Un collectif d’association alerte dans son rapport annuel sur les absurdités des enfermements de migrants en France souvent dans la négation absolue de leurs droits.
Le rapport 2018 sur les centres et locaux de rétention administrative a été publié le 4 juin. Ce travail est réalisé par une coopération des associations intervenants dans ces lieux, ASSFAM Groupe SOS Solidarités, Forum réfugiés-Cosi, France terre d’asile, La Cimade, Ordre de Malte France et Solidarité Mayotte. Les centres et lieux de rétention administrative (CRA ou LRA) sont les lieux où sont détenus les migrants en attente de leur expulsion ou leur libération. La stratégie de stigmatisation des migrants par le gouvernement a conduit a systématisé l’enfermement des migrants en attente de leurs expulsions éventuelles.
Des enfermements systématisés y compris pour les enfants
La loi asile immigration votée l’année dernière et entrée en vigueur au premier janvier allonge la durée maximale de rétention de 45 à 90 jours. Ce qui avait conduit le défenseur des droits à dénoncer dans son avis :
“Par ailleurs, le Défenseur des droits constate que la même logique répressive tend à légitimer un renforcement inédit des moyens coercitifs mis au service de la lutte contre l’immigration irrégulière et de l’éloignement du territoire français.”
Le rapport dénonce le caractère systématique de ces placements en rétention notamment au mépris des droits des migrants à faire valoir leur droit à l’asile. Les associations dénoncent également l’enfermement de personnes malades.
Ces enfermements se font bien souvent au détriment de toute considération humanitaire, des familles entières, enfants compris étant ainsi détenus au mépris de leurs droits les plus élémentaires. Plus de 200 enfants ont ainsi été détenus en métropole, pour le contrôleur général des lieux de privations de liberté dénonçait dans un avis en 2018 que :
“L’enfermement des enfants est devenu pour quelques préfectures une pratique destinée à faciliter l’organisation de la reconduite.”
Et concluait :
” le CGLPL recommande que l’enfermement d’enfants soit interdit dans les CRA et a fortiori dans les LRA, seule la mesure d’assignation à résidence pouvant être mise en œuvre à l’égard des familles accompagnées d’enfants.”
Sans effet sur le gouvernement et les préfectures qui ont continué à procéder à l’enfermement de famille entière pourtant rarement en capacité d’entamer une cavale…
En 2018, ce sont 45 000 migrants qui ont été détenus dans les centres de rétention administrative.
Mayotte, l’enclave coloniale à la gestion déshumanisante
Un grand nombre de ces enfermements est là à la situation de Mayotte. Pour ce seul département, compte pour 16 496 personnes enfermées, généralement immédiatement expulsées sans pouvoir faire valoir leur droit. Parmi elles, 1 221 enfants contre 208 en métropole. Ces chiffres illustrent l’ampleur de l’absurdité de la gestion coloniale de l’île.
La situation sur l’île est tellement chaotique que les associations avouent être incapables de tirer des statistiques précises sur les personnes enfermées là-bas. Le rapport note toutefois qu’un conflit entre les autorités comoriennes et françaises sur les expulsions a probablement abouti à des chiffres inférieurs à ce que la politique menée aurait pu conduire. Le gouvernement comorien a ainsi refusé d’accueillir les expulsés pendant 7 mois, les autorités françaises continuant d’enfermer des migrants pendant ce temps. La durée moyenne d’enfermement y est habituellement de 17 h, un délai qui rend quasiment impossible tout recours, d’autant qu’un régime dérogatoire en outre-mer permet l’expulsion sans décision judiciaire.
La situation absurde des “dublinés”
Sous les demandes des gouvernements, les préfectures avaient pris l’habitude d’enfermer les migrants dits “dublinés” dans l’attente de leur transfert. Les “dublinés” sont les migrants ayant une demande d’asile dans un autre pays de l’espace Schengen. Obligé de déposer une demande d’asile dans leur pays d’arrivée, ils se retrouvent ainsi les otages des politiques différentes pratiquées en la matière par les différents états membre. Ces enfermements avaient été déclarés illégaux par la Cour de cassation en 2017. Une nouvelle loi les a donc légalisés en mars 2018.
Les dublinés représentent 14 % des migrants passés par les CRA, certains sans même que les autorités soient capables de savoir vers quel pays ces derniers devraient être transférés. Le rapport souligne que les nationalités les plus enfermées sous ce régime sont celles de pays vers lesquels l’expulsion ne devrait pas être possible. Les Afghans et les Soudanais occupent ainsi les premières marches du podium. Un moyen pour les autorités françaises de s’en débarrasser sans avoir à assumer le renvoi de ces demandeurs d’asile vers des zones dangereuses.
L’enfermement des migrants est une honte et pourtant le phénomène ne régresse pas. La situation est d’autant plus absurde que moins de la moitié de ces enfermements débouche sur une mesure d’éloignement. Les libérations sur décisions judiciaires (39 % des cas) , préfectorales (11 %) ou à échéance du délai (5,5 %) sont les issues les plus fréquentes d’une rétention…