De résistance à résistance armée
Si les premiers actes de résistance communiste sont bien antérieurs aux dates « officielles » et à la rupture du pacte germano-soviétique, la constitution des groupes armés de résistance, eux, interviennent dans la foulée de l’invasion de l’armée nazie en URSS. Ainsi dès le 22 juin 1941 – date de l’invasion de l’URSS – et sur ordre de l’Internationale communiste, la direction clandestine du PCF – représentée par Jacques Duclos, entouré de Charles Tillon et Benoît Frachon – décide de s’engager dans la lutte armée contre l’occupant allemand en France.
Mais soyons clair, la résistance communiste existe déjà et ce dès l’été 1940. N’oublions jamais l’appel de ce même Charles Tillon – dirigeant PCF, ancien député avant-guerre – à Gradignan le 17 juin 1940 pour appeler le peuple français à la résistance, et par conséquent les communistes ! Un discours qui appelle le peuple à refuser l’occupation :
« le peuple français ne veut pas de l’esclavage, de la misère, du fascisme, pas plus qu’il n’a voulu de la guerre des capitalistes. Il est le nombre. Uni, il sera la force […] Peuple des usines, des champs, des magasins et des bureaux, commerçants, artisans et intellectuels, soldats, marins, aviateurs encore sous les armes, unissez-vous dans l’action »
Quels changements pour la Résistance ?
À partir du printemps 1942, le PCF décide de structurer et de donner des moyens réels à une résistance armée. Combattre l’ennemi au plus près, lutter contre l’occupant, vaincre le nazisme et libérer la France !
Ainsi dès le printemps 1942, l’organisation des Francs-Tireurs et Partisans Français (FTPF), ou plus couramment appelé les Francs-tireurs et partisans (FTP), est lancée. Les groupes sont encadrés par des anciens membres des brigades internationales, et principalement composés des Jeunesses Communistes (JC) et de la Main d’Oeuvre Immigrée (MOI). Chaque entité avait ses propres actions de résistance, mais pas toujours armées, et encore moins aussi structurées que le seront les FTP et FTP-MOI.
Albert Ouzoulias, responsable politique des Bataillons de la Jeunesse – structure de résistance de la Jeunesse Communiste créée en août 1941 – rejoindra les FTP à la suite du démantèlement de leur groupe. Lui, et les jeunes qui auront survécu à la traque des Brigades Spéciales de la Préfecture de Police de Paris – police spécialisée dans la traque aux « ennemis intérieurs», principalement communistes, prisonniers évadés, et réfractaires au STO – intègreront les groupes FTP.
Et si la part des jeunes dans la résistance, et notamment dans les FTP, est assez conséquente, mais pas assez reconnue à part entière, la place des femmes, elle, est encore bien loin de la réalité. Il n’y a pas de chiffre à donner, mais il est évident que la résistance des femmes, via les différents groupes de résistance, mais notamment via les FTP et FTP-MOI a été occultée, diminuée, minimisée.
L’action des FTP est coordonnée par un Comité Militaire National (CMN), mis en place dès octobre 1941 et dirigé par Charles Tillon, responsable de la résistance armée pour la direction du PCF. L’organisation des FTP s’étend, et on se structure sur tout le territoire français, mais ils seront majoritairement implantés en Ile-de-France, dans le Nord Pas de Calais, en Savoie, à Lyon, dans le Limousin ou encore dans le Massif Central.
Les FTP ont un journal central – France D’abord, et qui a pour sous-titre « Chassé l’envahisseur ». Le journal sera édité à Paris comme en zone sud. Au total c’est 62 numéros clandestins de janvier 1942 à la libération qui verront le jour et permettront de faire connaître les actions des FTP.
Les FTP jusqu’au maquis !
Les FTP sont bien plus que des groupes armés positionnés dans les villes. Les FTP ne se structurent pas seulement en groupe « boule de mercure » – technique de Charles Tillon qui revient à créer des groupes d’une quinzaine de personnes, mais toujours mobiles et ainsi insaisissables – on les trouve aussi en maquis et ce dès le début de l’année 1943. Comme tous les autres maquis, ce sont majoritairement des jeunes qui ont refusé le travail forcé en Allemagne (STO) et qui sont donc obligés de rentrer en clandestinité. L’un des premiers maquis FTP est celui de Colonel Fabien, dirigeant jeune communiste et auteur du premier attentat contre un militaire allemand le 21 août 1941, à la station Barbès – Rochechouart, à Paris.
Les maquis sont des lieux de formation très important pour les recrues. Dans le maquis Vauban, dans le Morvan, c’est près de 250 prisonniers de guerre soviétiques et polonais qui se sont évadés, mais aussi plus d’un millier de combattant.es, qui ont été formé.es par les combattant.es FTPF venu.es du Pas-de-Calais et les FTP-MOI venu.es de Toulouse.
