A l’issue du dernier tour des élections en Inde, le parti de droite au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP), a été réduit à néant et la gauche et les partis régionaux laïques ont remporté des victoires électorales décisives.
Traduction par Sofian Nejjari d’un article proposé par le People’s Dispatch publié le 3 mai 2021
Pinarayi Vijayan, ministre en chef communiste du Kerala. Photo : Newsclick
Lors du dernier tour des élections d’Etat en Inde, le parti de droite au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP), a été réduit à néant, et les partis de gauche, laïques et régionaux ont réalisé des gains décisifs. Le Front démocratique de gauche, dirigé par le Parti communiste indien (marxiste), a remporté les élections dans l’État du Kerala.
Le dépouillement des bureaux de votes pour les élections à l’Assemblée législative des États du Kerala, du Tamil Nadu, du Bengale occidental, de l’Assam et du territoire de l’Union de Puducherry a eu lieu le dimanche 2 mai. Les élections se sont déroulées tout au long du mois d’avril. La campagne et les élections ont été marquées par une campagne haineuse du BJP et des épisodes de violence orchestrés par la machine étatique.
Les élections étaient cruciales car le BJP espérait s’établir dans trois des États où il était traditionnellement faible ou absent. Cependant, le BJP et ses alliés ont été largement battus au Kerala et au Tamil Nadu. Au Bengale occidental, bien qu’il ait considérablement amélioré ses résultats, il n’a pas répondu aux attentes et a été relégué à une lointaine deuxième place.
Les élections interviennent à un moment délicat pour l’Inde, qui connaît actuellement sa deuxième vague de pandémie de COVID-19. Cette deuxième vague est une tragédie, due à la pénurie d’oxygène et de lits d’hôpitaux pour ceux qui en ont besoin, car le gouvernement n’était pas préparé à la crise un an après le début de la pandémie. Le gouvernement ayant privilégié le profit à la santé, ces élections ont notamment constitué un test décisif.
Kerala
Le Kerala a connu la victoire écrasante du Front démocratique de gauche (LDF), dirigé par le Parti communiste indien. Le LDF a remporté 99 sièges sur les 140 que compte l’assemblée de l’État. De manière significative, il a arraché le seul siège que le BJP avait remporté lors des dernières élections. La signification politique de ce mandat est également visible dans le fait que c’est la première fois en quatre décennies qu’une alliance politique en place au Kerala est reconduite au pouvoir.
Le Front démocratique de gauche est au pouvoir depuis 2016. La principale opposition dans l’État, le Congrès national indien, ainsi que le BJP, ont essayé toutes les formes de tromperie politique et ont mené de multiples campagnes de désinformation pour discréditer le gouvernement de gauche. Diverses agences centrales d’investigation ont également été déployées contre le gouvernement de l’État à l’approche des élections.
Le LDF a cependant surmonté tous ces défis – des assauts de la droite soutenus par les entreprises et des catastrophes naturelles telles que les inondations de 2018 et 2019 à l’opposition conservatrice à l’entrée des femmes dans le temple de Sabarimala et à la pandémie de COVID-19. Le gouvernement LDF a gagné un grand soutien populaire pour son travail de secours lors des crises, notamment la distribution de kits alimentaires, et les mesures de protection sociale telles que la délivrance efficace des pensions. Les investissements substantiels dans la santé publique, l’éducation et les infrastructures, ainsi que la résistance du gouvernement à la polarisation et à la discrimination religieuses lui ont également valu de nombreux éloges.
Tamil Nadu
L’État du Tamil Nadu a vu l’alliance dirigée par le Dravida Munnetra Kazhagam (DMK) revenir au pouvoir après 10 ans, en battant le parti sortant, le All India Anna Dravida Munnetra Kazhagam (AIADMK), qui était allié au BJP.
Le DMK avait constitué une alliance laïque et démocratique composée du Congrès national indien, du Parti communiste indien (marxiste) (CPI(M)), du Parti communiste de l’Inde (CPI), du Viduthalai Chiruthaigal Katchi (VCK) et d’autres. L’alliance a remporté 159 des 234 sièges de l’assemblée. Le CPI(M) et le CPI, qui avaient soulevé les questions des droits des travailleurs et de la détresse agraire, ont remporté deux sièges chacun. Au fil des ans, le Tamil Nadu, qui a une riche histoire de mouvements de justice sociale, est apparu comme un puissant rempart contre les politiques de droite du BJP. Ll’AIADMK au pouvoir a également dû faire face à l’ire de la population pour s’être allié au BJP.
Bengale occidental
Le BJP a subi un revers important au Bengale occidental, où le Trinamool Congress (parti social-démocrate) dirigé par Mamata Banerjee a obtenu 213 sièges sur les 294 que compte l’Assemblée législative, améliorant ainsi de deux sièges son score précédent. Le BJP, quant à lui, n’a pu remporter que 77 sièges. Le BJP s’était fortement investi dans la campagne, le Premier ministre Narendra Modi et son second, le ministre de l’Intérieur Amit Shah, ayant participé à de nombreux rassemblements et le parti ayant dépensé d’énormes ressources. Modi et Shah ont été fortement critiqués pour s’être concentrés sur la campagne alors même que le pays luttait contre la pandémie. Nombreux sont ceux qui ont accusé la Commission électorale indienne d’avoir aidé le BJP en étalant l’élection au Bengale occidental sur huit phases, permettant ainsi aux dirigeants centraux du BJP de mener une campagne plus intensive.
L’un des principaux éléments de la campagne du BJP était la prétendue migration des musulmans du Bangladesh, qui était clairement destinée à susciter une frénésie islamophobe. Le BJP a également bénéficié de l’aide d’une grande partie des médias d’entreprise qui lui prédisaient avec confiance une énorme majorité. Le programme a clairement échoué, le BJP n’ayant même pas remporté une grande partie des segments de sièges d’assemblée qu’il avait dirigés lors des élections parlementaires de 2019.
Si la victoire de Mamata Banerjee a tenu le BJP à distance, il n’en reste pas moins que ce dernier a considérablement progressé ces dernières années et a réussi à polariser la société sur des lignes religieuses. Le Bengale occidental a été un bastion du CPI(M) pendant 34 ans, jusqu’à ce que Mamata Banerjee arrive au pouvoir en 2011 et déclenche des vagues de violence sur la gauche, alors même que le BJP progressait lentement dans l’État. Au lendemain des résultats, on a signalé des attaques contre les maisons des travailleurs de gauche et les bureaux des partis. Les partis de gauche étaient alliés avec le Congrès national indien et le Front séculier indien (ISF). L’ISF a remporté un siège dans l’État.
Le BJP a réussi à conserver le pouvoir en Assam, où les intérêts particuliers ont toujours entretenu les feux ethniques et communaux, et le parti a gagné dans le territoire de l’Union de Puducherry en alliance avec le parti régional All India N.R. Congress (AINRC).
Traduction de l’article de People’s Dispatch :