Entretien avec A. Chassaigne : “Je considère d’abord comme prioritaire de battre Marine Le Pen”

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Entretien avec A. Chassaigne : “Je considère d’abord comme prioritaire de battre Marine Le Pen”

Député communiste, Président du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR) à l’Assemblée Nationale et figure de l’opposition à la loi Travail, André Chassaigne a accepté de répondre à nos questions.

Avant-Garde : Suite aux résultats du premier tour, les électeurs se retrouvent dos au mur entre d’un côté le candidat de la finance, de l’autre celui de l’extrême droite. Quel est ton ressenti en tant que député communiste ?

André Chassaigne : Tout d’abord, j’éprouve une grande satisfaction suite au résultat de Jean-Luc Mélenchon. C’est certes l’expression d’un vote diversifié mais qui traduit quelque chose d’extrêmement fort.

C’est une dynamique qu’on a vu grandir, notamment dans la jeunesse. Ce n’est pas forcément une prise de conscience très argumentée sur des propositions de transformation sociale, mais c’est le rejet très net d’un projet de société ultra-libéral.

C’est mon premier ressenti. C’est quelque chose de fort qui nécessite de construire, de réfléchir. C’est toutefois un socle sur lequel il faut s’appuyer pour avancer.

Le deuxième point, c’est cet immense échec. C’est un échec historique, malgré le bon résultat de Mélenchon.

On a au second tour un candidat mis en place par tout ce que notre pays peut compter de forces libérales, de groupes financiers. Pour amplifier la politique de dérive libérale du gouvernement précédent.

On a au second tour un candidat mis en place par tout ce que notre pays peut compter de forces libérales, de groupes financiers. Pour amplifier la politique de dérive libérale du gouvernement précédent.

Il a la mission de casser notre socle social, de briser nos conquêtes pour mettre en place un système ultra libéral, à l’américaine comme j’aime bien dire.

C’est donc une victoire du social-libéralisme et du libéralisme le plus dur chez nous.

L’élimination de la gauche est d’une extrême gravité. Les combats s’annoncent déterminants et pour les mener il faudra également des élus progressistes à tous les niveaux.

Notamment à l’Assemblée Nationale. Cependant ces derniers ne pourront mener une lutte victorieuse qu’avec un mouvement social extrêmement mobilisé.

A-G : Un avis sur le second tour ?

A.C : L’arrivée de Marine Le Pen au second tour est l’expression de ce qu’il y a pire en terme d’idéologie.

Je ne suis pas le seul, mais j’ai mené toute ma vie le combat contre le fascisme. J’ai commencé ce combat chez les jeunes communistes, il y a 50 ans. J’ai adhéré à la JC en 1967, le souvenir que j’en ai c’est que la peste brune était le combat prioritaire.

Ne banalisons pas ce que représente l’arrivée de Marine Le Pen à la tête de la République, ça lui conférerait des pouvoirs très importants.

Ce n’est pas pour rien que nous réclamons une constituante pour changer cette fonction présidentielle ! La fonction présidentielle en France, est un des plus puissante au monde. Le président a la main sur l’armée et la diplomatie avec des vrais risques de conflits surtout quand on voit déjà les fous furieux à la tête de certains pays.

Ne banalisons pas ce que représente l’arrivée de Marine Le Pen à la tête de la République, ça lui conférerait des pouvoirs très importants. Ce n’est pas pour rien que nous réclamons une constituante pour changer cette fonction présidentielle !

Sa politique consistera à diviser les uns et les autres. Opposer celui qui a du travail à celui qui n’en a pas. Opposer celui qui serait bien né à celui que ne le serait pas. Opposer celui qui a fait des études à celui qui n’en a pas fait.

C’est une société de division qu’elle veut créer. Ce n’est pas la France. La France c’est les bras ouverts. C’est des gens de toute origine, le faire ensemble, les associations où tout le monde se retrouve, l’éducation populaire.

C’est pour ça que je considère d’abord comme prioritaire de battre Marine Le Pen. Laisser faire c’est la banaliser et ce n’est pas en mesurer les conséquences. Qu’elle soit élue ou pas, un résultat fort serait la concrétisation de sa stratégie de banalisation, et on ne peut pas l’accepter.

Le vote Macron, c’est prendre un bulletin, le mettre dans l’urne, tout en sachant qu’il faudra se battre contre son programme libéral.

Le vote Macron, c’est prendre un bulletin, le mettre dans l’urne, tout en sachant qu’il faudra se battre contre son programme libéral.

