Le gouvernement prépare le terrain d’un recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.
Les syndicats refusent une mesure injuste, le patronat redoute un nouveau conflit social
Après avoir évoqué une éventuelle nouvelle mesure libérale sur les retraites début juin, le chef de l’Etat n’a finalement rien dit lors de sa rencontre avec les syndicats et le patronat en début de semaine.
Et pour cause : l’hostilité unanime des syndicats de salariés et les craintes du patronat face à une telle mesure. Pour la CGT,
“Si sa réforme à points version 2020 paraît définitivement hors-jeu, la question de l’équilibre financier du système donc de nouvelles régressions réapparaît et le président de la République prépare le terrain pour les annonces qu’il envisage durant l’été”.
La dernière tentative de réforme des retraites fin 2019, visant à détruire le régime par répartition au profit d’un régime par points, s’est vue infliger une fin de non recevoir par la mobilisation pendant 50 jours de centaines de milliers de salariés, avec 37 jours de grève consécutifs.
Depuis, le patronat est beaucoup plus frileux pour soutenir le gouvernement, le Medef a même exprimé qu’il préférerait reporter le débat après l’élection présidentielle : “à ce stade, c’est prématuré”, a-t-il déclaré redoutant des “tensions sociales”.
Aujourd’hui, les Français sont toujours opposés à ce nouveau recul : 72% des 50-64 ans selon un sondage récent BVA pour Orange et RTL.
Une mesure qui pénalise tous les salariés
La mesure du gouvernement concernerait la génération née en 1961 qui subirait un recul de 6 mois, et à partir de celle née en 1964 toutes les générations qui travailleraient jusqu’à 64 ans. L’option alternative serait de passer plus rapidement de 41 annuités de cotisations à 43 annuités. Dans les deux cas, il serait imposé aux salariés de travailler plus longtemps.
Gain budgétaire potentiel de la mesure ? À peine 14 milliards d’euros en 2026 sur un budget annuel de plus de 314 milliards. Le conseil d’orientation des retraites (COR) a déclaré en juin que le financement des retraites n’était pas un problème :
“Malgré le contexte de la crise sanitaire et le vieillissement progressif de la population, les évolutions de la part des dépenses de retraite dans le PIB resteraient sur une trajectoire maîtrisée à l’horizon 2070”.
Avec le fonctionnement actuel, le conseil prévoit que les salaires augmenteront plus vite que les pensions, par conséquent les recettes plus vite que les dépenses. Le poids des retraites dans le PIB diminuerait de 14,7% l’an dernier à 11,3 en 2070.
Le coût social de la mesure du gouvernement serait en revanche très fort : l’espérance de vie en bonne santé d’un ouvrier est aujourd’hui de 59 ans, faire travailler les salariés plus longtemps, c’est mettre en danger leur santé. L’allongement de la durée de travail augmenterait les risques d’invalidité et d’incapacité pour les travailleurs les plus âgés.
Concrètement, avant le départ en retraite, les salariés seraient plus souvent qu’aujourd’hui dans une situation de précarité : chômage, inactivité… Les futurs retraités partiraient davantage avec des trimestres de décote, ce qui concerne déjà la moitié d’entre eux selon la Dress. Après la réforme des retraites de 2010, le chômage des seniors a augmenté.
De plus, du fait des inégalités d’espérance de vie entre les salariés, en particulier entre les ouvriers et les cadres (6 ans), certains profiteraient beaucoup moins de leur retraite. Encore une fois, le gouvernement ne tient aucun compte de la pénibilité du travail.
Le Parti Communiste milite pour une réforme populaire
Fabien Roussel, candidat du PCF à la présidence de la République, défend le droit de “partir à la retraite à 60 ans, avec une bonne pension”. Le candidat des “jours heureux” propose 37,5 années de cotisations et “avec un taux de remplacement de 75%, basé sur le salaire des six derniers mois dans le public et des dix dernières années dans le privé”.
Plutôt que d’augmenter le chômage des seniors comme la mesure du gouvernement, le communiste veut réduire le chômage des jeunes (20%) en faisant partir les travailleurs plus tôt à la retraite.
Le secrétaire national du PCF a rappelé que la création d’un million d’emplois apporterait 7 milliards d’euros par an et l’égalité salariale entre les femmes et les hommes 5,5 milliards dans les caisses de retraites. Il s’est dit favorable à une cotisation supplémentaire sur les revenus financiers. L’augmentation des salaires apporterait également de nouvelles recettes.
Les propositions communistes sont tout à fait réalisables, elles auraient pour conséquence de réduire les profits des grandes entreprises et d’accroître la part des salaires dans les richesses produites, horizon qui n’intéresse évidemment pas le patronat et le gouvernement. De plus, elles ont le mérite de vouloir élargir les recettes du régime de retraite, au lieu d’avoir une logique purement comptable de réduction des dépenses.
Emmanuel Macron doit renoncer à sa mesure injuste sous peine de rencontrer l’opposition farouche des syndicats de salariés, du Parti Communiste et des travailleurs.