1% de violeurs condamnés

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1% de violeurs condamnés

Chaque année, des milliers de femmes sont victimes de viols ou d’agressions sexuelles. En 2022, selon le site du gouvernement, le nombre de femmes majeures ayant été victimes de viols, tentatives de viol et/ou agression sexuelle était estimé à 230 000 femmes. 

Comment expliquer que seulement 1% de ces violeurs soient alors condamnés ? Des facteurs culturels et structurels se conjuguent pour expliquer cette situation. 

Double peine pour le dépôt de plainte

Sur les femmes ayant déclaré dans les enquêtes statistiques avoir été victimes de viol, seul 6% d’entre elles ont porté plainte. Du récit au commissariat au potentiel jugement pénal en passant par la connaissance du crime par les proches, porter plainte peut représenter un véritable parcours du combattant pour les victimes. 

Les victimes redoutent souvent que leur parole soit mise en doute, tant par leur entourage que par les institutions judiciaires. Les mythes sur le viol, qui insinuent que les femmes mentent ou exagèrent, voire sont responsables des violences subies, nourrissent cette appréhension. La remise en cause de leur parole peut être extrêmement violente pour une victime, notamment en prenant en compte le fait que le viol fait bien trop souvent émerger un sentiment de honte sur la victime elle-même. Selon le Syndicat des avocats de France, « la place de la victime des violences sexistes et sexuelles dans la procédure doit être repensée afin d’échapper à toute reproduction institutionnelle de la violence déjà vécue, notamment par la culpabilisation de la victime ou le rejet de sa parole ». De nombreuses victimes abandonnent la procédure, confrontées à des interrogatoires intrusifs sur leur tenue, leur comportement ou leur vie privée. 

En outre, dans 80% des cas, l’agresseur est une personne connue de la victime et 28% identifient leur conjoint ou ex-conjoint comme étant l’auteur des faits. Ces relations d’emprise et de proximité ajoutent une nouvelle couche de complexité : crainte de représailles, empathie pour l’agresseur ou peur des conséquences pour la famille, notamment en présence d’enfants.

Beaucoup de femmes ne portent pas plainte, car elles connaissent la défaillance des institutions et anticipent un manque de soutien ou une issue décevante. Lorsque 80% des plaintes sont classées sans suite, que toutes ont déjà entendu des récits de femmes dont on refusait de prendre la plainte, il est normal de manquer de confiance dans l’institution judiciaire. 

Le sexisme judiciaire

Certains éléments font que le viol et les agressions sexuelles sont des violences difficiles à prouver, qui ne laissent bien souvent pas de preuve matérielle. Il s’agit alors d’une lutte parole contre parole, dans laquelle les femmes sont défavorisées par une constante remise en question. 

L’enquête recherche la cohérence du discours de la victime, faisant fi de tous les éléments qui peuvent amener à des incohérences. Les réactions de stress post-traumatique, la sidération, ou encore la soumission chimique peuvent occulter certains éléments qui amènent les victimes à avoir des souvenirs lapidaires des événements. 

Le système judiciaire, censé protéger les victimes, reproduit parfois des violences systémiques. Une note publiée par le Syndicat de la magistrature le 5 décembre 2024 met en évidence les violences sexistes et sexuelles au sein même de l’institution judiciaire.

Le Haut Conseil à l’égalité dénonce une diminution de 40% des condamnations pour viol ces dernières années. Une des raisons à cela est le développement de la correctionnalisation : des viols sont requalifiés en agressions sexuelles, transformant des crimes en délits. En réponse au manque de moyens financiers et humains et selon l’idée fausse qu’il est plus aisé d’obtenir une condamnation pour agression sexuelle que pour viol, les juges d’instruction minimisent les actes, ce qui revient à priver les victimes d’une justice à la hauteur des faits.

Briser le cycle infernal de la violence et de l’impunité des agresseurs requiert des moyens pour la formation de tous les acteurs de la justice. 


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