Au Portugal, le coup de poker dangereux du gouvernement socialiste

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Au Portugal, le coup de poker dangereux du gouvernement socialiste

Avec la nomination d’António Costa au poste de Premier ministre en 2015, le Parti communiste portugais (PCP) a fait preuve de pragmatisme en apportant un soutien critique au gouvernement socialiste. Néanmoins l’incapacité de ce dernier à se montrer à la hauteur des enjeux de la pandémie a ravivé les tensions entre le Parti socialiste et les autres forces de Gauche. 

Dissolution

Après le rejet du projet de loi de finances par l’Assemblée Nationale, le Gouvernement PS et le Président de la République ont fait le choix de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer des élections législatives anticipées. 

Des élections qui n’étaient pas souhaitées par les communistes portugais. S’ils souhaitaient que les socialistes s’engagent à augmenter les salaires ou à renforcer le système de santé, ils auraient préféré négocier le budget de l’État. Jusque là, sans se faire d’illusions, avec l’appui des syndicats et des travailleurs, le PCP était parvenu à obtenir quelques progrès sociaux, comme l’augmentation du salaire minimum ou encore des retraites. Cette décision de déclencher une élection anticipée est donc du seul fait du PS et de sa volonté de bâtir une majorité stable et durable et d’ainsi pouvoir diriger sans avoir à se reposer sur les groupes politiques de l’actuelle majorité. 

Les médias nationaux ont distillé la peur au sein de la population en mettant en avant le fait que le pays traversait une terrible crise démocratique en pleine crise sanitaire, donnant au gouvernement sortant le bon rôle. 

Ces derniers mois, les militants du PCP sont allés au contact des travailleurs afin d’expliquer que son rejet du budget n’avait pas pour vocation de déclencher des élections anticipées, mais bien de pousser le Parti socialiste au dialogue tout en l’incitant à mener une politique plus sociale. Néanmoins le travail de terrain des communistes n’a pas été récompensé, au contraire, puisque les résultats du 30 janvier dernier montrent que le Parti socialiste a réussi son pari en affaiblissant le Bloc de Gauche ainsi que la coalition des communistes (CDU) et en conquérant une majorité absolue.

Pari réussi pour le PS, mais à quel prix ? 

Le PS a remporté 11 députés supplémentaires, alors que les rangs de la Coalition démocratique unitaire et le Bloc de Gauche se sont considérablement affaiblis. La première passant de 12 à 6 députés et le second de 19 à 5. Mais en affaiblissant les autres forces progressistes, le Parti socialiste a renforcé les organisations de droite et d’extrême droite, qui deviennent désormais les principales forces d’oppositions dans le pays.

En effet, si le parti social démocrate n’a pas spécialement gagné du terrain, perdant même un député par rapport au dernier scrutin, le parti d’extrême droite CHEGA connu pour ses positions populistes, anti-immigration, anti-tzigane est passé de 1,29 % (en 2019) à 7,28 % gagnant ainsi six députés. En 2020, il avait prôné le fait de retirer les ovaires des femmes ayant recourt à l’avortement afin qu’elles ne recommencent pas. Une progression inquiétante, qui est accompagnée par la percée du mouvement Iniciativa Liberal, qui comme son nom l’indique prône une ligne politique très libérale et se place très à droite de l’échiquier politique.

Reste à savoir si le coup de poker des socialistes va mener à un retour de la droite au pouvoir.

Quel avenir pour le PCP et la JCP ? 

Malgré ce revers, les communistes portugais restent engagés dans la bataille pour le progrès social aux côtés de la « Jeunesse CDU ». Le combat mené par les JCP aux côtés des Ecolojovem (Jeunes écologistes) pour le droit à l’éducation et la fin des frais de scolarité gagne de plus en plus de terrain au sein de la jeunesse portugaise. Tout comme les combats menés par le PCP pour augmenter les salaires, pour la gratuité des transports publics ou encore la protection de l’environnement.

Les élections législatives, que le Parti socialiste a imposées aux forces progressistes du pays, sont certes une déception pour les communistes portugais. Elles ne constituent heureusement pas l’Alpha et l’Omega de leurs luttes. En s’organisant sur les lieux de travail, dans les lycées et les universités, la JCP a bien l’intention d’inverser le rapport de force et de renforcer les rangs de la CDU et du Parti communiste portugais. 100 ans après son congrès fondateur, le PCP n’a pas baissé les bras et est prêt à construire l’avenir.


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