Le gouvernement reprend une vieille lubie de la droite en annonçant l’instauration de quotas d’immigration. Une mesure stigmatisante et inutile.
Une vieille lubie de la droite
L’instauration de quotas en termes d’immigration est une vieille lubie de la droite. Déjà sous le mandat de Nicolas Sarkozy des quotas avaient été instaurés. Pour la droite, ces quotas viennent apporter une réponse concrète aux fantasmes d’une « submersion » du pays par l’immigration. Le Premier ministre, Édouard Philippe, s’inscrit dans cette continuité en parlant de « reprendre le contrôle ». Difficile pourtant d’expliquer que l’État aurait perdu le contrôle, alors que les flux d’arrivées sont modestes, les frontières quadrillées par la police et le centre de rétention administrative remplis.
Ce discours anxiogène et stigmatisant et pourtant largement repris et l’idée même de quotas viennent le conforter. En France, quand on parle de quotas il ne s’agit pas d’objectif à remplir, mais bien de limite à imposer face à une immigration qui serait trop nombreuse et problématique. On retrouve derrière cette politique, le slogan de Jean-Marie Le Pen « 1 million d’immigrés, c’est 1 million de chômeurs de plus ». Un raisonnement aussi absurde que le chiffre est très largement surestimé. En faisant des quotas un outil de sa politique migratoire, le gouvernement poursuit un héritage peu glorieux.
Un outil absurde
Emmanuel Macron avait fait du pragmatisme la marque de fabrique de son mouvement politique. Ses partisans n’hésitent pas à faire valoir leur « bon sens » face à leurs adversaires qui seraient pétris d’idéologie. Si le caractère idéologique, ultralibérale, de la politique menée depuis 2017, n’est plus à démontrer, en matière d’immigration le vernis « pragmatique » s’écaille de plus en plus.
Premièrement, l’immigration ne représente pas un problème. En 2018, on comptait environ 260 000 entrées sur le territoire, un quart étant amené à repartir notamment dans le cas d’étudiants. Un nombre plus faible que les pays voisins de taille équivaut et a rapporté au 67 millions d’habitants du pays. L’impact économique de cette immigration est faible et probablement même positif par augmentation de la population active. La contribution aux systèmes de solidarité compense intégralement les prestations versées, il n’y a pas de phénomène de baisse des salaires ni d’augmentation du chômage.
Deuxièmement, les quotas ne peuvent concerner qu’une toute petite part de cette immigration. L’immigration familiale souvent pointée du doigt est en réalité le résultat d’engagements internationaux de la France. Le droit à mener une vie familiale normale est en effet inscrit dans la déclaration européenne des droits de l’homme, mais également dans d’autres traités ratifiés par la France. Les règles sont déjà particulièrement strictes et encadrent très durement ce droit pourtant fondamental. Il est impossible d’y mettre une limite chiffrée. Le même raisonnement vaut pour le droit d’asile qui lui aussi relève du droit international. Les quotas ne concernent donc que l’immigration dite « du travail ». Cette dernière est faible en France et concerne environ 30 000 personnes par an. Il faut également exclure de ces quotas, les entrées illégales qui par définition ne sont pas contrôlables a priori.
Troisièmement, non seulement ces quotas concerneraient une très faible proportion des entrées sur le territoire, mais en plus seraient économiquement absurdes. Dans une tribune dans Le Monde, une professeure le résume assez bien. Si les quotas sont supérieurs au besoin, ils sont inutiles, s’ils sont inférieurs ils sont inefficients.
Une stigmatisation croissante des étrangers
Le seul objectif de l’instauration de quotas d’immigration est donc une nouvelle étape d’une excitation de l’opinion publique vers davantage de xénophobie. Une funeste entreprise de division menée dans la seule perspective de calculs électoraux fumeux. Ce virage stratégique du président de la République dépasse de loin la manœuvre électorale en termes d’impact dans la société. L’impact symbolique des quotas est important. Pour des millions de citoyens frappés par l’angoisse de la recherche d’emploi ou de sa perte, le message résonne fortement avec leurs conditions de vie. L’instauration de telles limitations à l’immigration viendrait finalement normaliser un discours raciste.
Ce serait également un nouvel outil de fabrication de clandestins. En privant de voies d’accès légales des immigrants, on le jette vers l’illégalité. Les nombreuses mobilisations de travailleurs sans papiers pour leur régularisation et contre les conditions d’emploi exécrables qu’ils subissent devraient conduire à repenser la politique d’immigration de la France dans un tout autre sens. En attendant le patronat de certains secteurs, continue de profiter d’une main d’œuvre à bas coût condamnée à la servilité par leur statut.
Emmanuel Macron a voulu réaliser une synthèse entre une approche « humaniste » qui serait « laxiste » et une approche « réaliste » qui serait « ferme ». Son « en même temps » aboutit ici à une mauvaise solution à un faux problème au service de vrais racistes.