En 1956, le docteur américain Grégory Pincus met au point la première pilule contraceptive. Aux États-Unis, elle sera commercialisée dès 1957. En France, elle est d’abord prescrite pour traiter la dysménorrhée, aussi appelée douleur menstruelle. En 1967, Lucien Neuwirth donne son nom à la loi par laquelle la pilule sera libéralisée sur prescription à des fins contraceptives.
Depuis sa première mise sur le marché, les recherches autour de la pilule n’ont pas cessé. De nombreuses évolutions ont permis d’augmenter son efficacité et de réduire son impact sur le corps des femmes. Depuis 1974, la prise en charge de la pilule par la Sécurité sociale a permis sa généralisation, notamment auprès des classes populaires. Elle devient un symbole de la “libération sexuelle”.
Différentes méthodes de contraception
La France est aujourd’hui l’un des pays où les femmes ont le plus recours à la contraception orale. Cependant, dans les années 2010, elle perd en popularité suite aux nombreuses polémiques liées aux risques des pilules 3ᵉ et 4ᵉ générations sur la santé (augmentation des risques de thromboses veineuses et de cancers du sein et de l’utérus). Selon l’INED, entre 2010 et 2013, chez les femmes âgées de 15 à 49 ans, le recours à la pilule passe de 50 % à 41 %. Un recul qui va s’accentuer les années suivantes et qui est particulièrement marqué chez les 15-29 ans, au profit du préservatif. Il est important de rappeler que le préservatif, qu’il soit féminin ou masculin, est la seule méthode qui prévienne à la fois une grossesse non désirée et la transmission d’infections sexuellement transmissibles.
On dénombre aujourd’hui 11 méthodes contraceptives féminines, tandis que seulement 3 méthodes masculines sont couramment utilisées. Le préservatif, deuxième méthode de contraception la plus utilisée dans le monde, le retrait, considérée comme une méthode traditionnelle — elle a un taux d’échec assez élevé – et la vasectomie. Cette dernière consiste en une opération chirurgicale rapide et indolore. Il s’agit de sectionner puis boucher les canaux déférents, chargés de faire passer les spermatozoïdes des testicules à l’urètre. La perméabilité entre les canaux peut être recréée par une autre opération chirurgicale. On considère donc qu’elle est réversible à 50 %, sans prendre en compte la possibilité d’une fécondation in vitro. Pourtant, en France, en 2020, elle représentait moins d’ 1 % de la contraception.
Des méthodes de contraceptions qui diffèrent selon l’âge et le sexe
Avec les années, l’usage de contraceptifs s’est structuré selon un schéma assez répandu dans les couples hétérosexuels. Il prescrit l’utilisation du préservatif en début de relation ou de vie sexuelle. En France, en 2014, près de la moitié des 15-17 ans avait fait ce choix de contraception. Quand les partenaires sont un peu plus âgés et/ou que la relation se stabilise, la pilule devient la méthode privilégiée. La même année, elle était utilisée par 53 % des couples entre 18-24 ans. Enfin, le choix d’un stérilet (DIU) s’accroît à partir de la fin de la vingtaine. S’il n’est utilisé que par seulement 5 % des femmes de 20 à 24 ans, il devient la méthode la plus répandue chez les femmes âgées de 35 à 49 ans, qui sont environ 32 % à le choisir.
On remarque donc que dans la vie d’un couple, ce sont majoritairement les femmes qui assument seules le poids de la contraception. Si le préservatif représente près de 21 % de la contraception mondiale, les deux autres méthodes sont négligeables (moins de 4 % chacune).
Pourtant, la plupart des contraceptions hormonales exposent les femmes à des effets secondaires ainsi qu’à des risques liés à la santé. De plus, certaines méthodes telles que la pilule peuvent représenter une charge mentale importante et être un véritable facteur de stress.
À l’aube des premières contraceptions hormonales, les conséquences d’une grossesse non désirée étaient si grandes pour les femmes que les effets secondaires, encore peu connus à l’époque, paraissaient comme un moindre mal. Cependant, aujourd’hui encore, près de 45 % des grossesses ne sont pas planifiées dans le monde. En Europe, c’est environ un tiers. Pour permettre une planification familiale plus efficace et ayant le moins d’impact possible sur le corps des femmes, il est important que les hommes puissent disposer d’un véritable choix de méthodes adaptées à leurs besoins.
