“Nous sommes des centaines d’étudiants et d’étudiantes d’Île de France comme les autres. Nous sommes inscrit-e-s à l’université, nous suivons des cours, participons aux examens. Pourtant, parce que nous ne possédons pas de titre de séjour en règle, nous ne pouvons pas réaliser des stages nécessaires à la validation de nos diplômes.
Nous avons des difficultés pour nous loger et travailler. Nous avons toujours peur de révéler notre situation et qu’un simple contrôle dans les transports nous entraîne dans un Centre de Rétention Administratif (CRA) et nous place sous la menace d’une expulsion. Chaque année en France, des centaines d’étudiant-e-s sans papiers sont ainsi enfermé-e-s dans des CRA et plusieurs dizaines sont expulsé-e-s.
Il faut en finir avec ces conditions de vie et d’étude indignes. Nous ne demandons pas un privilège, nous réclamons un droit, celui d’être traité-e-s comme tou-te-s les autres étudiant-e-s, de bénéficier des mêmes droits afin de pouvoir étudier dans les mêmes conditions.”
Ces quelques lignes en introduction de l’appel des étudiant-e-s sans-papiers résument assez bien les raisons pour lesquelles l’appel à la solidarité de ce mercredi était nécessaire et s’est très bien diffusé. Ce sont près de 200 personnes qui se sont réunies ce matin place de l’Abbé-Basset aux abords du Ministère de l’enseignement supérieur et la recherche afin de porter aux côtés des étudiantes et étudiants sans papiers, leurs revendications.
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Une situation qui s’empire de jour en jour
C’était le quatrième rassemblement en deux mois pour alerter sur la situation et exiger des réponses immédiates. A cette occasion les slogans et pancartes ne manquaient pas d’humour et de piquant pour interpeller les pouvoirs publics et plus largement l’opinion. “ La France, si elle me quitte pas j’la quitte pas” pouvait on lire en référence au rappeur JUL, ou encore “ Il n’y a presque plus d’arbres sur terre et on nous demande encore des papiers” . Sur un ton plus grave on pouvait également lire “ Travail au noir, Mariage au Blanc, sans papiers en attendant” ou ”Vous qui faites les lois, vous faites des sans-droits”.
Le Réseau Université Sans Frontières à l’origine de ces rassemblements alerte sur une situation inhumaine vécue par les migrants :
“Depuis septembre, partout en Ile de France, les préfectures se refusent à recevoir les dossiers de demande de régularisation, tout dépôt est jusqu’à ce jour impossible. Cela est l’aboutissement d’une dégradation terrible des conditions d’accueil des étudiant-e-s étranger-e-s depuis 10 ans. Alors que des dépôts collectifs (qui offrent le plus de chance aux étudiant-e-s notamment isolé-e-s) étaient encore acceptés, les étudiant-e-s de L1, L2 et L3 étaient également autorisés à déposer des dossiers. Ce n’est plus le cas depuis novembre 2015.
Aujourd’hui, nous appelons les présidences des universités à soutenir les étudiantes et étudiants inscrit-e-s dans leur établissement et souhaitant déposer une demande de titre de séjour.
Nous demandons aux préfectures d’autoriser n’importe quel-le étudiant-e à déposer une demande de titre de séjour dans le département où il/elle étudie, un groupe d’étudiant-e-s à déposer s’ils le souhaitent une demande collective, et surtout qu’elles s’engagent à ne jamais délivrer d’Obligation à Quitter le Territoire Français (OQTF) en cas de refus.
Nous demandons aux autorités d’en finir avec la traque aux « sans-papiers » qui n’est rien d’autre qu’une chasse aux migrant-e-s et dont sont également victimes les étudiant-e-s. Nous exigeons qu’aucun-e étudiant-e ne puisse être placé-e en CRA ou menacé-e d’expulsion.”
