Onze jeunes Français, jeunes communistes, se sont rendus dix jours en Israël et en Palestine. Ils racontent ce qu’ils ont vu, vécu et appris.
Jour 1. Le départ
Direction Tel-Aviv. Pour la délégation composée de 11 personnes, l’enjeu est de tous passer à l’aéroport. Que ce soit en France ou en Israël, les contrôles sont multiples.
Dès que l’on passe les portes de l’aéroport, il ne faut pas se faire repérer. Des petits groupes d’une ou deux personnes sont constitués, personne ne se connaît.
Les questions fusent en France comme en Israël : vous êtes là pour quoi ? Nous racontons que nous sommes là pour les vacances.
À l’arrivée à Tel-Aviv, la quasi-totalité des groupes de la délégation passe sans encombre au guichet de la douane après obtention du visa. Tous les membres sauf deux, il s’agit des camarades d’origine marocaine ou libanaise. Il leur a fallu patienter 3 h dont 2 h 30 sans qu’aucun agent ne leur dise quoi que ce soit. Après l’attente viennent l’interrogatoire et la fouille des téléphones : le nom du père, celui du grand-père, que faites-vous ici ?
Parmi les gens qui restent sur le côté, le profil semble être le même. Aucune personne blanche n’est autant interrogée.
De l’autre côté, en petits groupes, l’attente est interminable. On ne sait pas s’ils vont réussir à entrer sur le territoire. Quand le doute commence à s’installer et qu’il faut songer à prendre une décision, celle de partir et de les laisser sur le côté, un premier camarade passe les portes du hall d’entrée, puis 1h plus tard le second.
C’est terminé. Tout le monde est là, on peut commencer le périple. Nous prenons un train direction Haïfa, nous en avons pour 2 h de train. Les wagons sont blindés de jeunes israéliens en service militaire, à 20 ans ils portent des Kalachnikovs.
À l’arrivée, nous sommes accueillis sur place par les jeunes communistes de la ville. S’en suivent des discussions autour des élections législatives qui auront lieu dans la semaine, mais aussi sur l’apartheid, et le fait d’être un jeune arabe en Israël.
Après le repas, direction les locaux du journal communiste de Haïfa. Le journal existait déjà avant la nakba. Nous rencontrons les camarades du parti communiste qui gèrent le journal. Nous échangeons sur le quotidien, l’apartheid, l’occupation. Le soir, c’est direction le Mossawa center pour la nuit. Nous sommes accueillis par le directeur, membre du parti communiste.
Jour 2. Direction Jérusalem
La première nuit en Israël passée, nous devons prendre la route pour Jérusalem. La camarade des JCI nous emmène à la gare d’Haïfa. Durant le trajet c’est l’occasion de continuer d’échanger sur l’histoire de la ville, sur la campagne des législatives.
Nous prenons le train direction Jérusalem avec une correspondance à Tel-Aviv. Dans le train, il y a énormément de jeunes armés. Ils sont en service militaire. Nous devons être discrets, beaucoup parlent français.
Arrivés à Jérusalem et les bagages déposés, nous nous rendons au local des JCI. Ce local est un local de jeunes communistes similaires à ceux du MJCF en France : des affiches, des canapés, des tracts dispersés dans la pièce. On s’y sent comme à la maison. Il est situé à la frontière avec Jérusalem-Est.
Nous y rencontrons le responsable de la section du PCI à Jérusalem ainsi que d’autres jeunes communistes. Nous échangeons sur la réalité de l’apartheid, leur stratégie d’organisation de la jeunesse dans un pays où la propagande sioniste fait partie du programme scolaire et où le fait de critiquer l’État est interdit.
Les élections législatives qui ont lieu en fin de semaine font également partie de la conversation. La discussion porte également sur les enjeux de paix en Europe.
Pour eux, il ne faut pas être pessimiste. Le pessimisme ne permet pas d’avancer. Au contraire, il faut garder espoir et se battre tant pour la reconnaissance de l’État de Palestine que pour faire d’Israël un État débarrassé de l’apartheid, un État réellement démocratique en somme.
Après un repas à Jérusalem-Ouest en leur compagnie, direction l’hébergement pour une bonne nuit de sommeil. Demain c’est une journée chargée qui nous attend.