Des études menées pour trouver de nouvelles méthodes contraceptives masculines
Depuis une quarantaine d’années, des études ont été menées pour développer de nouvelles méthodes contraceptives masculines, sûres et efficaces. On a par exemple vu apparaître les anneaux contraceptifs ou slips chauffants. Ces méthodes mécaniques consistent à rapprocher les testicules du corps afin de les réchauffer de quelques degrés. Leur température passe ainsi de 34/35 °C à 36/37 °C, ce qui inhibe la production de spermatozoïdes en environ trois mois. Bien qu’elles aient prouvé leurs efficacités, ces méthodes thermiques sont souvent considérées trop contraignantes et sont très peu utilisées.
Une technique hormonale existe également. Une injection de testostérone une fois par semaine va jouer sur l’hypothalamus, zone du cerveau qui coordonne la production d’hormones. Il reçoit l’information d’une production de testostérone trop élevée et entraîne une réduction de la production naturelle de cette hormone responsable de la fabrication de spermatozoïdes. Très efficaces en seulement quelques semaines, ces pratiques comportent néanmoins un certain nombre d’effets secondaires : troubles de l’humeur, prise de poids, baisse de libido ou maux de tête. Des effets indésirables similaires à ceux que subissent les femmes. Toutes les études menées sur le sujet montrent qu’elles acceptent bien plus ces désagréments que les hommes.
Depuis 2019, une nouvelle piste enthousiasme les chercheur.euse.s. Elle prend la forme d’un gel contraceptif baptisé NES/T. Ce gel est composé de nestorone, un dérivé de la testostérone. Il s’applique quotidiennement au niveau des épaules et agit également sur l’hypothalamus afin de réduire la production de spermatozoïdes. Les résultats d’une première étude réalisée sur 200 volontaires seront publiés dans les prochaines semaines. Diana Blithe, chercheuse aux National Institutes of Health, agence qui coordonne cet essai clinique international, est remplie d’espoir. “Cela fait trente ans que l’on dit “dans dix ans” mais cette fois, j’en suis assez convaincue : dans dix ans, on devrait disposer d’un contraceptif efficace, réversible et pratique pour les hommes.”
Comme ce gel, de nouvelles pistes non-hormonales sont également en développement. Toutefois, ces avancées se heurtent encore à certaines difficultés.
Proposer aux hommes un large choix de contraceptions, hormonales ou non, relève d’un véritable défi culturel. Si on en entend un peu plus parler ces dernières années, le sujet reste tabou. Pour beaucoup d’hommes, suivre une contraception, voire choisir une modification hormonale, représente un aveu de faiblesse et une véritable menace pour la virilité. Selon Guillaume Baudin, co-auteur du livre Les contraceptés : enquête sur le dernier tabou, “On associe la perte de la fertilité à la perte de la virilité”.
Une réticence du côté féminin
Habituées à prendre en charge la contraception, de nombreuses femmes déclarent avoir du mal à imaginer déléguer cette responsabilité. Dans la mesure où ce sont leurs corps qu’elles exposent à un risque d’échec, certaines ont du mal à considérer que leur charge mentale serait véritablement diminuée. Si certaines considèrent que la contraception masculine serait l’occasion de responsabiliser les hommes quant aux risques liés à une mauvaise protection, d’autres doutent que leur conjoint s’en empare consciencieusement.
Malgré tout, ces appréhensions diminuent doucement et les femmes sont de plus en plus ouvertes à un partage de la contraception, comme le montre une étude récente de Desire Line, chargée de conseiller les laboratoires de recherche.
Conséquences économiques
Ces deux facteurs sociaux ont des répercussions économiques. Alors que les laboratoires de recherches nécessitent des fonds importants pour approfondir leurs expériences et financer les expérimentations, les aprioris sur la contraception masculine découragent encore souvent les partenaires potentiels d’investir.
Enfin, le manque d’information sur les solutions déjà existantes freine la généralisation de ces méthodes. En France, en 2022, près de 23 % des gynécologues et généralistes n’étaient pas capables d’informer leurs patients au sujet de la contraception thermique.
Bien qu’ils aient tendance à se tasser, de nombreux obstacles freinent donc le développement de la contraception masculine. Cependant, les dernières avancées de la recherche semblent prometteuses et nous accordent l’espoir d’une seconde révolution contraceptive prochaine.