Depuis plusieurs mois les ouvriers de GM&S dans la Creuse sont en lutte contre la fermeture de leur usine. Une lutte dure, âpre, longue pour ces 277 ouvriers de l’industrie automobile qui font face aux diktats des géants de la filière française (Renault et PSA).
Un site historique
Après 20 ans dans la fabrique de trottinettes, GM&S se lance dans la sous-traitance automobile dans les années 80. Après vingt belles années portées par l’âge d’or du tout voiture en France la filière automobile connaît ses premières grandes difficultés à partir des années 2000.
GM&S connaît alors le ballotage de repreneur en repreneur. En 2009 l’entreprise connaît son premier redressement judiciaire et est rachetée par Altia avec le soutien de la Banque publique d’investissement qui entre même au capital.
Cependant lors du second redressement judiciaire de l’entreprise, en 2014, il apparaît qu’Altia a profité de ces 5 années pour siphonner l’intégralité de la trésorerie de GM&S. Un procès est d’ailleurs toujours en cours, 3 ans plus tard, pour savoir si Altia qui est propriétaire des murs de l’usine et perçoit 260.000€ de loyer, est coupable d’abus de bien social.
Le bon vouloir de PSA et Renault
Si les repreneurs se succèdent, certains protagonistes eux ne changent pas, ceux que l’on appelle les donneurs d’ordre : les deux grands constructeurs automobiles français PSA et Renault. A eux deux ils représentent 53,5% du marché français et 20,3% du marché européen en 2016.
Là est le nœud du problème, les grands industriels ont au fil des années poussé les sous-traitants à se spécialiser et ces derniers sont devenus à 100% dépendants d’un donneur d’ordre. C’est le cas de GM&S dont le carnet de commande dépend en totalité du bon vouloir de Renault et PSA et qui ces dernières années ont volontairement réduit leurs commandes afin d’assécher le site.
C’est un bras de fer avec ces Goliath de l’automobile qu’ont engagé les 277 ouvriers de GM&S avec un premier objectif poursuivi pendant tout le printemps, trouver un repreneur pour l’usine, une offre a été déposée le 29 juin, auprès du Tribunal de Commerce de Poitiers en charge du dossier, par le groupe stéphanois GMD.
Une offre de reprise partielle et incertaine
Dans cette offre de reprise partielle GMD s’engage à reprendre 120 des 277 salariés. S’engage alors la deuxième phase du combat, la plus compliquée, peser sur les donneurs d’ordre afin qu’ils s’engagent à garantir un volume de commandes suffisant, à savoir 10 millions d’euros pour Renault et 12 millions pour PSA sur 3 ans, mais aussi à ce qu’ils s’engagent à apporter une aide à l’investissement afin de moderniser l’outil de production de GM&S.
Ces engagements sont vitaux afin de sécuriser l’offre de reprise de GMD, qui ne se lancera pas dans l’aventure sans garantie des constructeurs, mais surtout pour les salariés afin de sauver le maximum d’emplois.
Avant la réunion de négociation du 11 juillet, qui réunissait l’Etat, les constructeurs, GMD et les salariés, Patrick Brun (délégué syndical CGT) expliquait à la presse que l’objectif était de garantir une reprise de 180 salariés et un accompagnement social et des indemnités supra-légales pour les ouvriers licenciés.
Cette réunion, dont l’ordre du jour a pu être imposé par les salariés suite au blocage du site de Sept-Fons de PSA (site stratégique pour le constructeur), a ouvert la porte à des avancées comme l’engagement des constructeurs à augmenter leurs commandes ou l’assurance d’un financement sans licenciement du site jusqu’à fin août.