Des galères quotidiennes qui empêchent d’étudier
Parmi les étudiant-e-s présents, Hacene est de celles et ceux qui mènent la lutte sans relâche. Depuis qu’il a croisé le chemin du Réseau université sans frontières pour l’aider dans ses démarches, Hacène est devenu un militant très actif sur le sujet.
Il ne rate pas l’occasion de témoigner auprès des médias ou des gens qu’il croise pour témoigner des galères quotidiennes que lui imposent son statut de sans-papier. Etudiant en master 1, spécialisé en étude littéraire juive-hébraïque, son cursus ressemble au parcours du combattant.
“ Pour chacune des démarches que je dois entreprendre pour mes études il me faut bien souvent une pièce d’identité ou un titre de séjour…Sans ces documents je suis bloqué. Je suis actuellement en master et j’aimerais préparer une thèse mais par exemple je ne peux pas accéder à certains documents ou archives alors que c’est les sources sur lesquelles je dois travailler”.
Hacene est étudiant à Paris 8 et est acharné dans la poursuite de ses études, pour lui c’est insupportable de se voir refuser le droit d’étudier, d’apprendre en France :“Nous ne sommes pas des migrants économiques, nous venons ici pour faire de la recherche, étudier et nos études seront aussi utiles pour la France !” ce qui ne l’empêche pas d’être solidaires avec d’autres migrants comme ceux actuellement installés dans l’amphi occupé de l’université de Saint Denis.
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Quelques heures après le rassemblement nous avons de nouveau échanger avec Hacene qui sortait d’un rendez vous avec ses camarades avec la présidence de l’université. En partie satisfait il nous annonce la création d’un nouveau guichet d’accueil dédié aux étudiants sans-papiers à Paris 8 obtenu grâce à la mobilisation. Il nous affirme que la direction prétend faire de son mieux mais est bien conscient que concernant la préfecture de police de Paris les choses ont changées depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement.
“Non seulement nous ne pouvons plus déposer de dossiers mais en plus les régularisations sont devenues quasiment impossibles. C’est encore pire qu’avant ou par exemple en cas de dossier incomplet, une OQTF peut être directement délivré à l’encontre d’un étudiant Sans-papiers”.
Un espoir qui vit grâce aux solidarités
Fatigué de son début de journée Hacene n’oublie pas l’élan de solidarité apporté par les étudiant-e-s de la Sorbonne qui ont ouverts les fenêtres au passage du cortège et pour certain-e-s les ont même rejoint. Il n’oublie pas non plus l’attitude ignoble de la direction de la Fac de Droit qui a forcé les étudiant-e-s à fermer les fenêtres et à verrouiller les issues de l’universités à leur passage.
Comme regonflé chaque jour par la solidarité qu’il pratique et reçoit au quotidien par celles et ceux qui se battent à ses côtés, il n’oublie pas de remercier les militant-e-s du RUSF bien sûr mais aussi d’autres militant-e-s d’organisations de jeunesse progressistes qui se sont battues pour qu’après que la Police ait décidé d’encercler la manifestation, aucun contrôle d’identité n’ait lieu et que chacune et chacun puisse rentrer sans connaître le pire.
Pour Hacene et ses camarades, la bataille continue et les soutiens se multiplient. En témoigne le soutien apporté par les personnels, enseignants, chercheurs, administratifs travaillant dans les universités publié hier sur le site Mediapart, ou encore la mobilisation de plusieurs élu-e-s ou personnalités.
Les mobilisations devraient se poursuivre tant les conditions sont invivables pour ces étudiants. Au cœur d’une semaine décisive qui a connu la mobilisation des personnels des EHPAD, et qui verra demain une première date marquante de mobilisation contre la sélection, nul doute que les mobilisations peuvent trouver des perspectives communes pour qu’à l’image d’Hacene et de ses camarades le plus de jeunes possibles se mobilisent pour faire reculer ce gouvernement et gagner dès maintenant de nouveaux droits.