De nombreuses réformes et ajustements entrent en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2024, allant du changement du mode d’emploi des tickets restaurants aux contrats à durée déterminée, en passant par la revalorisation des retraites.
Réforme de l’assurance chômage
Les premières dispositions de la réforme de l’assurance chômage ont été mises en place en 2019, mais elles ont très vite été reportées en raison du Covid-19.
La réforme est entrée en vigueur en 2021, mais son application se fait progressivement jusqu’au 1ᵉʳ janvier 2024. Elle est cependant confrontée à de nombreuses contradictions : en effet, lors du premier volet du processus, Emmanuel Macron avait annoncé vouloir ouvrir l’indemnisation aux salariés démissionnaires, alors que la loi du 21 décembre 2022 en a exclu les salariés licenciés pour abandon de poste, leur appliquant les effets d’une démission.
Une autre contradiction concerne, cette fois, la situation financière de l’UNEDIC, l’union de recouvrement chargée de la gestion de l’assurance chômage : alors que celle-ci était excédentaire en 2022, la réforme aura pour objectif de réduire le nombre d’allocataires indemnisés de 12 % en moyenne d’ici à 2027, ainsi que de réduire d’environ 25 % la durée moyenne d’indemnisation des assurés, avec une dégressivité tout au long de la période de prise en charge.
Du côté des contrats courts, le versement des allocations chômage s’arrêtera lorsqu’un salarié en CDD refusera un CDI, ou lorsqu’un intérimaire refusera un CDI à 2 reprises sur une période de 12 mois précédents (pour occuper le même emploi ou un emploi similaire). De même, les employeurs pourront avoir recours à un seul CDD afin de remplacer plusieurs salariés absents.
Tous ces ajustements répondent à la une méthode dite de flexisécurité, consistant à considérer l’état du marché du travail dans le but de faciliter ou durcir les conditions d’accès à l’assurance chômage, en plus de l’affaiblir, à terme, pour laisser place à l’initiative privée.
France Travail remplace Pôle emploi
En parallèle, le projet de loi pour le “Plein-emploi” donne naissance à France Travail, successeur de Pôle emploi. Il vise à étendre les contraintes imposées aux allocataires de Pôle emploi aux allocataires des minimas sociaux (RSA).
Ainsi, en parallèle de leur inscription, les allocataires du RSA doivent signer un contrat d’engagement. Le contrat prévoit que la collectivité mette en œuvre les moyens pour aider ces personnes à revenir vers l’emploi, et en contrepartie, le bénéficiaire est tenu d’effectuer entre 15 et 20 h d’activités non rémunérées par semaine, condition pour continuer à percevoir les allocations, soit environ 528 € par mois. Rappelons que selon Oxfam, en France, le seuil de pauvreté monétaire est fixé à 60 % du revenu médian français, soit 1102 € par mois.
De plus, France-travail centralisera toutes les données des différents opérateurs et missions locales. Il pourra ainsi les mettre en concurrence avec les autres opérateurs privés. Le croisement des fichiers pose un risque supplémentaire sur l’utilisation des données les plus sensibles par des opérateurs privés, particulièrement en ce qui concerne les données de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM).
L’exécutif mise sur cette transformation pour atteindre le plein-emploi, soit un taux de chômage autour de 5 % en 2027 (contre 7,1 % actuellement), en ciblant les personnes très éloignées de l’emploi. Pourtant, la France connaît depuis plusieurs années une très nette amélioration du taux de chômage, qui s’est encore accélérée après la crise du Covid. Le chiffre est ainsi tombé à 7,1 % de la population active en France au 1ᵉʳ trimestre 2023, contre 7,4 % un an plus tôt, et plus de 10 % en 2016. En dépit de cette baisse et des pénuries de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs, le nombre des bénéficiaires du RSA n’a guère diminué depuis 2017, avoisinant les 1,9 million.
En plus de concourir à la stigmatisation des bénéficiaires du RSA et de faciliter la radiation de l’assurance chômage (levier souvent utilisé pour faire baisser les chiffres du chômage), le gouvernement fait un nouveau pas vers la lente privatisation du service public de l’aide au retour à l’emploi.
Revalorisation des retraites
Tous les quatre ans, les règles de pilotage du régime des retraites complémentaires sont négociées par les partenaires sociaux, représentants d’organisations syndicales et patronales. Ces négociations ont abouti à un Accord National Interprofessionnel (ANI), actualisé au regard de la dernière réforme des retraites. Cette fois-ci, l’objet de la négociation concerne la revalorisation des retraites complémentaires du privé, pour janvier 2024.
Ainsi, le conseil d’administration de l’Agirc-Arrco a annoncé une revalorisation de 4,9 % à partir du 1ᵉʳ novembre 2023, qui devrait concerner plus de 13 millions de retraités, afin de correspondre au niveau de l’inflation.
La direction de la CGT a décidé de signer l’accord Agirc-Arrco, après avoir obtenu cette revalorisation ainsi que la fin du malus à compter du 1ᵉʳ décembre 2023 pour les futurs retraités, et à compter du 1ᵉʳ avril 2024 pour les retraités actuellement pénalisés par un malus de 10 %.
La CGT a tout de même accompagné sa signature d’une lettre de réserve, indiquant que le gouvernement souhaiterait prélever chaque année autour d’un milliard d’euros dans les caisses de l’Agirc-Arrco pour financer le minimum contributif de retraite. En supprimant les réserves de l’Agirc Arrco, la revalorisation des pensions et toute possibilité d’amélioration de la situation des salarié.es et des retraité.es du privé serait bloquée. En effet, l’Agirc Arrco a dégagé 5,1 milliards d’euros et possède une réserve de 68 milliards, ce qui devrait largement permettre l’augmentation des pensions, en plus de ne pas avoir à allonger la période de cotisation.
Tickets restaurant
Environ 5 millions de Français utilisent aujourd’hui les tickets restaurants, souvent incorporés comme avantage en nature dans leur rémunération.
La réforme vise à rendre impossible l’achat d’aliments qui nécessitent une préparation, comme les pâtes, le riz ou les œufs. Cette dérogation avait pourtant été mise en place pour lutter contre l’inflation. Cette modification des biens disponibles via les titres-restaurant ne s’accompagne pas d’une réduction de leur plafond, rehaussé par la loi du 16 août 2022 en passant de 19 euros à 25 euros. Au 1ᵉʳ janvier 2024, il sera toujours de ce montant, permettant notamment de pouvoir être employé dans la restauration professionnelle.
Or, la ministre déléguée aux PME, au Commerce, à l’Artisanat et au Tourisme Olivia Grégoire est revenue sur ces mesures le 14 novembre 2023. Rien ne devrait changer au 1ᵉʳ janvier 2024, mais une disposition législative est nécessaire, selon Bruno Le Maire, ministre de l’Économie. Il convient de préciser que les tickets restaurants sont un maigre moyen de remédier à la fois à la disparition de la restauration sur le lieu de travail et à l’inflation croissante, en plus de justifier parfois des salaires bas, ou l’absence de leur augmentation.
Parmi les critiques de la première annonce, on retrouve l’incitation à la consommation de produits transformés dont l’origine des ingrédients est souvent floue et l’apport nutritif faible.