Cependant le dossier reste au point mort sur l’augmentation à 180 du nombre de salariés repris et sur une supra-légale d’au moins 35.000€. Si l’avenir reste incertain, le ciel semble se dégager pour les ouvriers de GM&S, il faut maintenant attendre la décision du Tribunal de Commerce de Poitiers le 19 juillet et espérer qu’il accorde un nouveau sursis à l’entreprise afin que les négociations continuent et que l’offre de reprise soit consolidée et acceptable par les salariés (conditions obligatoires à la reprise par GMD).
Un cas d’école
Le cas de GM&S apparaît comme un cas d’école des puissances à l’œuvre dans le secteur de l’automobile. Tout d’abord une politique de destruction de PSA et Renault qui cherchent à se débarrasser des sous-traitants français par tous les moyens afin de délocaliser leurs productions dans des pays où les salaires et les garanties sociales sont moindres, pour ne pas dire inexistantes.
Mais aussi la liberté totale dont bénéficie les groupes industriels comme Altia, qui pendant plus de cinq ans a pu siphonner les caisses de l’entreprise, alors même que l’Etat par le biais de la BPI est actionnaire à 20% du groupe, et de ce fait plonger les finances de l’usine dans le rouge.
Enfin l’Etat qui refuse toujours de prendre ses responsabilités alors qu’il est le principal actionnaire de PSA et Renault, qui pourrait par sa place prépondérante assurer la pérennité du site en permettant des investissements massifs, méthode qui a fait ses preuves depuis plus de 30 ans comme ce fut le cas dans les années 80 pour sauver Renault justement ou alors plus récemment dans le cadre des chantiers navals de STX.
On le voit actuellement l’ultralibéralisme du gouvernement Macron et son refus d’intervenir facilite la mise à mort de la filière automobile française mais aussi des territoires. La fermeture de GM&S entraînerait la perte de plus de 800 emplois indirects dans la Creuse, département déjà en grande difficulté qui voit sa population diminuer.
Patrick Brun expliquait d’ailleurs que :
« Quand on sait que la moyenne d’âge est de 50 ans ici et qu’il n’y a rien d’autre que des boulots payés 500 euros ou le RSA, on n’est pas prêt de lâcher le combat »
Une véritable politique industrielle est possible
Ce dont la France a besoin en urgence c’est d’une politique industrielle forte qui fasse front face à la recherche du profit maximum des actionnaires qui entraînent délocalisation et destruction des sites, qui permette aux territoires du pays de se développer et de les irriguer en emploi.
Les cadeaux aux actionnaires se multiplient et le gouvernement promet une nouvelle loi travail qui précarisera encore plus les salariés face à la violence patronale, il est pourtant urgent d’en finir avec ces vieilles recettes libérales qui ont amené l’industrie française au bord du gouffre depuis plus de 30 ans.
Pour que la nouvelle industrialisation réponde à ces problématiques, il est indispensable de desserrer le carcan des coûts du capital qui asphyxient la gestion des entreprises. D’abaisser les coûts du capital par des mesures fiscales (modulation de l’impôt sur les sociétés plus lourd pour les dividendes, taxation des actifs financiers des entreprises), par la modulation des cotisations sociales de type bonus/malus, par la suppression des exonérations de cotisations sociales remplacées par l’instauration de mécanismes de crédit sélectif, par la relance des services publics.
C’est un nouveau paradigme industriel qu’il faut construire. Un modèle dans lequel la croissance des activités productives peut ne pas être synonyme d’épuisement des ressources naturelles et des écosystèmes. Dont la production utile n’est pas le productivisme d’hier et qui doivent amener de nouveaux modes de consommations.
L’industrie automobile en a besoin urgemment afin de répondre aux grands défis qui l’attendent comme la transition totale vers la production de véhicule électrique d’ici 25 ans annoncé par le ministre Hulot.
Son développement ne pourra se faire qu’en permettant aux travailleurs de reprendre la main sur les décisions dans l’entreprise afin que cette dernière devienne une communauté humaine créatrice de richesses afin de répondre aux besoins de tous et non plus à la volonté d’enrichissement maximale d’une minorité.