Réclamée par la plupart des universités, l’autonomie au niveau de l’Enseignement supérieur est un concept qui fait débat. Surtout depuis 2007, date à laquelle la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) ou dite « loi Pécresse » a été promulguée.
Les enjeux de l’autonomie
Pour bien comprendre les enjeux de l’autonomie et de l’autonomisation du système universitaire, il faut avoir conscience que les principales missions de l’université sont de diffuser le savoir, former, innover et encourager le développement économique et social. La faculté est une phase qui transforme des lycéennes et des lycéens en travailleuses et travailleurs qualifié-es. Se demander qui gère ce système et de quel pouvoir ce dernier dispose est donc important.
Il est évident que le modèle universitaire dépend fortement du système socio-économique propre à chaque pays. L’Union européenne entend répondre à cette problématique avec l’Association des universités européennes qui représente les universités des pays membres. Celle-ci va notamment défendre le processus de Bologne qui vise à uniformiser les différentes organisations universitaires européennes par la mise en place du système en trois cycles (licence, master et doctorat) ou l’utilisation des crédits ECTS.
La loi Pécresse s’explique par ce contexte d’européanisation de l’enseignement. Cependant, on se doute que quand une ministre sarkozyste prête attention à l’ESR, c’est rarement pour faire autre chose que de le libéraliser. Pour être autonome, il faut pouvoir décider par soi-même et c’est donc pour cela que la loi prévoit que les conseils d’administration soient composés de “vingt-quatre à trente-six membres”, contre 30 à 60 membres auparavant. Dans ce sens, le président est désormais élu à la majorité absolue par les membres élus du conseil d’administration, et non plus par l’ensemble des trois conseils. Paramètre important qui étend son éventail de prérogatives, notamment en matière de recrutement. De plus, les universités auront la responsabilité de gérer l’intégralité de son budget, y compris la part destinée aux salaires (contre seulement 25 % du budget avant).
Quel bilan dresser ?
Il est vrai que ce côté décentralisateur semble être positif pour que les universités puissent adapter leur budget à leur priorité. Mais, quand la feuille de route suivie par l’État est la stratégie de Lisbonne, il faut être attentif.
À l’occasion des 10 ans de la loi Pécresse, le syndicat SNESUP-FSU déclarait que cette loi rimait, depuis son instauration, avec “austérité budgétaire, réduction de l’offre de formation, baisse des budgets de la recherche publique, autoritarisme présidentiel, casse des statuts et préférence au recrutement sur contrat et l’accroissement de la souffrance au travail”. Un tableau noir qui renverse totalement l’imaginaire bruxellois de l’enseignement à la sauce MEDEF (puisque le célèbre “syndicat” patronal est membre consultatif du processus de Bologne).
Les universités, désormais autonomes, peuvent désormais se laisser tenter à accepter des fonds privés. Mais, ceci n’est pas sans contribution, car les critères pédagogiques des entreprises étant restrictifs, elles auront tendance à financer uniquement les filières qui leur sont directement rentables. Par exemple, les matières telles que l’Histoire, la Géographie ou la Philosophie sont mises de côté au profit de formations en management de plus en plus nombreuses.
Dans sa continuité ultra-libérale, Macron annonçait en décembre 2023 “Acte II de l’autonomisation des universités” avec un dispositif d’élargissement sur l’ensemble du territoire. Alors que les dégâts de l’Acte sont visibles, le choix du nouveau ministre de l’ESR, est d’un profond cynisme. Ce n’est d’autre que Patrick Hetzel, l’un des artisans de l’Acte I. Quoi de mieux que le fondateur pour achever la destruction du système universitaire ? Le syndicat CGT FERC Sup dénonce la mise en place d’une “université à deux vitesses (celle qui développe une recherche à un niveau mondial et celle qui doit insérer professionnellement les étudiant·es après 3 ans)”.