Derrière l’acronyme barbare de LPPR se cache une nouvelle attaque contre la recherche publique sur fond d’austérité. Cette fois-ci, outre les chercheurs, les étudiants pourraient également être les grands perdants de cette réforme.
Qu’est ce que la LPPR ?
Une loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche est en principe une bonne chose : elle transcrit une volonté de l’état d’investir financièrement sur plusieurs années. La recherche française en aurait bien besoin : depuis quinze ans, les postes à l’université ont énormément diminué, les étudiants sont de plus en plus nombreux et la recherche reste une activité vitale pour l’avenir du pays. Pourtant, les rapports commandés pour préparer cette loi (produits par des administrateurs proches de Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche) prévoient de diminuer les dotations publiques à la recherche.
Une des mesures qui fait bondir les enseignant·e·s concerne la remise en cause du plafond de 192 h de cours par an au motif que les plus compétitifs pourront ainsi se consacrer à leurs recherches tandis que d’autres assureront les cours. C’est une véritable remise en cause du statut d’enseignant-chercheur et ainsi de la conception même de ce que doit être l’université française : le savoir qui y est enseigné est enrichi par les recherches et par la spécialisation des enseignant·e·s dans un ou plusieurs champs de recherche. Cette disposition présente aussi un avantage majeur pour le gouvernement : elle permettra de continuer à refuser de recruter les enseignant·e·s nécessaires et fera de la grande majorité d’entre eux des professeur·e·s de seconde catégorie. L’objectif est donc d’abord financier, favoriser les meilleurs laboratoires ou équipes de recherche justifie la poursuite de sous-investissement global dans la recherche.
L’indépendance de la recherche mise en cause ?
Depuis plusieurs années déjà, les crédits de fonctionnement alloués tous les ans aux laboratoires se réduisent et les appels à projets se multiplient. Les laboratoires sont fortement incités à présenter des projets à des organismes nationaux qui en sélectionnent un petit nombre pour les financer. Dans les rapports, on peut voir que cette tendance est encouragée, il est mentionné que la capacité à obtenir de l’argent par ce moyen sera un critère essentiel de l’évaluation des universitaires.
Sur la base de cette évaluation, le président d’Université pourrait décider de diminuer ou augmenter les heures de cours d’un·e enseignant·e, il est également prévu de créer des contrats cours de chercheurs diminuant encore la place des fonctionnaires. Toutes ces mesures vont dans le même sens : que la recherche soit pilotée depuis le sommet de l’état et transformer les présidents d’université en relais des directives.
Pas d’autonomie de la recherche = pas de recherche ?
La production de connaissance est menacée par ce système où des chercheurs déjà peu nombreu·ses·x consacrent une part importante de leur temps à la recherche de financement alors que leurs travaux sont conditionnés par les priorités de ceux qui attribuent les crédits.
La recherche nécessite des chercheurs et chercheuses indépendant·e·s. et qui ont du temps devant eux : c’est pourquoi il existe la limite des 192 h de cours annuelles. Cela ne veut pas pour autant dire que la recherche est hors de tout contrôle, chaque chercheur et chercheuse se soumettent au contrôle et à la validation de leurs pairs.
Un système universitaire à deux vitesses
Le principe de hiérarchisation des chercheuses et chercheurs s’appliquera également aux équipes de recherche : on ne gardera que les plus compétitives et les plus rentables. Le même principe sera décliné pour les établissements, quelques grandes universités concentreront les activités de recherche, les autres seront cantonnées à l’enseignement : les étudiant·e·s n’auront donc plus devant eux des professeur·e·s qui dispensent un savoir appuyé sur leurs recherches.
Baisse des crédits de recherche
Le ministère répète depuis des années que le budget de la recherche ne baisse pas, cette affirmation se fonde sur le Crédit Impôts Recherches (CIR) dont le montant ne cesse d’augmenter. C’est un dispositif censé encourager les entreprises à mener des activités de recherche : en réalité, c’est un très bon moyen pour elles de réduire leurs impôts. Pour retrouver un niveau d’investissement satisfaisant, le budget de la recherche devrait augmenter d’au moins un milliard d’euros pour recruter des fonctionnaires et augmenter le nombre de bourses de doctorat proposées. Le sous-investissement de l’état dans la recherche relève d’un choix politique de très court terme alors qu’une revalorisation du budget n’est pas du tout hors des possibilités du pays.