A-G : Le parlement aura un rôle décisif dans les années qui viennent. Notamment l’assemblée nationale qui doit être renouvelée en juin prochain. Peux-tu nous parler des législatives ?

A.C : Je mesure la force qu’on aurait eu si lors de ce mandat, on avait eu un groupe de député du front de gauche plus important que l’on était.

Déjà à 10 on a réussi à être extrêmement présents à combattre pied à pied les lois de régression. On a fait notre travail avec l’énergie nécessaire, mais il nous a manqué le nombre.

Le plus intéressant c’est que le mouvement social nous a musclé, notamment avec la loi Macron et la loi Travail. La force de ce mouvement social nous a renforcé.

Le nombre nous a toutefois manqué pour faire basculer les choses. Plus nombreux, une motion de censure de gauche aurait pu être votée. La loi travail enterrée et le gouvernement renversé.

Nous avons fait un important travail à 10, imaginons ce qu’on aurait pu faire à 30 ou même 40 si les élections avaient été à la proportionnelle.

Nous avons fait un important travail à 10, imaginons ce qu’on aurait pu faire à 30 ou même 40 si les élections avaient été à la proportionnelle. Les renonciations de Hollande n’auraient pu aboutir aux lois de régressions sociales.

L’objectif en juin prochain est donc d’être le plus nombreux possible et d’avoir un groupe parlementaire. Il est important de mesurer ce que représente un groupe dans le fonctionnement de l’assemblée.

C’est l’outil qui permet de poser des questions au gouvernement et assure la visibilité des députés. C’est l’outil qui permet d’intervenir sur les projets de lois, ce qui offre la possibilité de les décortiquer et de poser des perspectives politiques.

C’est l’outil qui permet chaque année de mettre en place une commission parlementaire pour enquêter sur un point précis. C’est l’outil qui assure la présence des députés dans les groupes d’études, dans les groupes d’amitié.

C’est l’outil pour faire des rapports parlementaires. Sans groupe parlementaire, les députés sont démunis. La question de pouvoir former un groupe est extrêmement importante.

A-G : En résumé, le premier mai dans la rue, le 7 mai dans les urnes et ensuite aux législatives, c’est un appel à un triple coup de force populaire ?

A.C : (rire) C’est pas mal. J’ai beaucoup apprécié ce triple coup de force, qui a fait de moi un chanteur reconnu, apprécié et sortant de la simple chanson française, avec une note beaucoup plus moderne.

Sinon, c’est tout à fait ça. Le triple coup de force c’est aussi ce que nous font les autres.

Le premier coup de force, c’était le premier tour de l’élection présidentielle où la gauche est éliminée dès le premier tour.

On a désormais à choisir entre bonnet blanc et brun bonnet. Et c’est terrible.

Le deuxième coup de force, c’est le second tour de l’élection présidentielle. On a désormais à choisir entre bonnet blanc et brun bonnet. Et c’est terrible.

Le troisième coup de force risque d’être aux élections législatives, où la future assemblée risque d’être dominée par les conservateurs et les artisans de la régression sociale.

Face à ce triple coup de force, il faut qu’on oppose notre force à nous. Par les urnes mais aussi par le mouvement social. Le 1er mai marque l’histoire sociale du monde. C’est un rassemblement mais aussi un symbole.

Le 1er mai sera donc extrêmement important. Il doit être avant tout contre l’extrême droite mais il doit aussi porter toutes les luttes que nous aurons à mener contre les politiques libérales. C’est très important.

A-G : Le 1er mai va sonner le début du nouveau quinquennat ?

A.C : Quoiqu’il en soit il y aura à l’Assemblée Nationale une force de l’extrême droite qui pèsera sur la politique, qui la tirera vers le bas, qui rétrécira l’intelligence politique. Puis il y aura des sociaux-libéraux jusqu’à la droite, un camp très fort qui voudra casser nos droits. Les députés progressistes ne pourront rien faire sans un fort mouvement social.

C’est d’ailleurs la force des élus communistes, d’être au plus près des luttes, des travailleurs, des territoires, des problèmes du quotidien. On accompagne, on relaie les luttes et en même temps nous sommes les portes voix au niveau de l’assemblée nationale pour essayer d’obtenir un débouché politique aux luttes qui sont menées.

J’emploie très souvent une expression. Nous les communistes faut qu’on joue notre basket. Nous les communistes faut qu’on joue notre jeu. Notre jeu c’est cette articulation entre la politique et les travailleurs, c’est cette articulation qui fait notre richesse.


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