Jour 3. Second jour à Jérusalem
Pour ce deuxième jour à Jérusalem, nous avons visité la vieille ville et le souk avant de rejoindre nos camarades des JCI à Jérusalem-Est et Scheikha Jafar. Ce quartier comme toute la partie Est de la ville est censé revenir aux Palestiniens, mais elle est colonisée en dépit des accords de 1967.
Nous rencontrons Seleh. Il est palestinien et vit à Scheikha Jafar. Chaque jour, il doit défendre sa maison contre les colons. Il vit en face de la maison d’un colon, ancien député d’extrême droite. La maison du colon, ancienne bâtisse palestinienne, sert aujourd’hui d’entrepôt pour stocker des armes.
Seleh nous raconte la violence de son quotidien en nous donnant l’exemple d’une semaine particulière qu’il a vécu. Le premier jour, les colons israéliens sont venus chez lui et l’ont gazé. Le deuxième jour, ils lui ont cassé les genoux. Le troisième jour, alors qu’il était en béquille, ils lui ont cassé les côtes et le thorax. Le quatrième jour, alors qu’il était à l’hôpital, ils ont tiré à l’arme automatique fixe dans ses fenêtres. Le sixième, ils l’ont envoyé en prison.
Cette semaine hallucinante est à l’image de son quotidien, comme celui de milliers de Palestiniens. Ce quotidien se déroule en toute impunité. L’État israélien se positionne toujours en victime, et la communauté internationale ferme les yeux.
Nous nous sommes rendus au lieu des manifestations hebdomadaires du vendredi. Les Palestiniens, accompagnés de certains invités israéliens dont les jeunes communistes, revendiquent la fin de la colonisation, l’égalité et que Jérusalem-Est revienne au peuple palestinien.
À cet endroit nous voyons la différence des bâtiments entre les maisons des colons et celles des Palestiniens. Pour les premières, ce sont de grosses bâtisses à l’occidentale. Pour les secondes, il s’agit de petites maisons. Elles sont insalubres. Nous remarquons la présence de plantes occidentales dans les jardins des colons. Dans ces mêmes jardins, nous voyons les ruines des maisons des Palestiniens.
À ce moment-là nous voyons la stratégie d’Israël de reconstruire sur les ruines des maisons de Palestiniens afin de supprimer toute présence historique du peuple palestinien sur ces terres. Nous apprenons que des hôtels de luxe sont construits sur des cimetières palestiniens.
Avant de rentrer, nous rencontrons de jeunes Palestiniens qui jouent au foot sur un terrain. Ils connaissent bien Zidane, mais pas encore Benzema. C’est pour bientôt.
Nous retournons au local des JCI pour rencontrer Oren, un jeune israélien qui a refusé d’être réserviste dans l’armée.
Son refus est un refus politique. Il ne veut pas participer à la colonisation. Ce refus lui a valu un aller simple en prison. Il a passé 15 jours dans un camp de travail et a subi de mauvais traitements. Les soldats lui ont refusé ses médicaments, il a donc refusé de travailler. En représailles, il a été placé à l’isolement avec des menottes.
Pour les Israéliens qui refusent de servir, l’idée de ces internements est de les briser psychologiquement.
Il nous dit qu’il n’y a pas de formation lors du service militaire étant donné que la propagande se fait déjà à l’école. Les jeunes en service apprennent seulement à manier une arme.
Jour 4. Hébron
Direction Hébron pour la quatrième journée. Depuis Jérusalem nous mettons plus de 2 h en voiture. Arrivés à Hébron, ville palestinienne colonisée de l’intérieur depuis 1997, nous rencontrons l’association « youth against settlement ».
Cette organisation milite pacifiquement pour la fin de la colonisation et pour la fin de l’apartheid.
Au début de la visite, le guide nous explique qu’Israël organise des fouilles archéologiques autour de la présence israélienne il y a plus de 400 ans. Pour un État créé en 1948, c’est cocasse.
