Alors que le Capital attaque les droits des travailleurs de tous les côtés, il n’a jamais été aussi difficile de faire preuve d’unité. Les manifestations et les mouvements de protestations prennent des caractères parfois impressionnants, comme la mobilisation pour le climat d’il y a deux semaines, mais ont du mal à faire jonction entre elles et retombent comme elles sont montées.
Prenons l’exemple du si mal-nommé projet de loi pour une école de la confiance. La bourgeoisie, dans son appétit le plus mortifère est prête à détruire l’une de ses meilleures armes : l’Ecole. Derrière un projet de loi qui autorise tout guette surtout le spectre de la réforme du lycée, la hausse des frais d’inscriptions pour les étudiants étrangers – qui annonce une hausse généralisée –, et en bout de ligne, le détricotage du statut de fonctionnaire, fondé par les communistes. Ce qui devrait signifier que la mobilisation, qui a pris un bon départ (à Angers – considéré comme l’une des villes motrices de la lutte avec ces 65% de taux de grévistes – , il y a eu 270 personnes à l’AG de grève avec des membres de tous horizons, enseignants, personnels du primaire et du secondaires, usagers…), devra rapidement s’étendre à toutes les sphères des agents publics d’État.
Hormis des chiffres de grévistes plus qu’intéressants parmi le personnel de l’enseignement primaire (le Syndicat National Unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PGEC de la Fédération Syndicale Unitaire – SNUipp-FSU – qui parle d’un taux de gréviste de plus de 70% rien que dans l’académie de Paris), on ne va pas se mentir, la mobilisation n’a pas encore atteint son plein potentiel, notamment dans le secondaire. Nous n’avons pas vu énormément de lycées bloqués, alors que les intersyndicales se sont mis d’accord à ce propos.
Par ailleurs, dans une situation où la sélection œuvre parmi les futurs bacheliers à l’aide de Parcoursup, elle prend une nouvelle forme avec la réforme du lycée mais surtout celle du lycée professionnel. Pourtant, elles sont autant de risques pour l’avenir de l’Éducation Nationale que la Loi Blanquer. Malgré la demande de leur retrait dans la charte revendicative, il faut dire qu’il manque les organisations leur concernant.
Cette mobilisation est la première grande grève enseignante depuis plusieurs années, elle semble toutefois arrivée après coup. Il ne faut pas minimiser les effets de la loi Blanquer, qui n’impose rien mais autorise tout. Elle arrive cependant après les réformes de l’accès à l’enseignement supérieur, du bac et du bac pro qui auraient elles aussi mérité une mobilisation forte du corps enseignant.
On pourrait répondre que la faiblesse structurelle des syndicats lycéens et étudiants, en premier lieu l’Union Nationale Lycéenne et l’Union Nationale des Étudiants de France n’aide en rien. Certes, mais les syndicats des salariés et particulièrement des enseignants jouent plus le jeu du corporatisme que la convergence des luttes.
Un camarade de la FSU lors de l’AG d’Angers l’a même annoncé lui-même, le gouvernement serait tenté d’enterrer le projet de loi « école de la confiance » afin de préserver ce qui constitue le nerf de la politique actuelle du gouvernement, à savoir la destruction du statut de fonctionnaire. Un autre militant, a pointé du doigt que lors de la lutte des cheminots, les enseignants n’ont jamais exprimé leur solidarité en construisant des collectifs d’usagers.
Peut-être est-ce ici que notre réflexion doit commencer. La convergence des luttes, surtout en ce qui concerne le service public, ne commencera que si on fait converger les intérêts des fonctionnaires avec celui des usagers du service public.
C’est d’autant plus un enjeu, puisque l’opinion publique (comprenons ici les forces médiatiques au service de la bourgeoisie), ne semble avoir guère d’intérêt à suivre la forte mobilisation des enseignants. En vérité, nous avons pu voir que les parents d’élèves sont présents aux AG, mais ils se doivent de faire front avec les autres usagers (les lycéens et étudiants mobilisés): à savoir populariser la lutte, c’est uniquement par l’unité de notre classe que nous arrêterons le patronat, mais plus important, obtenir de vraies victoires sociales.
En attendant, cette mobilisation enseignante est à suivre avec attention. Son ampleur nouvelle marque peut-être le début d’un nouveau point d’achoppement dans l’agenda gouvernemental. Le ministre concerné est considéré comme un poids lourd du gouvernement, sa mise en échec affaiblirait tout le dispositif gouvernemental déjà marqué par un important taux de départ depuis le début du quinquennat.