Qu’importent ses gouvernements successifs, les États-Unis aiment à jouer un rôle d’acteur central au Proche-Orient, notamment par le biais de l’État israélien.
Tandis que l’effet « cocotte-minute » du conflit israélo-palestinien faisait jusque-là consensus, l’Oncle Sam, tout au contraire, se gargarisait d’un apaisement de la région. Voilà à peine un mois, que Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, déclarait que « Le Proche-Orient est plus calme aujourd’hui qu’il ne l’a été depuis vingt ans. »
Une croyance sincère en l’apaisement ?
Il y eut effectivement, ces dernières années, des signes d’apaisement entre Israël et plusieurs États arabes. Du moins, il y eut des efforts de « normalisation » – sous la houlette de l’administration Trump – avec les Émirats arabes unis et le Maroc notamment.
En revanche, pour les Palestiniens, le constat est tout autre. La colonisation en Cisjordanie n’a jamais cessé et s’est même accélérée. Entre 2018 et 2019, près de 200 manifestants venus clamer l’exigence d’un retour sur leurs terres ont perdu la vie sous les balles israéliennes. Et tout portait à croire, bien avant l’attaque terroriste du Hamas, que cette année 2023 serait l’une des plus meurtrières de ces vingt dernières années.
En bref, si la situation est caractérisée d’« apaisée » par la Maison blanche, les Palestiniens continuent de subir violences et exactions. C’est là que le bât blesse pour Washington, car les peuples du Proche-Orient semblent avoir à cœur cette cause palestinienne. Peut-être même davantage que ce que pouvait imaginer leurs propres dirigeants.
La stratégie de l’effacement
Washington, tout comme Israël et pour diverses raisons, comptait sur l’effacement politique de la cause palestinienne.
Pour le chef d’État Israélien B. Netanyahou, faire disparaître politiquement les Palestiniens et compromettre toute velléité d’organisation de leur part, c’était l’assurance de normalisation de ses relations avec les nations voisines, en dépit des revendications historiques des pays arabes. L’assurance de faire valoir ses ambitions contraires au droit international au nez et à la barbe de tous.
C’est dans ce contexte que les États-Unis, qui menaient naguère une politique internationale centrée sur le Proche-Orient, ont peu à peu détourné le regard vers d’autres continents. Le tout en laissant un blanc-seing à son allié historique, Israël.
Car pour la Maison blanche, la priorité est ailleurs depuis quelques années. Regard tourné vers l’indopacifique, où l’ennemi déclaré « systémique », la Chine, avance ses pions et marque des points. L’Inde, aussi, qui est amenée à prendre une place clef dans le monde d’ici à 2050, et qui, malgré ses relations historiques avec les puissances occidentales, siège aux côtés de Pékin dans diverses organisations telles que les BRICS.
Parait-il d’ailleurs, d’après le contre-amiral Roux de Luze, qu’il est une expression communément reprise à Washington : « Les trois priorités du Pentagone sont : la Chine, la Chine et la Chine ».
Démonstration de force
Dès le 7 octobre, l’Amérique s’est rappelée à son devoir. Dépêchant le plus grand bâtiment de guerre au monde, son porte-avions Gérald Ford, dans la région. Le tout suivi de moyens aériens d’ampleur et de livraisons d’armes, ainsi que de forces de renseignement.
Si le discours états-unien évolue de jour en jour, tant la ligne de crête est étroite, il est clair que Washington entend montrer que son armée est toujours surpuissante, capable d’agir dans la région malgré sa moindre présence des dernières années.
L’administration Biden entend par là rappeler à ses ennemis de la région – Iran et Syrie en tête – que l’Oncle Sam ne sera jamais bien loin.
Pour autant, si la question palestinienne avait disparu de l’agenda diplomatique, elle est restée hautement stratégique pour les États-Unis. Au-delà du blanc-seing laissé à Tel-Aviv, ils avaient pris le soin de transférer leur ambassade à Jérusalem, acte fort et éminemment négatif pour les Palestiniens, ne laissant que peu de place à l’ambition d’un règlement diplomatique et politique du conflit. Parallèlement, la coupe de différents crédits et les veto systématiquement posés aux Nations-unis ne pouvait laisser planer aucune illusion.
Ce qui est certain et peu faire consensus, c’est que sans l’aide et l’appui stratégique, politique et économique des États-Unis, Israël n’aurait pas pu continuer sa politique d’occupation, de colonisation et d’agression permanente.