À Hébron, il y a 22 checkpoints que doivent traverser les Palestiniens pour se rendre d’un point A à un point B. Des rues complètes leur sont interdites d’accès. Pour faire 300 m, ils peuvent mettre 2h, car ils doivent faire tout le tour de la ville. Des centaines de commerces sont aujourd’hui fermés. Le taux de chômage est énorme. Les parents ont peur d’envoyer leurs enfants à l’école dans le centre-ville d’Hébron. Les enfants quittent la maison à 6 h du matin, mais personne ne sait s’ils rentreront.
La partie colonisée d’Hébron est une ville fantôme dans laquelle la loi militaire israélienne s’applique. L’armée est omniprésente et c’est une zone de non-droit pour les Palestiniens.
Les colons vivent au-dessus des maisons palestiniennes qui ont été réquisitionnées par l’armée. Des grillages sont placés par les Palestiniens pour éviter les jets d’ordure et d’acide par les colons. Il faut le voir pour le croire. La plupart des colons d’Hébron sont des Américains de Brooklyn.
Le guide n’a pas pu nous accompagner à Shuhada street, l’ancienne rue commerçante et l’artère de la ville. S’il y met un pied, il risque d’être abattu. Des touristes chinoises n’ont pas pu y accéder, car étant musulmanes.
Le guide nous informe qu’il a été mis en joue par un soldat quand il essayait de nous rejoindre après notre passage à Shuhada street.
Tout est question de sécurité pour Israël. En tout cas, c’est comme ça qu’est théorisée chaque action menée contre les Palestiniens : de la fermeture de commerce à la création de barrières en passant par la mise en place de nouveaux checkpoints. La loi militaire israélienne s’applique pour les Palestiniens, cela veut dire qu’ils doivent connaître par cœur leurs droits ou plutôt la liste des interdictions. C’est une question de survie.
Une fois la visite terminée, nous avons déjeuné avec les membres de « youth against settlement ».
Après le repas, c’est un instant foot avec de jeunes Palestiniens pour un moment de détente. Alors que l’insouciance s’installe, 26 jeunes colons israéliens âgés de 6 à 17 ans attaquent à jet de pierres la maison de YAS en ciblant les jeunes Palestiniens. L’armée israélienne est présente. Elle ne fait rien. Les Palestiniens ne peuvent pas se défendre, car ils risquent d’être arrêtés. C’est choquant, c’est violent, les mots ne peuvent décrire cette scène, mais cela se produit tous les jours.
3 jours après notre départ, le siège de YAS a été réquisitionné par l’armée israélienne et est désormais sous statut militaire.
La journée terminée, nous prenons la direction de Ramallah. Nous y passerons la nuit.
Jour 5. Ramallah
Ramallah est en Cisjordanie. La ville est sous l’autorité palestinienne et le siège de l’OLP s’y trouve.
Nous y rencontrons les jeunes du Parti du peuple palestinien. Avant la Nakba, le parti communiste israélien et palestinien était un seul et même parti. Depuis, il est scindé en deux.
Nous sommes dans les locaux des jeunes du PPP. Nous discutons avec le référent pour la ville. Il nous dit que des élections en Palestine ne peuvent se faire sans la participation des Palestiniens de Jérusalem. Pourtant, Israël leur a interdit d’y participer. Nous voyons bien ici la stratégie d’Israël de diviser le peuple palestinien et se réapproprier Jérusalem-Est. C’est pour cette raison que les dernières élections ont été annulées par l’OLP.
Le camarade nous emmène visiter le musée Arafat. Il est construit autour des anciens locaux du Fatah où a eu lieu le siège de Yasser Arafat par l’armée israélienne en 2004.
L’histoire palestinienne est racontée dans ce musée. Ça fait du bien après avoir vu toute la propagande sioniste pendant plusieurs jours.
Nous y restons plus de 2 h avant de rencontrer les dirigeants du Parti du peuple palestinien dans leurs locaux.
Avec les dirigeants du PPP, nous échangeons autour de leur stratégie pour essayer de rassembler l’ensemble des partis politiques palestiniens dans l’objectif de mener ensemble le combat pour la libération de la Palestine.
C’est une fois la Palestine libérée que se fera le programme politique pour le pays. Pour l’instant, l’heure est au combat contre la colonisation et pour l’obtention de droits.
