Dans les CFA, le gouvernement laisse les manettes au patronat  

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Dans les CFA, le gouvernement laisse les manettes au patronat  

Les jeunes travailleurs en formation ne sont pas épargnés par l’austérité : selon une information exclusive des Echos, le Ministère du Travail s’apprête à baisser de 300 millions d’euros ses subventions à destination des Centres de Formation d’Apprentis (CFA). 

Une dépendance accrue au patronat

Avec cette baisse des subventions, le Ministère du Travail place donc les CFA dans une situation de dépendance à la Taxe d’apprentissage. Cette taxe à destination des CFA contient notamment un solde pouvant être directement versé aux établissements choisis par les entreprises. Le patronat dispose ainsi d’un moyen de pression sur les centres. Ce moyen de pression est utilisé pour jouer sur le contenu des formations ou pour limiter le droit de regard des CFA sur les conditions de travail des apprentis. Les CFA jugés “non-prioritaires” par le patronat ou trop impliqués dans la formation de leurs apprentis se voient ici punis par une baisse de leurs moyens.  

Les apprentis avaient déjà été impactés par les décisions budgétaires de ce début d’année. Si la baisse des aides à l’apprentissage vient réduire les cadeaux fiscaux faits au patronat, la fin de l’exonération de cotisations salariales pour les apprentis aura entraîné une baisse considérable de leur rémunération.  

Une massification sans moyens

Depuis la Loi Pénicaud de 2018, les gouvernements successifs n’ont pourtant pas cessé de pousser au renforcement de l’apprentissage. En 2017, on comptait 429 900 apprentis dans le pays contre 1 025 500 en 2023. Cette augmentation impacte l’ensemble des filières et des niveaux de diplômes. L’apprentissage est fortement tertiarisé, les métiers des services représentaient 41.5 % des apprentis en 2017 contre 63.4 % en 2023.

Derrière ces réformes encore et toujours les mêmes objectifs. D’abord, amener les jeunes des classes populaires le plus rapidement possible sur le marché du travail mais également confier la formation de la jeunesse à un patronat en recherche de main d’œuvre à bas coût. Il n’est pas étonnant de voir les CFA liés à des secteurs en tension, aux conditions de travail dégradées, comme le BTP, l’hôtellerie ou le commerce se renforcer. La massification des centres sur le territoire mène également à une détérioration de l’encadrement, de la qualité des formations, ou encore des conditions de travail des apprentis.  

La trajectoire des CFA depuis la Loi Pénicaud de 2018 fait ainsi office d’avant-garde. Elle rappelle le sort des lycées professionnels depuis leur réforme de 2023. En somme c’est toujours plus de jeunes concernés, passant toujours plus de temps en entreprise, perçus comme des salariés que l’on paye moins pour les mêmes tâches…

Métiers essentiels, formations négligées

Les CFA comme les lycées professionnels ont pourtant en commun de former à des métiers indispensables au bon fonctionnement de notre appareil productif. Comment imaginer notre société tourner sans ses menuisiers, ses électriciens, ses boulangers, ou même ses chaudronniers ?

Force est de constater qu’aucune des orientations politiques prises depuis des décennies ne rend justice à ces milliers de jeunes travailleurs en formation. Au contraire, les CFA et lycées professionnels sont dévalorisés, leurs formations impactées, tandis que les apprentis doivent vivre au quotidien l’exploitation de leur patron en échange d’un salaire bien en deçà du SMIC. 

La perspective d’une baisse de subventions rappelle la vision comptable du gouvernement Bayrou. Aucune réflexion n’est portée sur les perspectives de l’apprentissage, ni même sur les politiques mises en place depuis 2018.


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