André Chassaigne : « Nous devons lutter contre la concentration du pouvoir dans les mains d’un seul homme »

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Pour le député communiste du Puy-de-Dôme, s’exprimer aux élections législatives est nécessaire pour donner de la force à ceux et celles qui votent les lois, face à la monarchie présidentielle. Il appelle les jeunes à s’engager pour la démocratie et pour leurs droits.

Après l’élection du président de la République, est-ce que c’est encore utile de voter pour des députés ?

Notre 5ème République a malheureusement fait de l’élection présidentielle l’alpha et l’oméga de la vie politique du pays. La présidentialisation de notre vie démocratique est très inquiétante. Elle laisse croire qu’il suffit de voter une fois tous les 5 ans pour un Président pour qu’il règle à lui seul tous les problèmes du pays, alors que ce sont les parlementaires qui votent les lois. Cette dérive s’est accentuée depuis 1958. Nous devons lutter contre cette concentration du pouvoir dans les mains d’un seul homme qui est nuisible au débat démocratique. Et plus la participation aux législatives est forte, plus on donne de force et de légitimité aux députés qui sont élus pour faire face à cette dérive monarchique.

Pourquoi les jeunes en particulier devraient-ils voter aux élections législatives ? 

D’abord parce que plus ils votent, plus on s’intéresse à eux. Inversement, moins ils se déplacent, moins les candidats les considèrent dans leurs programmes. Il faut mettre la pression sur les candidats dans chaque circonscription. C’est la garantie de députés qui, demain, n’évacueront pas les grands sujets fondamentaux pour tous les jeunes, le revenu d’autonomie, l’accès au logement étudiant, aux repas de qualité, la fin de la sélection à l’université… Toutes ces réformes indispensables aux jeunes doivent être poussées par les jeunes ! Il faut « botter le cul des candidats » en leur montrant que la jeunesse se mobilise. 

Quels grands combats retenez-vous des deux mandatures où vous avez présidé les députés communistes ?

Je dirais que ce que je retiens avant tout, c’est la spécificité des députés communistes. Notre marque de fabrique, c’est de combattre toutes les lois néolibérales régressives qui font tant de mal à nos jeunes comme à nos aînés, mais de ne surtout pas en rester à une simple fonction tribunitienne faite de grandes envolées à usage médiatique. Il faut tenir les deux bouts : dénoncer et proposer concrètement, à chaque fois, des mesures alternatives. Il faut se battre pour grappiller des avancées. Notre ADN, c’est d’être utile pour améliorer la vie quotidienne des plus modestes, de ceux qui souffrent le plus, même quand on a en face de nous une majorité pléthorique et qui refuse constamment le débat d’idées. Je prends un seul exemple : lorsque j’ai obtenu une revalorisation des retraites des agriculteurs, c’est le fruit de dix années de bataille parlementaire ! Certes, ça ne va pas assez loin. Certes, c’est insuffisant. Mais les premiers « conquis » ouvrent à de nouvelles batailles pour les améliorer. 

Pour vous, qu’est-ce qu’un député communiste ?

Les députés communistes sont avant tout des députés qui jouent collectif, qui essaient à chaque fois de faire le lien entre les besoins du terrain et les textes qu’ils portent à l’Assemblée. Ce sont des députés qui ne se contentent pas de faire de la communication politique. Je prendrai deux exemples. En 2017, tous les députés communistes ont participé au Tour de France des hôpitaux et des EHPAD. Nous avons visité près de 150 centres hospitaliers et maisons de retraite. Cela a permis de relayer la grande souffrance des personnels et de traduire concrètement les besoins immenses en matière de santé dans plusieurs propositions de loi qui ont permis de faire des propositions très concrètes tout au long de la mandature. Nous avons vu, en pleine pandémie, combien nos propositions étaient fondées, combien nous étions dans le vrai. C’est la même chose, lorsque nous avons déposé en novembre 2020 une proposition de loi pour augmenter le nombre de logements en cité universitaire. Tous les syndicats, toutes les organisations de jeunesse nous l’ont dit : le manque de places en cité universitaire est une des principales causes de la précarité étudiante avec la flambée des prix des loyers qu’elle engendre et le besoin de laisser de côté ses études pour prendre de petits boulots.

Comment les derniers gouvernements ont-ils essayé de museler la démocratie parlementaire ? 

Jamais un Président de la République et sa majorité n’auront été aussi loin dans l’atteinte aux droits des députés. Pour eux, le débat parlementaire et le travail de fond sur les projets de loi sont une perte de temps. Pour la start-up Nation, il faut aller vite, toujours plus vite. Pour cela, il suffit de voter les textes qui tombent de l’Élysée, sans les modifier. Ils ont ainsi limité drastiquement le droit d’amender et ont systématisé le recours aux ordonnances qui consiste à voter des mesures en bloc, de façon expéditive, sans pouvoir modifier la moindre virgule. Indéniablement, nous assistons à la radicalisation autoritaire du néolibéralisme.

Est-ce qu’il est possible de rendre la démocratie parlementaire plus vivante et plus proche des citoyennes et citoyens ?

Il faut lutter à tous les niveaux contre les stratégies de confiscation du pouvoir. Le combat des communistes, depuis toujours, c’est que les principes démocratiques doivent pouvoir s’appliquer dans tous les lieux de pouvoir, depuis l’entreprise jusqu’aux grandes institutions. Il faut des droits nouveaux pour les salariés pour qu’ils puissent décider des grands choix productifs. Il faut des pouvoirs nouveaux pour les citoyens dans leur commune, notamment pour combattre les logiques de délégation et de « technicisation » de la politique comme c’est le cas avec les gigantesques intercommunalités. Il faut aussi des pouvoirs et des moyens nouveaux pour les parlementaires qui doivent pouvoir maîtriser l’ordre du jour, en donnant par exemple plus de place aux propositions de loi des députés pour contrebalancer les projets de loi du Gouvernement. Ou encore de vrais moyens d’enquête et de contrôle, par exemple en matière de lutte contre l’évasion fiscale. Les députés doivent aussi pouvoir travailler plus directement avec les habitants pour nourrir leur action sur les textes. Mais cela implique des moyens nouveaux et du temps pour être sur le terrain… Tout l’inverse des choix opérés ces dernières années. 


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