À chaque fois, les Palestiniens nous racontent les difficultés liées à l’occupation. Le camarade qui nous parle est malade, il ne peut pas aller à l’hôpital et il n’y a pas de spécialiste du cœur à Ramallah. Il lui est interdit de se rendre à Jérusalem. Pour se soigner, il doit se rendre en Jordanie.
Après les tensions des premiers jours, être à Ramallah nous permet de respirer. Nous passons la soirée avec les camarades. La nièce de Marwan Barghouti est présente.
Jour 6. Ramallah
Deuxième jour à Ramallah. Cette journée est marquée par l’enjeu de la libération des prisonniers politiques.
On débute la journée par une rencontre avec une représentante de l’association Addameer, elle y travaille en tant qu’avocate. Addameer est une ONG qui suit de près le traitement des prisonniers palestiniens arrêtés en Cisjordanie et en Israël.
L’ONG est qualifiée de terroriste par Israël. Les locaux ont d’ailleurs été perquisitionnés il y a quelques mois. La porte d’entrée défoncée à coup de bélier témoigne encore des séquelles de l’intrusion illégale des forces armées israéliennes.
La représentante d’Addameer nous dit que l’État israélien a fabriqué de fausses preuves pour justifier que l’association est une organisation terroriste.
C’est pratique : quand Israël se positionne en victime et dit « organisation terroriste », la communauté internationale se tait sur le fait qu’Israël viole le droit international.
Qualifier Addameer d’organisation terroriste a pour conséquences que l’ensemble des personnes qui y travaillent risquent d’être arrêtées, mais aussi l’ensemble des personnes à qui elle vient en aide. La directrice de l’école dans laquelle a eu lieu une présentation des droits des Palestiniens risque aussi d’être arrêtée par l’armée israélienne.
L’association travaille à documenter la réalité des conditions de détention des prisonniers palestiniens, la torture ainsi que les faux procès afin de faire pression sur la communauté internationale. C’est également un travail avec la société palestinienne pour que les Palestiniens et les Palestiniennes connaissent leurs droits. L’objectif est de faire en sorte que les Palestiniens puissent savoir à quoi s’attendre lorsqu’ils se font arrêter par l’armée israélienne. Elle travaille également à réduire les peines de prisonniers lors des procès lorsqu’ils ont lieu. Salah Hamouri y travaille en tant qu’avocat.
Les avocats ne peuvent pas faire leur travail normalement étant donné qu’Israël a recours à une cour militaire. Ainsi, quand la loi militaire s’applique, la justice est absente.
En réalité, les ordres militaires criminalisent tous les pans de la société palestinienne et les sentences sont exagérées. Dans 99 % des cas, les Palestiniens sont jugés coupables. Lorsqu’il n’y a aucune preuve, c’est la détention administrative qui s’applique avec des dossiers classés secrets.
L’avocate nous dit qu’elle a eu affaire à des cas d’étudiants palestiniens qui s’organisent sur leur campus. Un membre d’un groupe a été arrêté pour avoir pris position sur Facebook. Les charges sont en hébreux, les inculpés ne comprennent pas ce qui leur est reproché. Tout acte de militantisme est criminalisé et une partie de la jeunesse palestinienne est aujourd’hui passée par la case prison.
On continue la journée par une visite de la vieille ville et du conservatoire de musique pour les jeunes Palestiniens.
Après cette pause nous prenons le chemin des bureaux de Fadwa Barghouti non loin du musée Arafat.
À l’entrée du bureau, c’est une plaque à l’honneur de Marwan Barghouti qui nous accueille. Fadwa Barghouti est la femme de Marwan Barghouti, emprisonné depuis 21 ans par Israël. Elle a de hautes responsabilités au Fatah, sa prestance nous invite à nous faire tout petit.
Il est important pour elle qu’on puisse être présents aujourd’hui. Elle nous informe que Marwan Barghouti est détenu dans la même prison que Salah Hamouri. Le combat pour la libération de Marwan Barghouti est un combat pour la libération de la société palestinienne. Il reste en prison parce qu’il peut unir la société palestinienne et qu’Israël refuse cette unité.
