En pleine pandémie de COVID dans la jeune Amérique, l’arrivée du nouveau président démocrate au pouvoir, après quatre ans d’une mandature ultra conservatrice de Donald Trump, ne pouvait évidemment qu’apparaître comme une nouvelle tout à fait satisfaisante pour une partie de l’opinion publique occidentale acquise au libéralisme et qui s’attendait alors à voir les Etats-Unis reprendre une politique de libre-échange forte en se réaffirmant comme une puissance économique internationale.
Mais après les cent premiers jours, qu’en est-il réellement ? Dans les faits Joe Biden est nettement moins conservateur que Donald Trump, mais plus qu’un léger revirement pour maintenir le cap de ces quarante dernières années aux Etats-Unis, celui-ci a mis un coup de barre vers une sorte de social-démocratie aussi surprenante qu’imprévue d’autant qu’elle semblait impossible au vu des discussions durant les primaires démocrates entre Joe Biden, clairement plus libéral, et Bernie Sanders, nettement plus social-démocrate.
Joe Biden n’est pas le nouveau Hugo Chavez, loin de là, mais ces derniers mois, la politique économique qu’il a su mener, se rapproche d’une logique particulièrement keynésienne de l’économie avec une implication forte de l’état américain au sein de l’économie du pays à travers le grand plan de relance qu’il a tenté de mettre en place durant les cent premiers jours de sa mandature.
Une politique économique plus proche des classes moyennes
L’administration Biden ces dernières semaines s’est particulièrement rapprochée de ce courant qui semble prendre de plus en plus d’importance au sein du camp démocrate autour notamment de figures comme Alexandria Ocasio-Cortez ou encore, comme cité précédemment, Bernie Sanders.
Mais quelles sont donc ces propositions ? Au travers de son plan de relance de 1900 milliards de dollars, la présidence des Etats-Unis a notamment tenté de faire passer une hausse du salaire minimum sur le territoire américain, l’investissement dans la lutte contre le réchauffement climatique ou contre les inégalités, la mise à contribution des couches supérieures comme rarement dans l’histoire américaine ainsi que la lutte face à l’optimisation fiscale.
Plus surprenant encore Joe Biden est parti en croisade contre les GAFAM, ce conglomérat de grandes entreprises possédant la plupart des réseaux sociaux internationaux et brassant un capital toujours plus important, parfois plus que le PIB de certains pays.
Au centre de cette croisade, la volonté de limiter le pouvoir de ces multinationales sur la toile.
Si évidemment Joe Biden s’attire la sympathie du camp démocrate, la vieille Amérique conservatrice, elle, n’est pas vraiment aux anges, mais peut-on véritablement les blâmer de fustiger un plan qui essaye de rattraper deux ans d’une pandémie ayant fait près d’un demi million de victimes sous la présidence des dits conservateurs ?
Une politique plus sociale, mais largement insuffisante
Si l’administration Biden a bien fait virer sa politique à gauche avec cette tentative de sortir des méandres d’une économie américaine touchée par la pandémie du COVID-19, son plan de relance n’est néanmoins pas parfait. C’est bien l’électorat des classes moyennes américaines qui est visé dans la taxation des fortunes les plus riches, les classes populaires qui en bénéficient indirectement ne sont encore une fois pas les principaux destinataires de ces politiques.
C’est important de souligner cette particularité, la situation semble similaire notamment à celle de Franklin Delano Roosevelt, président des Etats-Unis de 1933 à 1945, et sa politique du « New Deal » que les médias américains ne cessent de rapprocher de celle de Joe Biden d’ailleurs, une politique qui avait relancé l’économie dans un contexte néanmoins relativement différent. En ce sens, considérons que Joe Biden ne pourrait être sur le fond keynésien, voire social-démocrate pour les plus optimistes, que parce qu’il s’agit d’un état de besoin et qu’il est dans l’obligation d’y répondre directement pour rompre définitivement avec les vices de l’administration Trump.
Mais alors pourquoi dire que Joe Biden n’est keynésien qu’en réponse à un besoin ? S’il déploie en effet des sommes colossales pour une relance qui bénéficie concrètement aux classes moyennes, il ne faut y voir aucune rupture ou volonté de rupture avec le système capitaliste. En cela que sa politique ne s’attaque pas directement aux acteurs du capital.
Oui, Joe Biden s’en prend aux plus grosses fortunes mais il ne s’attaque pas aux dividendes qui les nourrissent, ni à une distribution inégale des richesses, aucune mesure n’est non plus prise pour que l’économie privée se mette directement au service de la population, c’est bien l’état qui fera l’effort et qui paiera là où les entreprises devraient être mises à contribution. Oui, Joe Biden s’en prend aussi aux géants du numérique économiquement en voulant les empêcher d’avoir un contrôle important mais dans un monde où ces entreprises possèdent déjà la majorité des sites les plus importants, il ne s’en prend pas fondamentalement à leur capital, il tente simplement de limiter leur expansion sans avoir de certitudes de pouvoir y parvenir.
En ce sens, si la politique économique de Joe Biden tranche clairement avec celle de Donald Trump, si elle avance vers « un mieux », elle semble tout de même particulièrement insuffisante encore pour répondre aux inégalités profondes au sein des Etats-Unis, pour répondre efficacement à la crise du COVID-19 sans que les prochaines générations américaines n’aient à payer la crise sanitaire doublée d’une possible inflation mondiale liée à celle-ci.