Euro : quand le football devient boulimique

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Euro : quand le football devient boulimique

L’Euro de football touche à sa fin et un premier bilan peut être dressé. Très clairement cette édition ne restera pas dans les mémoires.

La quantité au détriment de la qualité

L’Euro français de 2016 aurait dû nous mettre la puce à l’oreille : en décidant d’abandonner le format à 16 équipes, le championnat d’Europe a grandement perdu en qualité. 

Si l’intention de l’UEFA de permettre à des équipes nationales mineures de participer à une grande compétition internationale est louable, force est de constater que lorsque près de la moitié des nations européennes se qualifient, le talent se retrouve dilué au détriment de l’intensité des rencontres. Pire, le système de qualification via la toute nouvelle Ligue des nations a permis la participation d’équipes ayant échoué à se qualifier par la voie classique.

Mais c’est surtout le format qui interroge. Les compétitions sportives aiment les exponentielles de deux pour former leurs tableaux : 2, 4, 8, 16… À 24 équipes, un déséquilibre se crée et il devient indispensable d’adapter le premier tour. En permettant aux meilleurs troisièmes de groupe de passer en huitième de finale, le premier tour ressemble à une continuité des matchs amicaux de préparation. 

L’édition 2021 de l’Euro n’a pas dérogé à la règle en offrant de belles « purges » durant les deux premières semaines avec une mention particulière pour les groupes D (celui de l’Angleterre) et E (celui de l’Espagne). Sans compter que des équipes franchement peu méritantes ont pu accéder aux huitièmes.

L’équité sportive a-t-elle encore un sens ?

Imaginé par Michel Platini, à l’époque président de l’UEFA, pour célébrer les 60 ans de l’Euro – et éviter une embarrassante édition en Turquie, seul pays candidat – la compétition éclatée à travers l’Europe avait tout de l’usine à gaz et cela c’est confirmé. 

Dès le départ, le tirage au sort des groupes s’est heurté à la volonté de faire jouer les pays organisateurs « à la maison » au premier tour, retirant une bonne part de hasard au processus. 

L’Euro n’a ensuite pas résisté à l’épreuve du feu logistique, pas aidé il est vrai par le report d’un an dû à l’épidémie de Covid. Ainsi, alors que certaines équipes ont pu jouer l’intégralité de leur premier tour à domicile et profiter d’un avantage physique indéniable, d’autres ont dû jongler entre les avions et les hôtels au détriment de la récupération et in fine de la qualité de jeu. C’est le cas de la Suisse qui a dû enchaîner des déplacements Bakou-Rome-Bakou-Bucarest-Saint-Pétersbourg !

On n’est ainsi pas surpris de voir qu’en demi-finale on ne retrouve que des concurrents qui ont eu le privilège de disputer leur premier tour à domicile. La palme de l’inéquité revient à l’Angleterre qui a pu disputer six de ses sept matchs à Londres. La présence d’une équipe au fond de jeu aussi pauvre en finale est d’ailleurs symptomatique des dysfonctionnements d’une compétition qui aura été ubuesque de bout en bout.

Le Danemark, la belle histoire de l’Euro

Chaque compétition, même les plus fades, réserve son équipe frisson, celle pour laquelle on se passionne au détriment du reste. En 2021, le Danemark aura joué ce rôle. 

Difficile de ne pas avoir été ému devant le parcours de ce groupe qui avait commencé l’Euro de la pire des manières avec le dramatique arrêt cardiaque de Christian Eriksen. Sous le choc, les Danois se sont replongés dans leur sport et ont offert à l’Europe un récit dont le football à le secret. 

Portés par un jeu offensif flamboyant, les Vikings ont longtemps cru rééditer l’exploit de la Danish Dynamite de 1992 – les Danois, non-qualifiés étaient devenus champions d’Europe après avoir été repêchés au dernier moment. 

Il s’en fallut d’un penalty très généreux pour que l’Angleterre, décidément la mal-aimée de la compétition, ne stoppe le parcours des coéquipiers de Simon Kjaer. Avec une équipe qui arrive à maturité, le Danemark a encore de belles pages à écrire dans les années à venir.

Ils ont raté dans les grandes largeurs

Surfant sur leur beau parcours de 2018 (quart de finale) et jouant le premier tour à domicile, on pouvait légitimement attendre mieux de la part des Russes. Mais surclassée par la Belgique (3-0) et éparpillé façon puzzle par des Danois décidément sur un nuage (4-1), la Russie n’a pas fait long feu dans cet Euro.

Pareil pour la Pologne, une nouvelle fois sortie prématurément. L’effectif emmené par Robert Lewandowski a fière allure sur le papier, mais année après année, les rouges et blancs persistent à faire preuve de médiocrité passé les phases de qualifications. Un résultat aussi frustrant pour leurs supporters que pour toutes celles et ceux qui voient passer une superbe génération vieillir sans aucun exploit à se mettre sous la dent.

Mais la plus grande déception de cet Euro se trouve certainement du côté de l’Anatolie. Des jeunes joueurs annoncés en grande pompe et encadrés par l’expérimenté buteur lillois Burak Yılmaz, deux matchs « à domicile » en Azerbaïdjan, la Turquie avait tout de l’outsider dans cet Euro. Résultat ? Un but marqué, huit encaissés, trois défaites et un retour prématuré à la maison pour une équipe qui n’aura décidément rien montré au point d’être considérée comme une des pires de cette édition.

La France a déçu, l’avenir reste ouvert

Il va sans dire que lorsqu’on se présente comme le grand favori de l’épreuve, une élimination en huitième fait tâche. Sur le match en lui-même, rien à redire, la Suisse ayant mis à profit les largesses défensives françaises pour arracher un succès amplement mérité. Et pourtant la France de 2021 est-elle si différente de celle qui avait ramené la coupe à la maison il y a trois ans ?

Si la solidité défensive qui avait fait sa force semble s’être étiolée, la France est tout de même sortie en tête du « groupe de la mort » en jouant deux fois à l’extérieur et en livrant des matchs à très haute intensité – bien rares sont les équipes à avoir battu l’Allemagne chez elle en match officiel. 

C’est certainement d’avoir laissé trop de force au premier tour qui a coûté la défaite face à la Suisse. Diminués par les blessures et face à un adversaire ayant bénéficié de trois jours de repos supplémentaire – encore un effet du format à 24 – les Bleus ont craqué physiquement en fin de match. En 2018, c’est à ce genre de détail que la France parvenait à gagner un autre match non-maîtrisé, le huitième de finale face à l’Argentine.

Pourtant tout n’est pas à jeter, l’animation offensive des Bleus, très critiquée pendant le tournoi, a objectivement répondu présent, Benzema se chargeant de faire taire les critiques. Avec un groupe à qui il reste encore de nombreuses années au haut niveau, la France peut espérer revenir au sommet rapidement. 

Ça tombe bien, en octobre les Bleus auront l’occasion de se rattraper avec une demi-finale de Ligue des nations face à la Belgique.


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