Elle nous dit qu’elle n’est autorisée à le voir qu’une fois par mois, 45 minutes. Le reste du temps, il est placé à l’isolement parce qu’il peut avoir une influence sur les autres prisonniers. Fadwa nous raconte qu’il y a quelques années, elle a été interdite de lui rendre visite en prison pendant près de 4 années.
En 21 ans, Marwan Barghouti a été puni plus d’une vingtaine de fois : interdictions de visite, placements à l’isolement.
Fadwa Barghouti nous dit qu’en dépit de la colonisation et de l’apartheid, les Palestiniens continuent de se lever le matin, ils ont toujours l’espoir d’un État libre et indépendant, ils continuent de vivre pour ça, car sans espoir il n’y a plus rien.
Avant de partir, elle nous présente des dirigeants du Fatah. Comme elle, comme Marwan Barghouti, ils ont passé du temps en prison. Pour certains, ils ont connu les murs des prisons israéliennes pendant plus de la moitié de leur vie. C’est le cas d’un vieil homme qui a passé 44 ans en prison.
L’entrevue est terminée, le taxi nous attend, direction Tulkarem en Cisjordanie. Nous nous rendons chez un agriculteur palestinien, membre du PPP. Nous y passerons 3 nuits et 2 jours.
Jour 7 et 8. Tulkarem
Premier matin à Tulkarem. Tulkarem est une ville arabe de Cisjordanie étouffée par le mur de séparation qui l’encercle.
Beaucoup de travailleurs de Tulkarem doivent passer le checkpoint pour se rendre sur leur lieu de travail, en Israël. Parfois, trop souvent, ils ne parviennent pas à passer et ne peuvent travailler.
Nous logeons chez Fayez et sa famille. Fayez est un agriculteur palestinien, membre du Parti du peuple palestinien. Il a repris la ferme de son père, cette même ferme est prise en étau entre le mur de séparation et une usine de produits chimiques israélienne.
Il nous explique que l’enjeu de l’autosuffisance palestinienne est essentiel. Israël agit sur l’eau, l’énergie et la nourriture pour mettre à genoux le peuple palestinien. Pour lui, être autonome sur ces trois éléments est synonyme de liberté pour son peuple.
C’est pour cela qu’il voyage à travers le monde pour en apprendre le plus possible sur la permaculture, l’agriculture biologique, et la préservation de l’eau.
Il nous dit qu’on ira faire un tour dans sa ferme le lendemain matin où il nous montrera ses innovations. Pour l’heure, c’est direction le champ d’oliviers de Tulkarem pour l’inauguration de la collecte des olives.
À Tulkarem comme dans de nombreuses villes de Cisjordanie a lieu l’inauguration de la cueillette début novembre. Il s’agit d’un moment de cueillette collective où l’ensemble des producteurs sont présents, leurs familles, les jeunes de la ville et bien sûr la presse.
Les oliviers représentent 45 % de la superficie des terres agricoles en Palestine. Cette récolte représente l’une des pierres angulaires de l’économie palestinienne. Chaque année les collectes sont source d’attaque de colons ou de l’armée qui réquisitionne une partie des stocks pour les revendre.
Nous participons activement à cette collecte. Le PARC est présent, il s’agit d’une association palestinienne qui intervient en solidarité avec les agriculteurs et les producteurs palestiniens.
Cette collecte est l’occasion d’échanger avec les Palestiniens présents sur leur quotidien, celui de la colonisation.
Dès le lendemain nous nous rendons à la ferme de Fayez pour l’aider dans ses récoltes. Il nous raconte le fonctionnement de sa production et les outils qu’il a mis en place pour ne rien devoir à Israël.
Il nous raconte que l’État israélien vole l’eau dans les nappes phréatiques des Palestiniens avant de la revendre. Il a trouvé un système pour purifier l’eau de pluie à grande échelle. Il travaille également à des systèmes de compostage et de permaculture. Il n’utilise aucun produit chimique. Son système est tellement élaboré qu’il donne des conférences et accueille des étudiants de toute la planète en agroalimentaire.
L’après-midi nous nous rendons dans le camp de réfugiés de Tulkarem. Ce camp a été construit après la Nakba, en 1956. Il regroupe les familles des villes de l’autre côté du mur, des réfugiés des montagnes. Aujourd’hui le camp fait 18 hectares et regroupe 22 000 personnes. Il y a 22 000 réfugiés dans le camp et 22 000 à l’extérieur.
