Le Festival de Cannes termine sa 77ᵉ édition, qui s’est déroulée du 14 au 25 mai. L’occasion de revenir sur cette édition, qui, comme les précédentes, a connu de multiples réactions, que cela soit lié aux récompenses, aux films projetés ou au contexte international.
Coppola divise, Anora récompensé
Arlésien de plusieurs décennies, le projet de Francis Ford Coppola, Megalopolis, a enfin été tourné. L’enjeu est de taille : c’est un projet ayant rencontré des difficultés pour trouver des financements, au point que son réalisateur s’est endetté personnellement pour mener la production à bien. Au total, ce serait plus de 100 millions de dollars pour un projet dont Adam Driver (Marriage Story, Le Dernier Duel) est l’acteur principal.
Toutefois, les retours sont globalement négatifs : alors que Télérama présente le projet comme “raté”, critiqué pour sa longueur et ses personnages féminins ; Jérôme Lachasse (journaliste pour Le Monde) parlant même de “catastrophe”. Des hués se sont même fait entendre à la fin de la projection du film. À voir si le public sera au rendez-vous pour le dernier film du cinéaste, après une dizaine d’années sans sortie.
À l’inverse, le jury a visiblement été séduit par Anora de Sean Baker, ayant décidé de lui décerner la Palme d’Or (plus haute récompense du festival). Le long-métrage raconte la relation entre une escort-girl et un milliardaire. En attendant sa sortie en salle, nous conseillons le visionnage de Red Rocket du même réalisateur, traitant de la masculinité, du virilisme et du rapport à la pornographie aux États-Unis. On regrettera que sur les 22 films nominés, seuls 4 étaient réalisés par des femmes, bien que l’une d’elle, Payal Kapadia, a reçu le Grand Prix pour son film, All We Imagine as Light.
Gaza au cœur de Cannes
Alors que l’Ukraine était le sujet géopolitique prédominant lors de l’édition de 2022, cette édition 2024 a été l’occasion, à différents degrés, de mettre sur le tapis le conflit israélo-palestiniens. Du côté des célébrités, c’est Cate Blanchett qui a fait son effet : l’actrice principale de Tàr est venue habiller d’une robe à dominante blanche, accompagnée de rouge et de vert, couleurs du drapeau palestinien.
Du côté de la compétition, peu de long-métrage palestinien étaient présents. Un, précisément : Vers un pays inconnu, de Mahdi Fleifel. Présenté comme un thriller, il est le seul film palestinien sélectionné en compétition.
MeToo et Cannes : un rendez-vous manqué ?
Mais Cannes est avant tout un milieu de l’entre-soi cinématographique : critiques, réalisateurs, producteurs, etc. sont réunis autour du cinéma. La remise en cause de ce milieu est mal reçue.
En effet, les rumeurs d’une “liste” d’auteurs responsables de violences sexuelles se sont développées en amont du festival. Cela a été l’occasion, dans les médias conservateurs (CNEWS, tout particulièrement), de critiquer la libération de la parole des femmes. Certains acteurs n’ont pas été en reste. Raphaël Quesnard s’est notamment exprimé sur cela, étant très critique sur ces rumeurs et les accusations en ligne. Mediapart, qui devait supposément publier cette liste, à nier son existence, en pointant du doigt la réutilisation de cette rumeur contre la parole des femmes.
En d’autres termes, une réaction classique des médias dominants, qui ne remet pas en question son milieu. Pourtant, ce sujet a été, sera, et est d’actualité : la publication de plusieurs témoignages contre Edouard Baer, comédien célèbre en France, quelques jours après la critique de MeToo par ce dernier, en est la preuve.
Que retirer de cette Édition cannoise ?
“Cette année a été plutôt intéressante dans certains gestes d’engagement qu’ont montrés les festivaliers ou les professionnels qui ont monté le tapis rouge.”
Cette conclusion de l’édition 2022 pourrait être réutilisé pour cette 77ᵉ édition. On pourrait toutefois nuancer la question de l’engagement, qui varie selon le sujet : un engagement international pour la Palestine, certes, mais une grande difficulté à s’intéresser aux problèmes du milieu, en ce qui concerne les violences sexuelles.