Depuis maintenant plusieurs années, le MJCF organise régulièrement des délégations internationales en Israël et en Palestine. Ces déplacements ont lieu avec la volonté d’enrichir leur campagne internationale et de porter la voix des Palestiniennes et des Palestiniens à partir d’une expérience quotidienne et non pas d’un regard extérieur.
Julie Biron, membre de la dernière délégation, raconte pour l’Avant-Garde ces rencontres. Un récit qui, au vu de la situation, peut être pris comme une clef de compréhension
Des délégations pour comprendre et agir
En tant que délégation politique, nous nous entretenons sur place avec les organisations et associations qui revendiquent la reconnaissance de l’État palestinien et les droits de ses citoyens, qui sont aujourd’hui niés par la communauté internationale via l’impunité de la politique menée par le gouvernement israélien à l’égard de la population palestinienne.
Aussi, voici un bref résumé de celles auprès desquelles nous nous référons pour mener notre campagne en faveur de la fin de la colonisation du gouvernement israélien en Palestine.
Les organisations israéliennes
Le Hadash représente une coalition de plusieurs partis politiques de gauche, avec une place majeure du Parti communiste israélien. Défendant les droits des Arabes israéliens, dont beaucoup sont bafoués par l’état d’apartheid instauré dans le pays, ils militent régulièrement auprès des jeunes Israéliens.
À Haïfa, ville où subsiste un quartier historique arabe actif, les deux organisations partagent des locaux dans lesquels ils impriment les éditions d’un journal fondé par le Parti communiste israélien en 1944, publié en Israël, mais rédigé en arabe. À Jérusalem, les Jeunes communistes israéliens se rendent une fois par semaine dans un quartier officiellement encore palestinien, au côté des quelques habitants arabes qui lui restent, mais quasiment entièrement colonisé, afin de manifester pour la reconnaissance du droit des Palestiniens à résider sur leurs terres.
Ils militent également contre le service militaire obligatoire et les conséquences du refus, qui est non seulement sévèrement puni par l’armée (par de la prison et des mauvais traitements), mais également un motif de rejet profond de la société, notamment des proches.
Cette situation démontre l’importance dans la société israélienne de la culture militaire, et ce, par le projet de défense du pays par toutes et tous – bien que les membres de la JCI s’accordent à dire qu’il s’agit plutôt de formater la jeunesse en lui inculquant, de manière inconsciente, la volonté, voire la nécessité d’étendre le territoire israélien en colonisant toujours plus le territoire palestinien, quitte à user de la force militaire, bien souvent violente.
Mettre aux yeux de tous la politique israélienne
Youth Against Settlement : cette association pacifiste réside et travaille à Hébron, ville non loin du mur de délimitation avec Israël. Sa situation est particulière par la manière dont elle est colonisée : le processus habituel consiste à coloniser d’abord le pourtour des villes afin de se rapprocher peu à peu de son centre ; ici, la ville est colonisée à la fois depuis l’extérieur et l’intérieur. Ainsi prise en tenailles, Hébron est en proie à un flou juridique quant aux zones sous autorité israélienne et celles sous autorité palestinienne.
YAS regroupe des militants qui montrent cette situation en guidant les “visiteurs” à travers la ville, tout en expliquant et en montrant les rues, magasins et habitations accaparés par les colons, envoyés par le gouvernement israélien en échange de nombreuses aides financières, diminution de taxes, etc. Les militants de YAS vont jusqu’à déposer les délégations étrangères devant des check-points à l’entrée de certaines rues auxquelles ils n’ont pas accès, en tant que Palestiniens, en démonstration du racisme instauré par la politique du gouvernement israélien et appliqué par son armée, dont chaque jeune Israélien est tenu de faire partie a minima le temps de son service obligatoire.
Militer en terres palestiniennes
À Ramallah, les jeunes communistes palestiniens montrent un fort enthousiasme à chacune de nos rencontres internationales. En effet, ils n’ont de cesse de signifier l’importance, à leurs yeux, de l’intérêt porté par des camarades internationaux à la situation dans leur pays.
De leur côté, la discussion est notamment portée sur la difficulté de s’organiser au vu de la colonisation et de la mainmise du gouvernement israélien sur l’autorité palestinienne, d’autant plus du fait de leurs revendications. Aussi, ils ne peuvent par exemple pas se permettre de lister sur papier les adhérents et leurs coordonnées, puisque le risque que les autorités israéliennes tombent sur ces données et les conséquences sont trop importantes.
De l’organisation à l’institution
Le Fatah est le parti politique aujourd’hui au pouvoir en Palestine. Pourtant, il représente bien une “autorité” et non un gouvernement — du fait de la non-reconnaissance internationale du territoire comme un État. Fadwa Barghouti en est aujourd’hui l’une des membres de la direction. Son mari, Marwan Barghouti, est emprisonné par les autorités israéliennes depuis 2002. Il s’agit d’une figure politique et publique très forte en Palestine, puisqu’il est l’une des rares à avoir représenté la possibilité d’unifier les différents courants et organisations politiques palestiniens.
La question des prisonniers politiques
Addameer est une association d’avocats engagée dans l’information et la défense des droits des prisonniers palestiniens. Leur but est de tenir des comptes les plus précis possibles du nombre de prisonniers (disponible sur leur site officiel), mais aussi de mettre en lien les détenus et des avocats, afin de recueillir leur témoignage sur leurs conditions d’emprisonnement, les informer de leurs droits — qui sont très largement bafoués – etc. Cette association existe notamment puisque le gouvernement israélien use du principe de “détention administrative” pour incarcérer de manière complètement arbitraire les Palestiniens ; le but étant ici, à long terme, de les contraindre à partir de leur pays, devant tant de violences vécues, pour laisser toute la place à la colonisation israélienne.
Le PPP, un parti utile à la population
Le PPP, ou Parti du Peuple Palestinien, le parti communiste, est loin d’être l’entité politique majoritaire ; pourtant, malgré toutes les contraintes et les enjeux, ses membres ont développé des manières de militer qui sont propres à leur situation. Aussi, comme beaucoup d’autres organisations, le PPP forme un véritable maillage associatif sur le territoire : par exemple, ils ont créé les PARC (Palestinian Agricultural Relief Committees, les Comités de secours agricoles palestiniens), par lesquels ils viennent en aide aux agriculteurs à travers le territoire en termes de financements, de matériel, etc.
Ce soutien est d’autant plus important que l’enjeu énergétique est un réel problème en Palestine, du fait de la colonisation et donc de la captation de nombreuses ressources par des compagnies israéliennes, mais aussi de grands pays capitalistes de la région, comme le Qatar ou l’Arabie Saoudite, qui revendent aux palestiniens, et à prix exorbitant, l’eau, l’électricité et la nourriture issue de Palestine. Pour se défaire de cette mainmise, des initiatives comme celle des PARC permettent un tant soit peu de souveraineté sur les ressources palestiniennes.
Par ces liens et ces rencontres, le MJCF témoigne non seulement concrètement de son engagement à lutter pour la liberté et la paix pour le peuple palestinien, mais se dote également d’une expérience, aussi infime soit elle, de la réalité de la situation entre Israël et Palestine : celle d’une situation sous tension quotidienne et extrême, par l’apartheid et la colonisation, d’une lutte pour les droits humains et d’une volonté de vivre libre et en paix de chaque côté du mur de séparation.