Le guide, lui-même réfugié, nous raconte que le taux de chômage est exorbitant et que la violence est plus présente qu’ailleurs.
Le camp n’est pas fait en toile, mais en structures en dur. Il s’agit de structures temporaires construites en hauteur pour prendre le moins de place possible au sol. Les réfugiés de 1948 pensaient que leur situation serait temporaire, leurs descendants aussi. Mais la situation s’installe et le droit au retour et à la réparation se fait toujours attendre.
Les problèmes dans ce camp sont multiples : sociaux, sanitaires, économiques. Les fonds de l’UNRWA ne sont pas suffisants.
Sur les murs, nous voyons qu’ils sont criblés de balles. Les soldats israéliens font des descentes régulières dans le camp. Le guide nous raconte qu’il y a une alliance entre les cartels de la drogue dans le camp et le MOSSAD pour faire augmenter la consommation. Faire augmenter les problèmes de drogue permet à Israël de dire que l’autorité palestinienne n’est pas capable de tenir sa population.
Nous retournons chez Fayez pour la dernière soirée. Nous rencontrons les camarades du PPP local. Nous discutons des solutions pour la Palestine et des stratégies à adopter pour en finir avec l’impunité israélienne.
Le fils de Fayez nous raconte qu’avec le mur, il n’a jamais vu la mer alors qu’elle se situe à 9 km de sa maison.
C’est un moment fort que nous passons avec le PPP et toute la famille. Nous chantons l’internationale et l’hymne de résistance palestinienne.
C’est l’heure de nous dire au revoir. Les larmes coulent.
Jour 9. Haifa
Nous disons au revoir à Fayez, à sa famille avec la promesse de revenir dès que possible.
Nous prenons la direction de Haïfa pour le dernier jour. Nous nous rendons au Mossawa center. C’est un camarade du PCI qui le dirige. Il s’agit d’un centre qui fait la promotion de l’égalité des droits des citoyens arabes en Israël. En plus de la rédaction de rapport, de la mise sous pression budgétaire de la Knesset, ce centre organise des initiatives d’éducation populaire à destination des jeunes Arabes israéliens. De jeunes hommes et de jeunes femmes en étude y sont logés.
Pour payer notre hébergement du soir, nous réalisons 3 h de bénévolat dans le centre : jardinage, menuiserie. Tout y passe pour remettre d’aplomb le centre.
Notre camarade des JCI nous rejoint. Elle nous emmène dans le centre d’Haïfa pour visiter la vieille ville et les quartiers arabes. Nous échangeons sur les résultats des législatives en Israël, l’explosion des voix pour l’extrême droite, le maintien du Hadash à la Knesset.
Nous profitons de ce dernier jour pour faire des colis pour envoyer en France les éléments compromettants : livres, notes, souvenirs de Palestine. Tout cela ne doit pas figurer dans nos valises au risque d’être interrogé à l’aéroport.
Jour 10. Retour en France
Départ pour la France, direction Tel-Aviv. Nous nous retrouvons à passer un dernier checkpoint. Nous sommes arrêtés parce que notre chauffeur est arabe. Nos passeports sont scrutés, des questions nous sont posées sur les liens entre les membres de notre groupe, une partie de nos bagages sont fouillés. Nous avons des sueurs froides, mais l’armée nous laisse repartir. Nous arrivons à l’aéroport, nous repartons par petits groupes, les mêmes qu’à l’aller.
Nous ne rencontrons aucun problème majeur, mais ce n’est pas le cas d’un couple français présent sur notre vol. La direction de l’aéroport les a fait venir 6 h en avance, prétextant que le vol avait été avancé. Ils ont eu 6 h d’interrogatoire séparé alors qu’ils sont parents d’un bébé. Ils sont arabes, welcome to Israël.
Toute la délégation se retrouve à l’atterrissage. Nous sommes de retour en France. Nous honorerons la promesse faite à un habitant de Tulkarem : nous raconterons toute la vérité sur ce qu’il se passe ici, sur la colonisation, sur l’apartheid.