En 1943, lorsque le Front National de Libération, mouvement de masse créé par le PCF (à ne pas confondre avec le Front National, parti fasciste de nos jours), est suffisamment développé, les FTP deviennent officiellement le bras armé du Front national.
Les FTP et la fusion FFI
Le 29 décembre 1943, la fusion – théorique avant tout – des FTP et de l’Armée secrète est conclue. Naît ainsi les FFI – Force Française de l’Intérieur – dont le Général Koenig est nommé chef. La date d’intégration est beaucoup plus tardive que la date théorique, et dans certaines régions, elle ne se produira jamais.
À Paris, les conditions sont plus favorables à une réelle intégration, peut-être parce que c’est le lieu où siège le COMAC – appellation usuelle du Comité d’action militaire, organe créé par le Comité central des mouvements de Résistance, le 1er février 1944, pour diriger les Forces françaises de l’intérieur (FFI) – permettent une négociation directe entre le représentant communiste et le délégué militaire national. C’est un FTP, Henri Rol-Tanguy, qui est nommé en juin 1944 chef des FFI de la région parisienne. Lors de la Libération de Paris, les FTP sont ainsi parfaitement intégrés aux FFI, et ce sont eux qui libèrent le reste de l’Ile-de-France, les villes autour de Paris, et notamment le Mont-Valérien (Haut-lieu de la répression nazie).
Les FTP-MOI et le groupe Manouchian
La FTP-MOI est créée dès la mise en place des FTP. La MOI, main-d’œuvre immigrée, existait déjà dès 1920. Les communistes étrangers vivant en France étaient ainsi intégrés à la IIIème Internationale communiste sans dépendre directement de la section française, c’est-à-dire du PCF. Le lien entre les deux structures existaient mais les FTP-MOI sont directement rattachés à Jacques Duclos.
Arméniens, italiens, espagnols, polonais, hongrois, roumains… nombreuses sont les nationalités présentes dans la MOI, et la plupart sont aussi juifs. Juifs, étrangers, et communistes, ces résistant.es cumulaient tout ce que le nazisme exécrait, et donc tout ce que le nazisme traquait, massacrait, déportait. Malgré les lois de Vichy, la traque allemande… ils n’ont eu de cesse de lutter pour la liberté de la France, de défendre ses couleurs.
« Vous avez hérité la nationalité française, nous l’avons méritée » avait écrit Missak Manouchian en réponse à ses détracteurs
Les MOI était aussi dans les maquis, et ces derniers ont joué des rôles de première importance en zone sud, notamment pour la libération des villes de Lyon, de Toulouse et de Marseille. Les actions des FTP-MOI étaient remarquées.
La plus retentissante est l’assassinat du Général SS Ritter, responsable du Service du Travail Obligatoire (STO), survenu le 28 septembre 1943. La répression de la résistance, notamment MOI, s’accélère…
En novembre 1943, la police de Vichy capture Manouchian et Epstein, et par la suite 22 autres membres du groupe Manouchian. Ils seront toute et tous torturé.es. Parmi les 23 membres du plus célèbre groupe FTP-MOI, une femme : Olga Bancic. Elle sera elle-aussi torturée, mais pas fusillée. Les raisons sont multiples : fusiller une femme serait lui reconnaître un statut de combattante, il ne faut pas qu’elle devienne un exemple pour les autres femmes, mais aussi il ne faut pas choquer l’opinion publique, alors on emmène discrètement la résistante pour la décapiter en Allemagne en mai 1944. Tous ses camarades seront fusillés au Mont-Valérien le 21 février 1944. Les autorités allemandes décident de faire une propagande de peur autour de ces « terroristes ». La fameuse « affiche rouge » est placardée à plus de 15.000 exemplaires. Espérant faire peur aux français.es, espérant faire de ces résistants (Olga Bancic est écartée de la propagande) des terroristes aux yeux de la population, c’est finalement tout le contraire qui sera provoqué. Le Groupe Manouchian restera, et reste encore aujourd’hui, un symbole de la résistance étrangère en France, de la résistance française.
« Nous ne sommes pas des héros. Il ne faut pas croire que nous n’avions pas peur. Nous avons résisté parce que nous en avions la possibilité : pas de famille, pas de travail. Et parce que nous aimions la France. Elle nous avait adopté. Mais il faut imaginer dans quel état nous étions. Pour ma part, je ne mangeais pas. Je n’arrivais pas à avaler, j’avais comme une boule dans la gorge. Je ne dormais pas non plus et si, par épuisement, je finissais par sombrer, je ne faisais que des cauchemars. A la fin de la guerre, je faisais quarante kilos. »
Arsène Tchakarian, un des 3 rescapé.es du groupe Manouchian.