Coup d’État au Niger : la France au cœur des instabilités

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Coup d’État au Niger : la France au cœur des instabilités

Le gouvernement nigérien de Mohamed Bazoum a été renversé par l’armée ce mercredi 26 juillet, précédant l’instauration au pouvoir d’une junte militaire : le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, dirigé par le général Abdourahamane Tchiani.

La France, ancien pays colonisateur du Niger, est directement accablée par les putschistes et par une partie non négligeable de la population nigérienne, poussant le pays à évacuer près de 600 de ses 1200 ressortissants sur place.

Le coup d’État du 26 juillet

Au cours de la journée du 26 juillet 2023, un groupe de soldats séditieux de la garde présidentielle nigérienne a séquestré le président Mohamed Bazoum, élu en 2021, au sein du palais présidentiel.

Un autre groupe de soldats annonça plus tard, dans la soirée, la destitution de ce dernier, ainsi que la formation d’une junte militaire : le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, dirigé par le général Abdourahamane Tchiani.

La junte a aussitôt décrété la suspension des institutions nationales, la fermeture des frontières du pays ainsi que la mise en place d’un couvre-feu sur l’ensemble du territoire.

Le président Bazoum, accusé par les putschistes de « mauvaise gouvernance sécuritaire, économique et sociale » serait quant à lui toujours détenu dans sa maison à Niamey, la capitale.

Les putschistes ont accusé hier la France d’avoir « libéré des terroristes » ainsi que d’avoir violé la fermeture de l’espace aérien du pays, alors que des manifestants soutenant le coup d’État avaient tenté d’entrer par la force dans l’ambassade française à Niamey le dimanche 30 juillet.

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C’est face à l’insécurité qui plane au-dessus de ses ressortissants que Paris a choisi de rapatrier près de la moitié de ses citoyens sur place ces derniers jours. On trouve notamment, parmi les quelque 600 Français évacués, de nombreux employés de l’ambassade.

Il ne fait ainsi aucun doute que la France est l’un des principaux acteurs de l’instabilité qui frappe le Niger depuis plus de deux semaines.

La France au cœur de la crise

La France commença à contrôler une vaste partie du Niger moderne à partir des années 1890, mais constitua la colonie, intégrée au gouvernement de l’Afrique-Occidentale française, à partir de 1922.

Le Niger s’est émancipé de l’emprise coloniale en 1960, profitant de l’empêtrement français en Algérie. Mais l’Élysée, comme c’est le cas dans de nombreux pays décolonisés, impose toujours depuis sa domination économique sur le pays. Le Franc CFA, toujours en vigueur au Niger, est, pour cela, un outil de taille pour la puissance néocoloniale.

C’est la proximité de Mohamed Bazoum avec de nombreux pays occidentaux, et particulièrement la France, qui a nourri au fil du temps un fort ressentiment à son encontre et qui a justifié un important soutien de la population nigérienne en faveur de la junte.

Le président avait notamment approuvé le redéploiement de la force française Barkhane au Niger après que les soldats français aient été contraints de quitter le Mali il y a un an. Il avait également noué de nombreux accords commerciaux (singulièrement sur l’uranium) et migratoires avec Paris.

Le mouvement civil anti-français M62, qui s’est constitué après le redéploiement de Barkhane au Niger, est à l’origine de la manifestation du 30 juillet, durant laquelle des émeutiers ont tenté de pénétrer au sein de l’ambassade française. Le M62 a longtemps été réprimé, parfois violemment, sous la présidence de Mohamed Bazoum. Son leader, Abdoulaye Seydou, a été emprisonné pendant neuf mois pour « trouble à l’ordre public ».

La réaction aventuriste de Paris

Après la manifestation du 30 juillet, le gouvernement français a mis en garde la junte : « quiconque s’attaquerait aux ressortissants, à l’armée, aux diplomates et aux emprises françaises verrait la France répliquer de manière immédiate et intraitable ».

Après avoir réuni un conseil de défense et de sécurité nationale exceptionnel, Emmanuel Macron affirme qu’il « ne tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts ».

Ces menaces s’ajoutent à plusieurs sanctions économiques et ultimatums de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), soutenus par Paris. La CEDEAO n’exclut pas d’intervenir militairement face à la junte, tandis que 1500 soldats français sont toujours présents au Niger.

Mercredi, les putschistes ont accusé la France d’avoir libéré des djihadistes, et d’avoir violé la fermeture de son espace aérien.

Le Parti communiste français a réagi à l’instabilité grandissante au Niger. Un communiqué paru dimanche condamne le coup d’État et exige la libération du président Bazoum, tout en réclamant la levée immédiate des sanctions et en réprouvant l’éventuel soutien français à un quelconque projet belliqueux de la CEDEAO.

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Qui tire profit de l’instabilité ?

Avec la montée des tensions, il est avisé de craindre la potentielle montée de forces obscurantistes au Niger. Les nombreux groupes djihadistes déjà présents au Sahel comme l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), la branche locale d’al-Qaida ou encore Boko Haram pourraient bénéficier de l’éclatement de la CEDEAO, qui, tendrait à abréger la coopération militaire entre les différents États de la région.

Au-delà des organisations terroristes, c’est la fédération de Russie qui pourrait bénéficier de l’émergence d’un nouveau visage de la géopolitique subsaharienne. Au cours des multiples manifestations anti-françaises et favorables à la junte, de nombreux Nigériens ont arboré des drapeaux russes et certains ont clamé des slogans à la gloire de Moscou.

Une délégation de la junte militaire dirigée par le général Salifou Modi s’est rendue la semaine dernière à Bamako au Mali, où est présent le groupe Wagner.

Rappelons que de récents coups d’État au Mali (2021) et au Burkina Faso (2022), motivés par une volonté de rupture avec l’ancienne puissance coloniale française, ont déjà conduit les juntes militaires respectivement au pouvoir à se rapprocher de la Russie.

Pour ce qui est de la situation nigérienne, le Kremlin a de son côté appelé « à un rétablissement au plus vite de la légalité dans le pays, à la retenue de toutes les parties ».


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