Aujourd’hui nous en sommes sûrs, l’Humanité en est à un tournant majeur de son Histoire. Tournant majeur car l’ensemble des moyens de production, tels qu’ils sont organisés et tels qu’ils sont utilisés, mettent en péril notre existence en tant qu’espèce.
Le climat change, et les experts s’accordent sur les faits suivants :
– Il est dorénavant inévitable que la température augmente de 2°C d’ici la fin du 21ème siècle ;
– Il n’est pas exclu que cette augmentation de la température dépasse les 2°C d’ici la fin du 21ème siècle ;
– Cette augmentation de la température est le fruit direct et avéré des activités de l’Homme ;
– Cette augmentation de la température entraînera des conséquences graves, généralisées et irréversibles pour l’être humain et les écosystèmes ;
– La fenêtre temporelle durant laquelle nous pouvons encore essayer de contenir les effets du réchauffement climatique est déjà ouverte, sans que l’on sache quand elle se refermera.
Tout le monde s’accorde pour dire qu’il est impératif d’amorcer un processus de transition énergétique. Autrement dit, il s’agit de passer d’un système basé sur des énergies fossiles et carbonées, à un système basé sur des énergies durables et décarbonées.
La situation actuelle n’est plus durable car les effets du réchauffement climatique issus de l’utilisation massive des sources d’énergies carbonées (hydrocarbures ou charbon) sont déjà réels. De plus, ces sources d’énergies carbonées fossiles se tarissent et ne seront bientôt plus à notre disposition. Et enfin si ces sources d’énergies sont utilisées jusqu’à épuisement, le réchauffement climatique et ses effets seront définitivement irréversibles.
La transition énergétique en question
Le processus de transition énergétique pose la question de la fin et des moyens. Vers quelle société, vers quelle organisation et vers quelles énergies nous mène ce processus? Mais aussi par qui, pour qui et comment ce processus se mettra-t-il en place? Il y a unanimité autour du besoin de faire la transition énergétique. Toutefois, derrière cette convergence de besoins, les débats sur la position à prendre se tendent autour de divers enjeux.
Quel degré de confiance (faible ou fort) accorder à la technique pour résoudre l’équation énergétique? Combien de temps qui reste-t-il à disposition avant que les effets du réchauffement climatique soient irréversibles? Et enfin, quels liens faut-il faire entre transition énergétique, transition écologique et transformation sociale?
Le processus de transition énergétique, questionné sur ces volets, révèle les tensions et les conflits d’intérêts qui opposent les multiples acteurs dans son élaboration, entre le Capital mondialement organisé et les différents mouvements anticapitalistes, écologistes et altermondialistes.
Le débat comporte des pièges
Le degré de croyance en la technologie pour nous sortir de l’impasse du réchauffement climatique est un leurre. En effet les technologies permettent dès à présent de donner le change, via l’ensemble des sources plus durables que sont, entre autres, l’énergie éolienne, solaire, nucléaire, biologique. De plus sans parler de l’énergie que l’on consomme, des technologies et des outils peuvent nous permettre de transformer nos lieux de vie, de travail et de consommation afin d’alléger notre besoin énergétique. La question est finalement celle des moyens à mettre en œuvre pour développer des sources plus propres d’une part, et des consommations plus sobres d’autre part. Cela pose aussi la question de qui payera la note. Note que ne veut évidemment pas payer le Capital.
La fenêtre temporelle à notre disposition pour réaliser les changements nécessaires à notre survie est aussi un leurre. L’urgence est là et plus nous attendrons, plus les dégâts seront importants. Si nous avons les moyens aujourd’hui de nous approvisionner et de consommer autrement, pourquoi le changement n’est-il pas opéré ? Le fait est que capitalisme et transition énergétique ne peuvent aller de pair. En effet l’effort nécessaire à la transition énergétique doit nous sortir de notre dépendance aux sources d’énergies les plus profitables de toute l’histoire, le charbon et les hydrocarbures. Face au risque de pénurie, la minorité ayant le pouvoir, sur l’économie et la sphère politique, engage l’exploration de réserves sous l’antarctique, développe l’exploitation de sables bitumineux et permet la fracturation hydraulique. L’effort nécessaire ne sera donc pas celui du Capital.
La nécessité de reprendre le pouvoir sur nos vies
La dimension plus générale de la portée des transformations qu’impose la transition énergétique est le cœur du débat. L’urgence impose un changement radical et général de nos modes de vie pour réduire notre empreinte sur le climat et la planète. Elle impose une implication massive des pouvoirs publics et des citoyens du monde pour être menée à bien. Elle nécessite de sortir des logiques d’hyper-concurrence entre nations, entre puissances économiques et financières. Elle suppose le partage et la gestion collective de la production, de la consommation et de la durabilité des ressources. Elle suppose de subordonner l’économie à l’Homme et à ses besoins. La transition énergétique est une grave menace pour la bourgeoisie mondiale car elle a le pouvoir de lui ôter des mains les leviers de commande.
Les solutions techniques et organisationnelles existent et il faut dès à présent les mettre en place. Questionner leur existence ou le temps qu’il reste avant la zone de non-retour sont des leurres. Il faut avancer sur le débat de fond. Il n’y aura pas de transition énergétique réussie sans transformation sociale profonde et généralisée. Elle ne s’effectuera pas sans une réappropriation complète et collective des ressources et des moyens de production. Rien ne sera possible sans des pouvoirs publics en pointe dans le soutien à l’effort qu’impose à tous les niveaux la transition énergétique, du plus local au plus global.