Suite à la communication des résultats de la mesure de la représentativité le vendredi 31 mars par le Haut Conseil au Dialogue social, les médias se sont empressés d’acter la fin de la CGT comme première organisation syndicale de salariés.
La CGT est en effet devancée par la CFDT dans le secteur privé (ces deux organisations obtenant respectivement 24,85% et 26,37% des voix), la CGT domine chez les salariés du secteur public, lui permettant de se maintenir en première position pour l’ensemble des salariés avec un score de 24,26% (contre 23,01% pour la CFDT). Les réformistes crient déjà au tournant historique et rêve de l’enterrement définitif du syndicalisme de lutte. Pas si vite ! Le syndicalisme de lutte des classes est plus que jamais d’actualité en France, nous savons que tous les militants CGT le feront vivre sur le terrain, dans les entreprises et dans toutes les institutions où la centrale dispose de représentants élus.
Une avancée du réformisme permise par l’évolution de la structure du salariat
On considère traditionnellement que le syndicalisme français se divise en deux courant: l’un réformiste (CFDT, FO, UNSA) et l’un de lutte (CGT, SUD). N’ayons pas peur des faits: la CFDT, avec la ligne réformiste qu’on lui connaît, vient de gagner ces élections. Sa progression n’est pas négligeable avec une hausse de 103.000 voix par rapport aux élections de 2013, soit 0,37% de plus.
Il se trouve que le courant réformiste est mieux implanté que le courant de lutte parmi les cadres, ingénieurs et techniciens, qui sont une part grandissante du salariat. En effets les cadres et professions intellectuelles supérieures représentaient 15,6% de la population active en 2004 contre 17,1% en 2014. Les professions intermédiaires (agents de maîtrise, techniciens, commerciaux, administratifs) sont quant à eux passés de 23,1% à 25,6% de la population active dans le même temps.
Ce phénomène étant du à l’augmentation des emplois à haut niveau de qualification et à la délocalisation massive des emplois dits “peu qualifiés”. Or la CGT pêche par un manque d’implantation dans ces professions.
Comme il l’a été noté au XVIIe Congrès de l’Union Générale des Cadres, Ingénieurs et Techniciens CGT de 2014 par l’ancien secrétaire général de la première Confédération: alors que les cadres, ingénieurs et techniciens représentent 47% du salariat, ils ne représentent que 22% des syndiqués à la CGT. En terme électoral, l’UGICT ne pesait que 21% dans le privé à ce même Congrès, devancée de 6 à 7 points par la CFDT.
Les résultats annoncés trouvent donc une explication dans l’évolution que connaît la base électorale du secteur privé et la faiblesse de la CGT dans ces catégories en pleine croissance.
Quelque soit le résultat des élections à venir, les syndicats vont avoir du pain sur la planche. Que ce soit pour appuyer la mise en œuvre des mesures d’avancées sociales contre les résistances du patronat – dans le cas d’une victoire de notre camp – ou, plus probablement, pour défendre les conquis sociaux et les services publics contre les attaques du libéralisme, de la droite extrême ou de l’extrême-droite.
L’évolution de la mesure de la représentativité au détriment des syndicats de lutte
Autre facteur défavorable au premier syndicat: l’évolution de la mesure de la représentativité. En effet celle-ci se mesure désormais tous les 4 ans sur la base des scores réalisés au premier tour des élections du Comité d’Entreprise (CE) ou de la Délégation Unique du Personnel (DUP), ou à défaut des Délégués du Personnel (DP) lorsqu’il n’y a ni CE ni DUP.
Les syndicats réformistes en général et la CFDT en particulier bénéficient d’un avantage lors des élections des CE du fait de la complaisance, pour ne pas dire de la connivence, du patronat. De nombreux syndicats réformistes sont en effet le fruit d’une impulsion patronale pour éviter que les salariés ne se syndiquent dans un syndicat de lutte (nous ne parlerons pas ici de la célèbre caisse noire de l’UIMM qui a financé de nombreux syndicats de la métallurgie…).
L’opportunisme paie donc pour la CFDT. Par ailleurs, grâce à la réforme de la représentativité syndicale, les organisations récoltant moins de 8% des voix au niveau national ne sont pas prises en compte. L’UNSA et Solidaires n’apparaitront donc pas dans les résultats finaux, et leur absence renforce d’autant la «représentativité» de la CFDT, qui passe à 30.32% des voix exprimées en faveur d’organisations syndicales représentatives, pour seulement 26% des suffrages réels.
Ce 0,32 point est mortel pour les travailleurs. En effet c’est lui qui permet, suite à la loi El Khomri, que tous les accords rejetés par les syndicats majoritaires dans les entreprises puissent être soumis à référendum par les syndicats ayant recueillis plus de 30% des voix. Or le vote lors d’un référendum d’entreprise se fait avec le flingue sur la tempe pour le salarié dont on menace en permanence l’emploi. Voilà la démocratie dans l’entreprise telle que la voient Valls, Macron et El Khomri, mais aussi Fillon et Le Pen.
La CGT bénéficiant quant à elle d’un avantage lors des élections qui sont plus éloignées du contrôle patronal comme l’élection des TPE, dans lesquelles la CGT devance la CFDT de 10 points lors du scrutin de janvier 2016, ou lors de feu les élections prud’homales où la CGT tuait le game en 2008 avec un score de 33,56%, la CFDT devant se contenter de 21,67% des voix.
C’est donc à la fin du cycle de 4 ans que sont rassemblés les scores des élections dans les TPE et des divers élections de CE, DUP ou DP des 4 années passées pour établir une moyenne servant à la mesure de la représentativité. Certaines élections ont donc été réalisées avant le 51e Congrès de la CGT d’avril 2016, et avant la mobilisation contre la loi travail au cours de laquelle la CGT a connu une nouvelle dynamique. Il faut donc se garder des conclusions hâtives selon lesquelles la “radicalité” de la CGT aurait perdue face au “consensualisme” de la CFDT.
Malgré la campagne assassine des médias, les élections suivantes ont même montré un regain d’intérêt pour la CGT au détriment de la CFDT.
La CGT première dans la lutte !
Sur le terrain, la CGT reste le moteur des luttes sociales. De la défense des bureaux de Poste à la mobilisation pour les retraites le 30 mars; du MIN de Rungis à EDF, de l’hôpital public à l’industrie, les 680.000 syndiqués CGT font vivre ce syndicalisme de lutte, seul à même d’apporter une amélioration immédiate des conditions de travail, de vie et de rémunération de tous les travailleurs.
La CGT, loin d’être prise dans le déclin annoncé, est consciente de ses faiblesses comme l’affiche leur communiqué suite aux résultats. Elle garde tout de même le poids qu’est celui de la première organisation syndicale de salariés.
Preuve en est: le rejet des salariés de RTE – qui gère le réseau électrique – d’un accord sur la flexibilisation de leur temps de travail. Sonnant comme un camouflet à la loi travail, qui permet ce type d’accords et sa soumission à référendum, les salariés de RTE ont voté à 70,77% contre. La fédération CGT Mines Energie, opposée à cet accord, représente 58,39% des salariés dans cette entreprise. Le résultat du référendum, demandé par les minoritaires, va donc bien au delà de la base électorale de la CGT dans l’entreprise.
Quelque soit le résultat des élections à venir, les syndicats vont avoir du pain sur la planche. Que ce soit pour appuyer la mise en œuvre des mesures d’avancées sociales contre les résistances du patronat – dans le cas d’une victoire de notre camp – ou, plus probablement, pour défendre les conquis sociaux et les services publics contre les attaques du libéralisme, de la droite extrême ou de l’extrême-droite.