Cérémonie des Molières : l’exception française perd de ses couleurs

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Cérémonie des Molières : l’exception française perd de ses couleurs

Mardi soir avait lieu la cérémonie des Molières. Grande soirée du théâtre français, l’exception française a, ce soir-là, perdu de ses couleurs.

Une soirée dominée par le théâtre privé 

Caricaturale, chronométrée, une équipe menée à la baguette par un patron moitié tyran, moitié metteur en scène… Les critiques vont bon train vis-à-vis de la cérémonie des Molières. 

Mais la vraie critique porte sur un théâtre privé qui a largement dominé la scène du Petit Théâtre de Paris. En effet, sur les 19 récompenses attribuées par la compétition, 15 sont allés à des productions privées. 

Pire, pour la plupart, il s’agissait directement de spectacles produits ou joués dans des salles du grand mania du théâtre privé, proche d’Emmanuel Macron et président de la cérémonie, Jean-Marc Dumontet. 

Du côté des 4 récompenses au spectacle public, l’hallucination reste entière puisque 3 d’entre elles ont été décernées au Bourgeois Gentilhomme de la Comédie française.

De quoi regretter que la CGT n’ait pas coupé le courant. 

Cette cérémonie peut-elle dignement représenter le théâtre français et même le secteur culturel dans ces conditions ? Après 2 heures de cabotinages et d’hommage à la politique de Macron, la réponse est non. 

La richesse de la création artistique en France est tellement plus vaste que l’échantillon tronqué présenté mardi soir. Nos 38 scènes dramatiques nationales ou nos 77 scènes nationales ont mieux à revendiquer que cette caricature grotesque. 

Un monde de la culture en lutte

Le secteur culturel alerte depuis longtemps sur l’état du système et la fragilité de l’économie du spectacle vivant. Si nous voulons préserver cette exception culturelle française, nous devons préserver le théâtre public et ses emplois. 

Ce fut d’ailleurs l’objet de l’intervention des deux militantes CGT durant la cérémonie. Une intervention directement adressée à la ministre Rima Abdul-Malak, présente dans la salle. Montées sur scène pour défendre le combat contre la réforme des retraites, leur discours a été salué en demie teinte par un public conquis par la Macronie. 

La grande surprise fut la réponse de la ministre. Tout avait été mis en place pour qu’elle puisse s’exprimer et défendre son mandat. Micro mis à disposition, discours qui a fuité… Les rumeurs se répandent après cette intervention un peu trop calibrée. Ce qui est sûr c’est que les organisateurs de la soirée, Alexis Michalik et Jean-Marc Dumontet, préféraient entendre la ministre plutôt que la CGT. 

Public/privé, la rupture est consommée

Cette cérémonie est le symptôme d’un monde de la culture fracturée. Avec d’un côté les très grosses productions privées qui engrangent des millions d’euros de bénéfices. Puis, de l’autre côté, le secteur public qui voit ses subventions baisser, les intermittents qui assistent impuissants à la déconstruction de leur statut au rythme des réformes. 

Si la France est aussi reconnue pour sa culture, ce n’est pas seulement grâce à Molière qui a vu ses pièces se jouer des milliers, voire des millions de fois. C’est bien grâce à la pluralité des formes qui sont le fruit de ces intermittents et de ce secteur public. Pourquoi mériteraient-ils moins de reconnaissance et de financement ? 

L’exception culturelle que la ministre agite comme un étendard n’est peut-être pas dans le cabotinage du privé, mais dans cette création foisonnante. 


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