Grève à Hollywood, feu sur les majors

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Grève à Hollywood, feu sur les majors

La Writers’ Guild of America (WGA), puissant syndicat américain des scénaristes de cinéma et de télévision, annonce être parvenu à un « accord exceptionnel », après d’âpres négociations avec les majors.

« Des gains significatifs » 

Le syndicat annonce « des gains significatifs et des protections pour les scénaristes dans tous les secteurs d’activité de (ses) membres ». 

Cinq mois après son coup d’envoi, au 1ᵉʳ mai 2023, il s’agit d’une grève d’ampleur exceptionnelle, ayant mis l’industrie du divertissement à l’arrêt. Du côté des majors, les lignes ont aujourd’hui sensiblement bougé.

L’accord promet des avancées en matière de composition des effectifs, de salaires et de droits sur les séries à gros succès. De manière non moins surprenante, les parties en présence semblent également être arrivées à proposer des garde-fous contre le recours à l’IA.

Un accord à 5,1 milliards

Après avoir mobilisé des milliers de scénaristes et multiplié les piquets de grève devant des entreprises telles que Netflix et Disney, la WGA est ainsi parvenue à faire plier les majors, qui essuient des pertes considérables.

Les corporations américaines, suivies par les grands médias, Warner Bros. Discovery et CNN en tête, n’ont pas tardé à déplorer le « coût de la grève », dont l’impact est estimé à 5,1 milliards de dollars sur l’ensemble de l’économie californienne (selon le Milken Institute).

Pour cause, la Californie est la terre incontestée des poids-lourds du soft-power américain. Pour les pouvoirs publics, le poids économique de l’industrie audiovisuelle et cinématographique est donc au cœur de toutes les préoccupations.

Un tournant historique 

Ainsi, pour la maire de Los Angeles, Karen Bass, l’urgence est à la recherche de compromis avec la SAG-AFTRA, organisation syndicale représentative des acteurs du cinéma et de la télévision, qui poursuit la grève.

« Avec plus d’une centaine de milliers de travailleurs participant désormais dans une grève sans précédent, il est clair que l’industrie du divertissement a atteint un tournant historique » déclare Karen Bass dans une déclaration en date du 14 juillet dernier.

Évoquant une situation qui « a des conséquences sur tous » et sur l’économie californienne « dans sa globalité », la maire appelle toutes les forces en présence « à rejoindre la table des négociations et à travailler sans compter les heures jusqu’à ce qu’un accord équitable soit atteint ». Si, du côté de la WGA, l’heure du bilan a déjà sonné. Avec la poursuite de la grève des comédiens, Hollywood est encore loin du retour au calme.

Le miroir aux alouettes 

À l’heure du bilan, pour beaucoup d’auteurs, ces cinq derniers mois ont été une occasion inespérée de raconter leur désillusion face à l’impact réel de l’économie du streaming sur leurs conditions de travail et de rémunération. 

Il y a à peine une dizaine d’années, un nouvel âge de la télévision faisait passer la production de séries télévisées d’environ 80 à 500 par an en 2022 (selon les chiffres rapportés par Vox).

Se dessine alors le rêve d’« un nouvel âge d’or » artistique, celui d’une industrie créatrice d’opportunités pour les jeunes auteurs — le rêve d’un « boom » comparable à celui de l’industrie cinématographique à ses débuts, au siècle dernier. C’était sans compter l’intensification de la concurrence entre les plateformes, qui ne tardent pas à sonner le glas du miroir aux alouettes. 

Une nouvelle page de l’histoire 

Implacable comme toujours, la logique du profit n’a pas tardé à « retirer le tapis sous le pied des auteurs » (Vox). Cette grande désillusion des auteurs, qui fait couler beaucoup d’encre, est une démonstration — s’il en fallait — du fait que l’histoire ne se répète jamais deux fois. Pourtant, pour les auteurs scénaristes d’Hollywood, c’est bel et bien une nouvelle page de l’histoire qui se tourne à l’issue de cette mobilisation historique.

Pour être à l’origine de bouleversements majeurs dans nos pratiques de consommation culturelle, l’économie du streaming est donc encore bien incapable de se passer du travail de création des auteurs, qui font tourner l’une des industries les plus lucratives au monde. L’issue de cette grève en est une preuve en actes.

Ainsi, pour écrire une nouvelle page de l’histoire d’Hollywood, les majors n’ont désormais, à l’évidence, plus d’autres choix que de composer avec la force de frappe des syndicats. 


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