosexuel dans la continuité de la domination masculine

Dans les sociétés patriarcales, l’homosexualité masculine est donc considérée comme un fait traditionnellement « plus grave » que l’homosexualité féminine car elle remet en cause directement le rapport dominant que doivent entretenir les hommes sur les femmes. Les propos tenus par le sénateur colombien Roberto Gerlein Echeverria en 2012, en pleine séance parlementaire, illustrent ce phénomène :

« Je n’ai jamais été préoccupé par deux femmes qui partagent un lit. Car ce genre d’homosexualité ne représente rien. C’est inepte, sans importance… Mais que deux hommes partagent un lit ! C’est du sexe révulsant ! ».

En effet, si dans cette logique l’homosexualité féminine est une fois de plus vue comme un phénomène occasionnel et marginal, ne compromettant pas en soit la pénétration phallique, l’homosexualité masculine, elle, pose potentiellement un problème d’ordre mécanique remettant directement en cause l’existence même du modèle du couple hétérosexuel et son rôle procréatif. De plus, dans une société patriarcale, l’homme est dominant socialement, et la parole des dominants est toujours prise plus au sérieux que celle des opprimé(e)s, ici des femmes. Dans le cas de l’homosexualité masculine, c’est donc le dominant lui-même qui remet en cause ce modèle, ce qui le rend d’autant plus inacceptable aux yeux des autres dominants.

En plus de ce rôle procréatif se joue l’enjeu de la remise en cause du modèle du couple hétérosexuel comme principal reproducteur de la domination masculine. En effet, au sein des couples hétérosexuels, c’est la femme qui assume toujours aujourd’hui plus de 80% du travail domestique, résultant de l’exploitation de celles-ci « naturalisée » dans la sphère familiale. Selon Elisabeth Claude (FA), ce temps de travail domestique « gratuit » (entre 15 et 32 heures hebdomadaires) représenterait en France une valeur de 600 milliards d’euros environ s’il était rémunéré. Cette exploitation domestique n’est qu’un des multiples facteurs de la domination des hommes sur les femmes alors que dans les couples hétérosexuels, la femme touche en moyenne un salaire 42% moins élevé que celui de son mari (2011, INSEE), situation souvent justifiée par les temps partiels nécessaires à la consécration au travail domestique, ainsi que leur dévalorisation sur le marché de d’emplois. Comme le disait déjà Engels en 1884 : « Dans la famille, l’homme est le bourgeois, la femme joue le rôle du prolétariat ». Femmes et personnes LGBTI semblent donc unies objectivement dans une même cause : la lutte contre un système de normes sociales et genrées justifiant la domination et l’exploitation. Ce même système patriarcal dont sont issues les origines différenciées des perceptions des homosexualités masculines et féminines.

 

« Nous ne faisons pas de distinctions entre nous. Nous savons que les hommes et les femmes homosexuels vivent une oppression différente. Les hommes trahissent la société mâle, les femmes homosexuelles sont aussi opprimées comme femmes.

Les hommes homosexuels bénéficient comme hommes d’avantages que les femmes n’ont pas. Mais l’homosexualité féminine est peut-être moins scandaleuse pour les hommes, qui l’ont utilisée comme spectacle. »

FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire), avril 1971.

 


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